Ressources de l’Algérie et Émigration : Apport à la richesse de la France

Ressources de l’Algérie et Émigration : Apport à la richesse de la France

«Ce qu’il faut dire aux Algériens, ce n’est pas qu’ils ont besoin de la France, mais que la France a besoin d’eux, c’est qu’ils ne sont pas un fardeau. Ils seront, au contraire, la partie dynamique et le sang jeune d’une nation française dans laquelle nous les aurons intégrés. J’affirme que, dans la religion musulmane, rien ne s’oppose au point de vue moral à faire du croyant musulman un citoyen français complet. Bien au contraire, ses préceptes sont les mêmes que ceux de la religion chrétienne». ~ Jean-Marie Le Pen, Assemblée nationale française, 28 janvier 1958

Résumé

Dans cette réflexion, nous faisons le point de l’apport de l’Algérie en termes de ressources à la France pour son développement et ceci dès le début de la colonisation. Après avoir volé ou détruit tout ce qui peut constituer l’identité culturelle et cultuelle, après avoir disposé d’une force noire, une chair canon, dont la France aura usé et abusé sur tous les 9 théâtres d’opération ou les Régiments de Tirailleurs algériens ont versé leurs sang sans reconnaissance si ce n’est un Code l’indigénat, frère jumeau du Code Noir œuvre du négrier Colbert sous Louis, XIV, nous allons dans cette contribution faire un inventaire non exhaustif des ressources exportées en «métropole» tout au long de la colonisation, sans création de richesse, laissant à l’indépendance l’Algérie dans une situation tragique car le but de la France est de faire de l’Algérie un réservoir de matières premières mise en valeur avec les bras des Algériens.

La deuxième partie de cette contribution sera consacrée aux travailleurs algériens exploités en Algérie, ceux envoyés en «métropole», pour se battre pour la France, pendant que d’autres remplaçaient les Français mobilisés et faisaient fonctionner les usines. Un épisode ignoré, la participation des Algériens à la libération de la France en tant qu’émigrés, dans la résistance française, la guerre en versant leur sang mais aussi en participant à l’effort de guerre en travaillant dans les usines pendant certains Français pétainistes s’engageaient dans les STO avec les Allemands. C’est ainsi que s’est constitué progressivement l’émigration algérienne dont les enfants vivent présentement en tant que franco-algériens des jours difficiles d’une meute de l’extrême droite. Les Français doivent savoir que les émigrés et plus largement les Algériens ont sauvé plusieurs fois la France.

Le pillage systématique des ressources de l’Algérie exportées vers la France

La colonisation se limite à une longue série de pillage. L’exploitation intensive des ressources naturelles, notamment minières, pour alimenter l’économie métropolitaine. Les Infrastructures minières développées par la France comme les chemins de fer, les ports, les usines de traitement, serviront au profit de l’extraction et non de l’industrialisation locale.

Les principales ressources minières exportées en France depuis l’Algérie sont : le fer avec environ 2 à 3 Mt/an dans les années 1950, le plomb et le zinc avec 100 000 à 200 000 tonnes. Les phosphates avec environ 1 Mt/an avant 1960, le charbon et le mercure en faible quantité, le pétrole et gaz peu exportés avant 1962 mais stratégiques. Le tout pour un total estimé à 12 à 14 milliards de francs/an.

Le coût moyen de production et plus-value est faible car la main-d’œuvre bon marché (travailleurs indigènes mal payés). Moins de 5% des recettes minières restaient en Algérie. La plus-value captée en France est de loin plus importante : transformation industrielle, revente sur les marchés européens. Les ressources minières algériennes contribuaient à environ 5-10% de l’approvisionnement industriel français. Pas de filières avales (sidérurgie, chimie), malgré le potentiel. Le secteur minier représentait 10-15% des exportations de l’Algérie coloniale. La logique coloniale extractive avec la main d’ouvre algérienne a fait de l’Algérie un fournisseur de matières premières à bas coût, sans développement autonome local.

