Est de la RDC : « C’est toute la région qui est menacée », met en garde le président burundais

Est de la RDC : « C’est toute la région qui est menacée », met en garde le président burundais

Alors que les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, ont pris Goma et progressent dans le Sud-Kivu, la SADC s’est réunie ce vendredi à Harare et a appelé à un sommet conjoint avec l’EAC. Retrouvez les principaux événements qui ont eu lieu entre le 23 janvier et le 3 février.

Ce qu’il faut retenir : Le M23, soutenu par le Rwanda, a lancé une offensive sur plusieurs axes autour de Goma, la capitale du Nord-Kivu, dans l’est de la RDC. Les combats ont débuté le 23 janvier et les rebelles ont pénétré dans la ville dimanche 26 janvier au soir. Ils en tiennent les points clés depuis le 28 janvier. Mercredi 29 janvier, ils ont ouvert un nouveau front dans la province voisine du Sud-Kivu.

Le 1er février, le président burundais, Évariste Ndayishimiye, a dit redouter que le conflit en RDC déclenche une guerre régionale. « Si ça continue comme ça, la guerre risque de se généraliser dans la région », a-t-il déclaré.

Le 31 janvier, un porte-parole de l’ONU a affirmé qu’au moins 700 personnes avaient été tuées et 2 800 blessées lors des combats pour le contrôle de Goma.

Un sommet extraordinaire de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) s’est tenu ce vendredi dans la capitale zimbabwéenne, Harare, pour trouver « des solutions durables » au conflit. La SADC propose un sommet conjoint avec l’EAC.

Les informations de dimanche 2 février :

  • L’armée tanzanienne annonce la mort de deux de ses soldats

« À la suite d’une série d’attaques dans les régions de Saké et Goma menées par les rebelles du M23 les 24 et 28 janvier », l’armée « a perdu deux soldats », a déclaré le porte-parole des Forces de défense du peuple tanzanien (TPDF).

Des soldats tanzaniens sont déployés en RDC dans le cadre de la mission de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) dans le Nord-Kivu, la SAMIDRC.

  • Le Rwanda « salue » la proposition d’un sommet régional

Kigali a salué, dans un communiqué publié dimanche et transmis à l’AFP, le récent appel de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) à organiser un sommet conjoint régional pour régler le conflit. Vendredi, les 16 pays membres de l’organisation – parmi lesquels figure la RDC – avaient réclamé « un sommet conjoint » avec les huit États de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC, dont fait partie le Rwanda) « afin de réfléchir à la manière de régler la situation sécuritaire en République démocratique du Congo ».

L’EAC avait formulé cette même proposition deux jours plus tôt, rappelle l’AFP, soulignant que les positions des deux organisations apparaissent éloignées. Alors que les dirigeants de la SADC ont « réaffirmé » leur « engagement indéfectible à continuer de soutenir la RDC dans sa quête de sauvegarde de sa souveraineté et de son intégrité territoriale », l’EAC exhorte de son côté Kinshasa « à engager le dialogue avec tous les acteurs, dont le M23 » – ce que refuse la RDC.

Dimanche, le ministère rwandais des Affaires étrangères a par ailleurs de nouveau critiqué la présence de la SAMIDRC, estimant qu’elle « s’ajoute aux problèmes déjà existants ».

  • L’opposition congolaise elle aussi sonnée par la prise de Goma

Plusieurs des adversaires politiques de Félix Tshisekedi ont vivement condamné la prise de Goma. Mais tous sont partagés entre affirmer leur soutien aux forces armées congolaises et pointer la responsabilité du régime dans la brusque dégradation de la situation.

Martin Fayulu, Delly Sesanga, Denis Mukwege Joseph Kabila, Moïse Katumbi… Le point sur leurs réactions ou leurs silences qui, chez certains partisans de Félix Tshisekedi, alimentent les soupçons.

  • Kinshasa s’attaque au sponsoring rwandais

Dans un courrier adressé aux dirigeants des clubs du Paris Saint-Germain (PSG), d’Arsenal et du Bayern Munich, le ministère congolais des Affaires étrangères leur demande de rompre les contrats « entachés de sang » qui les lient à la marque Visit Rwanda, qui fait la promotion du pays.