L’exploration du pétrole et du gaz a permis la prolongation de la guerre

Les premières recherches pétrolières en Algérie ont débuté dans les années 1940, notamment dans la région du Dahra (massif du Chélif). Les efforts se sont donc rapidement orientés vers le Sahara, où les perspectives étaient plus prometteuses. Le gisement de Hassi Messaoud a été découvert en 1956 en pleine guerre d’Algérie par la Société SN Repal. La production a commencé en 1958 avec la mise en service d’un oléoduc de 180 km reliant Hassi Messaoud à Touggourt. Les réserves sont estimées à environ 12 milliards de barils. Le gisement de Hassi R’mel a été découvert en 1956. La production a commencé en 1961. Les réserves étaient estimées à environ 4000 milliards de mètres cubes. Les découvertes de Hassi Messaoud et Hassi R’mel ont pu permettre de financer la guerre faite aux Algériens.

La quantité de pétrole de Hassi Messaoud extraite entre 1958 et 1962 est évaluée à 126 millions de barils soit environ 250 millions de $. Pour le gaz de Hassi R’mel le total cumulé (1961-1962) est d’environ environ 90 millions $. Le pétrole n’a pas bénéficié à l’économie locale avant 1962. Après l’indépendance, l’État algérien a dû négocier la récupération de ces gisements (nationalisation en 1971), rattraper les décennies de sous-développement volontaire dans le reste du pays.1,2,3,4,5

Évaluation des exportations agricoles pendant la période coloniale exemple les plus importants : valeur et impact à la fois pour l’Algérie et la France

Les produits agricoles dominants et exportés (blé, vin, agrumes, huile d’olive, dattes… ont eu un impact économique positif sur la France. Au contraire, les conséquences sociales et économiques furent désastreuses pour les Algériens (appauvrissement rural, déséquilibres fonciers, exode). Une partie de ces épaves émigre.

Jusqu’à 15 M hl/an de vin sont exportés en France dans les années 1930. Il en est aussi des céréales exploitées dès le début de la colonisation et exportées en France et en Espagne. C’est le cas aussi des agrumes (oranges et citrons, l’huile d’olive et enfin les dattes. Parmi les autres cultures il faut citer l’alfa exporté vers l’Angleterre pour la fabrication du papier.

En 1960, plus de 30% des exportations algériennes étaient agricoles, malgré la montée des exportations d’hydrocarbures. Ainsi pour ce qui des exportations agricoles elles sont passées de 180 millions de $ en 1956 à 250 millions de $ en 1960 soit 1,7 milliards d’euros de 2024.

Pour ce qui est du vin, l’Algérie produisait 14 millions d’hectolitres pour environ 165 milliards d’euros de 2024. L’Algérie fut le 4ème producteur mondial de vin avant 1962, les colons exploitaient 400 000 ha. Le vin algérien servait à couper les vins légers du Languedoc.

L’impact économique positif : Une manne pour la France

On le voit, les exportations agricoles comme celles des hydrocarbures, ont permis au pouvoir colonial de perpétuer la guerre faite aux Algériens d’au moins deux ans. Ainsi, l’Algérie approvisionnait la France en blé, orge, légumes secs, huile, dattes. Les Algériens étaient exclus de toute amélioration de leur condition matérielle et sociale ; Plus de 2 millions d’hectares expropriés entre 1830 et 1960. La paupérisation des fellahs faisait que les travailleurs étaient sous-payés sur les grandes exploitations coloniales ; Il y a, par voie de conséquence, une concentration de la pauvreté autour des villes (Alger, Oran, Constantine). Enfin il faut rappeler que de par la loi Warnier, 2% des Européens en Algérie contrôlaient 30% des terres fertiles, dans la Mitidja, le Sahel, le Constantinois. L’agriculture coloniale algérienne avec des Algériens était au service de l’économie française, au prix de la désintégration du monde rural algérien. En 1962, l’économie agricole était déconnectée des besoins des populations locales. Beaucoup d’Algériens émigrèrent à la recherche d’emplois

Apport de l’émigration algérienne exploitée sous domination coloniale

Il nous faut revenir à la genèse de l’émigration ; c’est d’une façon ou d’une autre la France et sa politique dictée en partie par les colons qui a fait des Algériens dépossédés de leur terre et donc en apesanteur social selon le bon mot du sociologue Abdelmalek Sayah des «variables d’ajustement» au grès des bons vouloirs des princes du moment Ainsi, l’émigration algérienne depuis le début du XXe siècle a joué un rôle fondamental, à la fois pour la France (pays d’accueil) et pour l’Algérie (pays d’origine). Cette émigration s’est déroulée en plusieurs phases, avec des caractéristiques socio-économiques distinctes selon les époques. Cette émigration ne s’est pas faite d’un coup. Il y eut plusieurs périodes correspondant à la politique de la France vis-à-vis de ses indigènes sujets

Au début XXe siècle et pendant la Première Guerre mondiale : il y eut un recrutement massif d’Algériens peu instruit pour travailler dans les mines, les usines, les chemins de fer et remplacer les ouvriers français mobilisés au front. Dans l’entre deux guerres il y eut développement d’une émigration économique vers la France, surtout pour le travail dans l’industrie lourde (sidérurgie, métallurgie). Pendant la seconde guerre mondiale il y eut de nouveaux recrutements pour remplacer les Français partis au combat. Près de 170 000 Algériens participent à la guerre, dont beaucoup restent en métropole ensuite. Dans les années 1950 et suite à la guerre d’Algérie : L’émigration s’accélère malgré les restrictions administratives. Nous sommes passés de 5000 émigrés en 1912 à 400 000 en 1954. Pour la France ce fut une main-d’œuvre bon marché et disciplinée dans les secteurs industriels et les mines. En plus de la contribution importante à l’effort de guerre (deux guerres mondiales).

«Le régime colonial écrit Emmanuel Blanchard, interviewé par Somia Lokmane est un régime de contrôle des déplacements. L’appropriation coloniale passe par «le resserrement» de ceux qui sont appelés les indigènes, sur des territoires délimités d’où ils ne peuvent sortir qu’avec des autorisations. En 1918, la circulation de l’Algérie vers la France demeure libre mais, très rapidement, la xénophobie monte et la question migratoire est politisée (…) Les colons, à travers les élus leurs maires et les milieux patronaux veulent instaurer «une propriété sur la main d’œuvre indigène». Même s’ils considèrent avec un grand mépris ces travailleurs, qualifiés de peu productifs, ils veulent se les accaparer pour des salaires de misère et font tout pour les empêcher d’aller chercher de meilleurs salaires en métropole».6

Historique de l’immigration algérienne en France

«La présence algérienne en France s’inscrit de fait, sur plus d’un siècle d’une histoire singulière. Ni Français, ni étrangers jusqu’en 1962, les Algériens sont tour à tour «indigènes», «sujets français» puis «Français musulmans d’Algérie». La paupérisation – exacerbée en milieu rural, la pression foncière, les spoliations, le manque de ressources entraînent un double phénomène d’exode rural et d’émigration à la fin du XIXe siècle. La veille de la Première Guerre mondiale révèle l’implantation en métropole d’une véritable communauté algérienne. Ils restent bien loin derrière les migrants européens. Les travailleurs algériens travaillent sur les chantiers du métropolitain les usines Michelin, dans les mines les docks du port de Marseille. Le patronat apprécie l’apport de cette main-d’œuvre docile et bon marché, Mais c’est la Grande Guerre qui amorce un mouvement migratoire représentatif vers la France. Près de 100 000 travailleurs d’Algérie auxquels s’ajoutent 175 000 soldats coloniaux sont recrutés entre 1914 et 1918. Les pouvoirs publics renvoient après l’armistice tous les travailleurs et soldats dans leurs colonies d’origine. La venue en métropole est subordonnée à la présentation d’un contrat de travail (…) Après l’indépendance la France a gelé les pensions des anciens combattants algériens restés dans leurs pays d’origine. Le président Jacques Chirac décide, en septembre 2006, de mettre fin à la cristallisation. Il ordonne la revalorisation des pensions des anciens combattants non français».7

Les conditions précaires, des tirailleurs bétons guerriers du BTP

La période après 1945, fut celle de la reconstruction de la France, grâce aux dollars du Plan Marshall et aux bras des Algériens «reconvertis» dans le béton (les tirailleurs bétons) qui pour certains ont remplacé les armes par les outils de construction, notamment avec l’occupation des postes dirty, dont les Français ne veulent pas ; pour construire l’essentiel des infrastructures d’une France en ruine. Ce sera les «trente glorieuses» L’après-guerre voit une France en ruines, qui doit reconstruire ses villes, routes, usines, logements. Les besoins en main-d’œuvre sont énormes, notamment dans le BTP, les aciéries, les chantiers urbains, les barrages, etc. Ce qui facilite le recrutement massif de main-d’œuvre «coloniale». Dans les années 1950-1960, environ 500 000 Algériens vivent en métropole, dont plus de 40% dans le secteur du BTP. En 1962 (indépendance), environ 300 000 Algériens travaillent en France. Les conditions de travail étaient désastreuses.