« Je vous écris pour interroger la moralité de votre club, de vos joueurs et de vos supporters quant à la poursuite de votre relation financière avec Visit Rwanda », interpelle la ministre Thérèse Kayikwamba Wagner dans cette lettre envoyée le 31 janvier. Elle accuse le Rwanda de vouloir annexer une grande partie de l’est de la RDC « afin d’accéder à nos minerais pour son propre gain économique ».

Les informations de samedi 1er février 2025

  • Le Burundi inquiet pour la sécurité de toute la région

« Si l’est du Congo n’a pas la paix, la région n’a pas la paix », a estimé le président burundais dans des propos publiés samedi 1er février sur sa chaîne YouTube officielle. Appelant la communauté internationale à prendre la situation « au sérieux », Évariste Ndayishimiye a affirmé que « si ça continue comme ça, la guerre risque de se généraliser dans la région ».

« Ce n’est pas le Burundi seulement, la Tanzanie, l’Ouganda, le Kenya, c’est toute la région, c’est une menace », a-t-il insisté. « Je sais que la guerre arrivera même au Burundi » si « le Rwanda continue à réaliser des conquêtes », a-t-il ajouté.

Évariste Ndayishimiye a en outre accusé le Rwanda de « préparer quelque chose contre le Burundi », en soulignant que son pays n’allait pas « se laisser faire ».

  • L’Africa CDC met en garde contre de possibles flambées épidémiques dans l’Est

Le chef de l’agence sanitaire de l’Union africaine (Africa CDC) a estimé que la situation à Goma, ville conquise par le M23 et l’armée rwandaise, constituait une « véritable urgence de santé publique », avertissant que les combats pourraient alimenter des flambées épidémiques.

« Cette guerre doit cesser. Si aucune mesure décisive n’est prise, ce ne seront pas seulement les balles qui feront des victimes, mais la propagation incontrôlée d’épidémies majeures et de pandémies potentielles qui viendront de cette région fragile, […] dévastant les économies et les sociétés de tout notre continent », a-t-il déclaré.

Le M23 gagne du terrain dans l’est de la RDC, où se sont produites de nombreuses vagues épidémiques de maladies contagieuses. Pour Jean Kaseya, les conditions actuelles « extrêmes, combinées à l’insécurité et aux déplacements massifs [de population], ont alimenté la mutation du virus mpox ».

Les informations de vendredi 31 janvier 2025

  • La SADC réaffirme son soutien à la RDC

Les dirigeants de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), réunis vendredi lors d’un sommet extraordinaire à Harare, ont « réaffirmé » leur « engagement indéfectible à continuer de soutenir la RDC dans sa quête de sauvegarde de son indépendance, de sa souveraineté et de son intégrité territoriale », selon leur communiqué.

L’organisation a également demandé un « sommet conjoint immédiat de la SADC et de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) afin de réfléchir à la manière de régler la situation sécuritaire en RDC », où les rebelles du M23 et l’armée rwandaise ont pris la ville de Goma.

L’EAC, qui compte parmi ses membres le Rwanda, avait formulé cette même proposition deux jours plus tôt après une réunion à la tonalité très différente. À son issue, elle avait « fermement exhorté le gouvernement de la RDC à engager le dialogue avec tous les acteurs, dont le M23 ». Ce dont il n’est pas question côté SADC, dont la RDC est adhérente. Excepté un appel au « cessez-le-feu », les positions des deux organisations apparaissent donc éloignées en attendant ce sommet commun.

Enfin, l’éventualité du départ des troupes déployées au sein de la SAMIDRC s’est nettement éloignée puisque le sommet de la SADC a souligné que les « objectifs » de cette mission, à savoir « défendre l’ intégrité territoriale » de la RDC et son « aspiration à la paix et à la sécurité », n’avaient « pas encore été atteints ».

  • Des volontaires « prêts à mourir » pour défendre la RDC

Répondant à l’appel pressant des autorités congolaises, plusieurs centaines de volontaires sont venus s’enregistrer vendredi dans le stade de Bukavu, chef-lieu du Sud-Kivu, pour aller au front. « Je suis prêt à mourir pour mon pays », a assuré l’un deux, Juvenal Bahati Muhigirwa Ndagano, avant de rejoindre un bataillon désordonné de futurs miliciens en tenues dépenaillées, a constaté l’AFP.