Les travaux les plus pénibles, dangereux et sous-payés leur étaient réservés : terrassement, maçonnerie lourde, tranchées, échafaudages… Peu ou pas de formation qualifiante «On faisait les travaux que les autres refusaient, on nous appelait les casse-cailloux». Témoignage d’un ouvrier algérien à Nanterre, années 1970. «Logés dans des «foyers Sonacotra» ou bidonvilles insalubres. Ces foyers étaient surpeuplés, sans vie familiale ni intimité. L’émigration était masculine et solitaire. Ils ont été parqués dans les foyers de la Sonacotra. Leur condition sociale resta inchangée, jusqu’au jour où le président Giscard d’Estaing décide de les «expulser». Ce fut le «million Stoléru» pour solde de tout compte d’un siècle d’humiliation et de rapine. Certains Algériens restèrent et eurent des conditions de vieillesse difficiles. «Si aujourd’hui la grosse artillerie politico-médiatique est sortie pour la reconnaissance des tirailleurs venus des colonies, il n’en est pas de même pour les – «guerriers» – du BTP, des mines ou de la sidérurgie…» La France n’arrive toujours pas à sortir de son hypocrisie coloniale…. Cela devient insupportable qu’une telle omerta règne dans notre pays sur le sort réservé aux vieux travailleurs immigrés maghrébins».8

Les émigrés algériens dans la résistance française

Un pan de l’histoire volontairement ignoré concerne l’engagement des émigrés, pourtant à la lisière du progrès dans la défense de la France. Ainsi, à leur façon, Les émigrés sauvèrent la France en contribuant à a libération de deux façons : D’abord, les émigrés, qui s’engagèrent dans la Résistance au nom d’un idéal de liberté. Il y a les autres mobilisés généralement de force qui participèrent à la libération de la France. Les émigrés algériens en France s’engagèrent dans la Résistance française durant la Seconde Guerre mondiale, dans les rangs des Francs-Tireurs et Partisans (FTP) contre l’occupation allemande. Malgré leur condition : Ils étaient marqués par la pauvreté, le racisme, et surveillées par la police coloniale française. Ces groupes pratiquaient le sabotage, les attentats. Les Algériens étaient très actifs dans la région parisienne (attaques de convois, sabotages ferroviaires). Ils procurèrent des hébergements aux pilotes anglais et américains Les émigrés payèrent un prix important mais pas reconnu par la France Mohamed Belaïd Aït Medri : ouvrier algérien, fusillé par les nazis en 1941 avec Guy Môquet (et sa fameuse lettre lue dans les lycées). Mohamed Lakhdar Toumi, fusillé en 1943 Abdoun déporté mort à Dachau Abderrahmane Benhamida, Saïd Boualam et bien d’autres furent arrêtés, torturés, fusillés».9,10

Certains immigrés algériens aidèrent à cacher des familles juives dans des caves, ateliers ou mosquées. La Mosquée de Paris délivra de faux certificats d’identité musulmane à près de 1600 juifs. De plus, les Algériens résistants rédigeaient des tracts clandestins en berbère distribués aux immigrés : «Hier, à l’aube, les juifs de Paris ont été arrêtés… ils sont nos frères, leurs enfants sont comme nos propres enfants (ammarach nagh)… Celui qui rencontre un de ces enfants doit lui donner asile et protection…»11

Il faut savoir que lors du débarquement de Normandie avec 350 000 soldats américains et anglais, seuls 177 Français participent (commando Kieffer). Par contre le débarquement de Provence fut LE véritable «débarquement français» grâce aux troupes coloniales 60% des 250 000 (RTA, Tabors, Tunisiens. Sur 250 000 hommes, qui payèrent un prix terrible. Le général de Lattre de Tassigny rend hommage à ces combattants. Sans eux la libération de la France aurait été impossible. En définitive, les émigrés ont proportionnellement fait plus pour la libération de la France que les Français de souche qui ont accepté l’occupation en collaborant a des efforts de guerre par le STO face à une France métropolitaine soumise à l’Occupation et parfois collaboratrice ce qui amena de Gaulle par dépit à les traiter de veaux dans un moment de colère. Ce qui excluent naturellement les Jean Moulin Résistants de la première heure. Les troupes nord Africaines permirent à de Gaulle de pouvoir participer à Yalta. Comme remerciements pour le sang versé de Gaulle donnera instruction que les troupes qui défileront doivent être blanchies excluant de ce fait, les mélanodermes et assimilés voilà la reconnaissance de la France : une pension cristallisée pendant cinquante ans.[11]

Racisme et forme de traite des émigrés décrit par Kateb Yacine

Malgré tous les signes de respect de la République, le racisme structurel envers les émigrés algériens est omniprésent. La tentation des races supérieures, fait que le plus modeste des Français se sentent supérieure à l’émigré, demandeur, et analphabète. S’y ajoute un fort racisme dans les chantiers et les quartiers, une ségrégation dans les cantines, vestiaires, syndicats. Après 1962 : soumis à des contrats précaires, et parfois reconvertis en travailleurs saisonniers. Certains expulsés arbitrairement après grèves ou engagements syndicaux. «Un ouvrier algérien ne pouvait pas se plaindre sans risquer l’expulsion».

Kateb Yacine, jeune écrivain explique la condition de vie difficiles de ces émigrés : «Lorsque je vins à Paris pour la première fois, en 1947, j’eus pour mécène inattendu un émigré de Kabylie, (…) Les émigrés m’apportaient les lettres reçues. Je les lisais pour eux et répondais sous leur dictée. J’appris que les chômeurs «achetaient» du travail à toutes sortes de parasites qui les rançonnaient littéralement. Ces trafics ont toujours été connus de la police, trafics dès le départ, trafics à l’arrivée, trafics sur les baraques, les caves, les dortoirs, trafics sur les emplois, trafics sur les papiers, etc. Je me souviens, par exemple, des voyageurs entassés à bas prix au départ d’Alger dans des D.C.-4 qui multipliaient les escales et déposaient les paquets d’hommes en de lointains aérodromes, marchandise égarée qui n’avait rien à dire. Mais je ne puis décrire Ici les nouvelles formes de la traite. Il y faudrait non pas un livre, mais une noire bibliothèque. Tout ce que je peux dire, c’est que rien n’a changé pour le prolétaire émigré, même si son pays est indépendant, bien au contraire. L’indépendance des colonies a fait refluer dans la métropole toute une pègre de négriers, formés dans le mépris et dans la haine du sous-homme. Les trafiquants sont Intouchables. Par contre, leurs victimes sont à la merci d’un licenciement ou d’une expulsion. C’est ainsi que la loi protège les millions d’exploités qui construisent la France».12

L’émigration après l’indépendance

Avant 1962, l’émigration algérienne en France reposait largement sur une logique d’exploitation économique et sociale, à la fois structurelle et systémique. L’ouvrier algérien coûtait 20% à 40% moins cher qu’un ouvrier français (salaire + charges). Le taux de mortalité des Algériens en France dans les années 1950 était 2 à 3 fois plus élevé que celui des Français. De plus, les retraites ont été cristallisées, comme celles des tirailleurs algériens. Après l’indépendance de l’Algérie il y eut des accords bilatéraux permettent la poursuite de l’émigration légale vers la France. Deux profils émergent : travailleurs manuels, souvent en regroupement familial (1970). Cadres, étudiants, médecins, ingénieurs à partir des années 1980-1990. L’Évolution numérique après 1962. Nombre d’Algériens en France en 1968 ils étaient 500 000. En 2020 près de 2 millions sans leurs familles. S’agissant de l’apport économique après 1962. Pour l’Algérie : Transferts financiers : en moyenne 1,5 à 2 milliards de dollars/an dans les années 2000-2020 via les canaux officiels. En moyenne, les travailleurs envoyaient 30% à 60% de leur salaire chaque mois à leur famille en Algérie. L’État français prélevait une commission sur ces transferts (jusqu’à 15%) jusqu’en 1959.