Dans la capitale, Kinshasa, des dizaines de personnes ont fait don de leur sang, à l’appel du ministère de la Santé, pour les militaires et civils blessés dans la région de Goma. « Nous ne pouvons pas nous contenter de dire que nous aimons le pays seulement sur les réseaux sociaux, nous devons poser des gestes qui sauvent des vies », a dit à l’AFP Amy Vodu, 30 ans.

  • La France poursuit ses consultations

Emmanuel Macron a multiplié les appels téléphoniques ce jeudi 30 janvier. Il s’est entretenu avec le président angolais João Lourenço, médiateur pour l’Union africaine dans le processus de Luanda. Il a également échangé avec son homologue burundais, Évariste Ndayishimiye. Le Burundi est frontalier de la province du Sud-Kivu, vers laquelle progressent les rebelles du M23 avec la ville de Bukavu en ligne de mire. Le chef de l’État français a parlé enfin avec l’Ougandais Yoweri Museveni, dont l’armée a annoncé un renforcement de se présence à la frontière avec la RDC pour empêcher l’avancée d’autres groupes armés, dont les rebelles islamistes des Forces démocratiques alliées (ADF), qui sévissent dans la région.

Au même moment hier, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, voyageait dans la région pour rencontrer successivement les présidents Félix Tshisekedi à Kinshasa, puis Paul Kagame à Kigali, dans l’espoir de raviver le processus de Luanda.

  • L’armée ougandaise adopte « une posture défensive avancée » dans l’est de la RDC

L’armée ougandaise (UPDF) a annoncé vendredi qu’elle allait « renforcer ses défenses » dans l’est de la RDC, où le M23 mène une offensive avec le soutien du Rwanda. Dans un communiqué, l’UPDF a déclaré qu’elle allait adopter « une posture défensive avancée […] jusqu’à ce que la crise soit passée ». Elle précise que l’objectif est « de dissuader et d’empêcher les nombreux autres groupes armés négatifs opérant dans l’est de la RDC d’exploiter la situation, et de protéger et de sécuriser les intérêts de l’Ouganda ».

L’armée ougandaise cite nommément les Forces démocratiques alliées (ADF), un groupe armé affilié à l’État islamique implanté depuis le milieu des années 1990 dans le nord-est de la RDC. « L’UPDF, en collaboration avec les FARDC […], suit de près l’évolution de la situation sécuritaire et continuera de traquer agressivement les restes des ADF partout où ils vont, » précise le communiqué.

  • Bruxelles et Londres font pression sur le Rwanda

La Belgique a demandé à l’Union européenne (UE) d’envisager des sanctions contre le Rwanda, soutien des combattants du M23 qui se sont emparés de Goma. Interrogé jeudi 30 janvier par des députés, Bernard Quintin, ministre belge des Affaires étrangères, a dit avoir appelé ses homologues européens à prendre des « mesures concrètes » contre Kigali.

Il a cité plusieurs leviers d’action, notamment celui du partenariat UE-Rwanda sur les matières premières critiques ou la possibilité de « suspendre le dialogue sécuritaire avec le Rwanda ». Également mentionnée : « la Facilité européenne pour la paix, dite « Cabo Delgado » », à savoir l’accord au terme duquel l’UE s’est engagé à soutenir financièrement le déploiement de troupes rwandaises pour lutter contre des groupes jihadistes dans le nord du Mozambique.

Le Royaume-Uni a, quant à lui, condamné la prise de Goma et menacé de « réexaminer » son soutien financier au Rwanda. « Le Royaume-Uni étudie activement les prochaines étapes avec ses partenaires internationaux, notamment la possibilité d’un réexamen de toute l’aide britannique au Rwanda », a indiqué le ministère des Affaires étrangères. Londres dénonce «une violation inacceptable de la souveraineté de la RDC et de la Charte des Nations unies, qui pose un risque fondamental pour la stabilité régionale », et appelle au « retrait immédiat de toutes les forces armées rwandaises du territoire congolais ».