Estimation du coût du commerce avec la France depuis l’indépendance

«Le commerce bilatéral a représenté entre 10 à 20 milliards USD/an en moyenne depuis les années 2000, avec une forte montée dans les années 2000, un recul après 2014, puis un regain récent. Pendant la période 1962-2000 (approximative) : le commerce cumulé estimé à 100 à 120 milliards USD, très centré sur le pétrole/gaz algérien contre biens manufacturés français. Pour la période 2000-2024 (données plus fiables) : Les exportations algériennes vers la France : ~110-120 milliards USD, les importations algériennes depuis la France : ~160-180 milliards USD. Déficit cumulé en défaveur de l’Algérie : ~40-60 milliards USD. Le Commerce bilatéral cumulé (1962-2024) : ≈ 250 à 300 milliards USD, avec un fort déséquilibre en faveur de la France. Les exportations algériennes vers la France sont surtout constituées par les hydrocarbures (brut, GPL, condensats) : 80 à 90% du total jusqu’à récemment. Valeur faible ajoutée, peu de transformation locale. La France a perdu sa place de 1er fournisseur de l’Algérie au profit de la Chine (depuis ~2018). Les échanges annuels France-Algérie en 2023 : exportations françaises : 5,3 milliards €, importations françaises : 4,2 milliards €, solde : +1,1 milliard € pour la France».13

«En définitif le commerce bilatéral cumulé (1962-2024) est évalué à 250 à 300 milliards USD, avec un fort déséquilibre en faveur de la France. En 2023-2024, le commerce bilatéral atteint environ 11 Md € dont environ 80% des exportations algériennes vers la France sont des hydrocarbures (~6-7 Md €) et environ 5-6 Md € d’importations françaises en Algérie, incluant machines, pharmaceutiques, céréales, véhicules, agro‑alimentaire (~30% machinisme, 15% pharmaceutique, 10% céréales, 10% voitures)».14

S’il n’y a plus d’émigration la France s’arrête dans la seconde

Avec tout ce plaidoyer, nous voyons le rôle objectif dans la construction d’une France dite puissance grâce notamment à l’Algérie. Pour répondre aux politiques des droites et aux autres nostalgiques cette publication résume la place de l’émigration. «S’il n’y a plus d’émigrés en France, la France s’arrête à la seconde. 15% des ingénieurs en informatique en France sont étrangers. 17% des médecins sont étrangers dont 10% d’Afrique du Nord. Il y aurait 15 000 médecins algériens en France dont 2000 ont été recrutés en février 2022. Sans ces médecins pays au SMIC, l’hôpital s’arrête. Ceux qui construisent rénovent les bâtiments sont les émigrés. En règle générale 25 à 30% des travailleurs sont des émigrés sans compter celles et ceux qui s’occupent des personnes âgées. On a besoin d’émigrés aujourd’hui et demain. Il y des concurrences avec d’autres pays européens pour faire venir chez eux les émigrés surtout ils sont instruits».15

Conclusion

Avant 1962, l’économie algérienne était intégrée de force au marché français, sans autonomie. Les produits à forte valeur étaient captés, sans transfert de richesse. Enfin, les dettes morales et retards de développement sont liés à un système colonial qui a pillé les ressources et empêché la formation de capacités productives locales. En 1962, tout était à créer avec un ex-colonisateur qui refuse d’acheter le vin, obligeant l’Algérie «sur le temps long» à arracher les vignes et à créer un embryon d’industrie. Avec cela le taux d’analphabétisme qui frise les 90%, tout était à créer.

Il faut espérer que ce nécessaire devoir d’inventaire suscitera une prise de conscience de ce que fut réellement la colonisation la négation des droits de l’homme, dont à tort, la France se vante d’en faire le chantre, au lieu de regarder, courageusement, la réalité en face et sortir de l’hubris du bon temps des colonies. Seul un dialogue apaisé dans l’égale dignité des deux peuples permettra de bonifier toutes les opportunités au vu de notre immense partage d’une ressource humaine de plus en plus instruite qui peut être un pont entre les deux pays qui ont une grande responsabilité dans cette Méditerranée qui a besoin de stabilité.