  • Tshisekedi participera au sommet de la SADC

Alors qu’il a n’a pas assisté à la réunion en visioconférence organisée par la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) le 29 janvier (réunion à laquelle a pris part le président rwandais Paul Kagame), Félix Tshisekedi participera à distance à la réunion extraordinaire des chefs d’État et de gouvernement de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), qui se déroulera aujourd’hui à Harare au Zimbabwe, selon une source à la présidence congolaise.

Selon le journal sud-africain Daily Maverick, un retrait de la force régionale SAMIDRC pourrait être évoqué. Mais la SADC souhaiterait que ce retrait soit « ordonné » et précédé d’un cessez-le-feu et d’une relance des pourparlers entre Kinshasa et Kigali.

Les informations de jeudi 30 janvier 2025

  • Le ministre de la Défense appelle à la mobilisation face au M23 et à ses soutiens

Prenant publiquement la parole pour la première fois depuis que le M23 et ses soutiens rwandais se sont emparés de Goma, le ministre congolais de la Défense, Guy Muadiamvita, s’est adressé jeudi soir aux Forces armées congolaises (FARDC). « Allez-vous permettre à nos audacieux ennemis de violer impunément l’intégrité du territoire de la République ? Allez-vous permettre que s’échappe l’armée qui a porté la terreur dans vos familles ? », leur a-t-il lancé dans un communiqué.

Tandis que le président Félix Tshisekedi a annoncé, mercredi, qu’une « riposte vigoureuse » était en cours pour contrer l’avancée du M23, le ministre de la Défense a appelé à lutter « de toutes nos forces et avec toute la force que Dieu peut nous donner » contre « la tyrannie monstrueuse, jamais surpassée dans le sombre et lamentable catalogue du crime humain ». « Il s’agit d’une question de vie ou de mort pour la République démocratique du Congo, a-t-il ajouté. Il s’agit particulièrement de savoir si le peuple Congolais restera libre ou tombera dans l’esclavage post-colonial. »

Guy Mwadiamvita dit par ailleurs avoir ordonné « que tous les plans et instructions concernant un prétendu dialogue avec les terroristes M23 supplétifs de l’armée rwandaise soient complètement brulés, et ce immédiatement ». « Nous allons rester ici au Congo et nous battre. Si nous ne pouvons pas rester vivants ici, alors restons ici morts. » Il a enfin mis en garde les « pleurnichards », les « lâches », les « marchands de panique » et les « déserteurs », et ajouté : « la crédibilité de notre armée est essentielle. »

  • Le M23 à l’offensive dans le Sud-Kivu

Après s’être emparé mercredi de deux localités du Sud-Kivu sans résistance, le groupe armé, décrit par Kinshasa comme un « pantin » du Rwanda, a continué à avancer dans le territoire de Kalehe, situé en bordure du Lac Kivu. Ce dernier sépare la RDC du Rwanda et permet de rejoindre les villes de Goma et Bukavu, capitale du Sud-Kivu. « Les combats se concentrent autour de la cité minière de Nyabibwe », à 100 km au nord de la ville de Bukavu, selon un représentant de la société civile ayant requis l’anonymat. Des sources humanitaires ont confirmé que les affrontements ont cours dans au moins deux localités situées dans un rayon d’une dizaine de kilomètres. Les forces armées congolaises (FARDC), assistées par des milices locales et des soldats burundais, sont déployées dans ce secteur, selon les mêmes sources.

Dans ce contexte, la France recommande à ses ressortissants de quitter Bukavu. « Compte tenu de la dégradation rapide de la situation au Sud-Kivu, vous êtes invités à quitter la ville de Bukavu dès que possible pour vous rendre en lieu sûr. Il convient impérativement de reporter tout déplacement vers et aux alentours de Bukavu », explique le ministère des Affaires étrangères.

  • Reportage dans Goma occupée

Prise d’assaut par le M23 et ses alliés rwandais dès le 26 janvier, la ville de Goma est désormais sous le contrôle des rebelles. Dans la capitale régionale du Nord-Kivu, les habitants pansent leurs plaies, comme le raconte notre envoyé spécial sur place.

  • Kagame et Ramaphosa s’invectivent

Opposés indirectement sur le champ de bataille congolais, Pretoria et Kigali se lancent des avertissements peu diplomatiques. La guerre dans l’est de la RDC réveille aussi de vieilles querelles entre les deux pays. Jeune Afrique décrypte la joute dans l’article ci-dessous.

  • Corneille Nangaa à Goma

Selon nos informations, Corneille Nangaa est arrivé à Goma, capitale du Nord-Kivu désormais contrôlée par les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda. L’ancien patron de la commission électorale congolaise est aujourd’hui le président de l’Alliance Fleuve Congo (AFC), mouvement politique créé en décembre 2023 depuis le Kenya et dont fait partie le M23.

Ces derniers jours, celui qui est accusé par le gouvernement congolais d’être une « marionnette » du Rwanda était jusque-là resté en dehors de Goma, « en lieu sûr » selon un proche, en attendant que les rebelles viennent à bout des poches de résistance des FARDC et de leurs alliés wazalendo. L’entourage de Corneille Nangaa a fait part, dès le début de l’offensive sur Goma, de l’intention de l’AFC de tenir un meeting dans la capitale régionale du Nord-Kivu.

  • Félix Tshisekedi s’est adressé à la nation

Le président de la RDC, Félix Tshisekedi, qui ne s’était pas exprimé depuis le début de la crise à Goma et de l’offensive du M23 et de ses alliés rwandais, a lancé mercredi 29 janvier au soir à la télévision nationale (RTNC) un message d’espoir, assurant que « la RDC surmontera cette tempête » et annonçant une « riposte vigoureuse et coordonnée contre [l]es terroristes et leurs parrains ».

« L’est de notre pays, en particulier les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l’Ituri, fait face à une aggravation sans précédent de la situation sécuritaire », a-t-il ajouté. Il a également condamné la passivité de la communauté internationale. « Votre silence et votre inaction […] constituent un affront » à la RDC, a-t-il lancé.

  • Le ministre des Affaires étrangères français est arrivé à Kinshasa

Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, est arrivé en RDC ce 30 janvier. En discussion depuis plusieurs jours, cette visite a tardé à être confirmée, notamment en raison de l’évolution rapide du contexte sécuritaire et de l’attaque de différentes ambassades – dont celle de la France – le 28 janvier à Kinshasa. Cet incident a été condamné par Jean-Noël Barrot, qui a évoqué des « attaques inadmissibles ».

Le chef de la diplomatie française doit en principe s’entretenir avec Félix Tshisekedi. Il se rendra ensuite à Kigali, pour échanger avec Paul Kagame. Emmanuel Macron a multiplié les appels ces derniers jours à ses homologues congolais et rwandais, ainsi qu’à plusieurs présidents de la sous-région. Des contacts ont également eu lieu entre la diplomatie française et la Monusco.

Les informations de mercredi 29 janvier 2025 :

  • Le M23 progresse sur un nouveau front dans le Sud-Kivu

Le M23 a avancé ce mercredi sur un nouveau front en s’emparant de deux localités dans la province du Sud-Kivu, voisine du Nord-Kivu. Plusieurs habitants des villages concernés, qui n’ont pas opposé de résistance aux rebelles, ont confirmé la prise de ces localités à l’AFP.

Dans la matinée, le M23 s’est emparé de Kiniezire et Mukwidja, dans le territoire de Kalehe. Dans cette province du Sud-Kivu, les forces armées congolaises (FARDC) ont établi leur principale ligne de défense dans la cité de Kavumu, qui dispose d’un aérodrome.

Si le M23 venait à percer les défenses des FARDC à Kavumu, la ville de Bukavu, capitale de la province, pourrait être à son tour menacée. Or une partie des forces congolaises chassées de Goma par l’offensive du M23 et de l’armée rwandaise ont fui par bateau sur le lac Kivu pour se réfugier à Bukavu.

  • Les mercenaires roumains de Goma évacués vers Kigali

Le ministère de la Défense rwandais a confirmé mercredi sur X la reddition et l’évacuation des mercenaires roumains de la société militaire privée Congo Protection, gérée à Goma par le Roumain Horatiu Potra, ancien de la Légion étrangère française, et alliée des FARDC depuis fin 2022. Jeune Afrique en raconte les coulisses dans l’article ci-dessous.

  • La « bataille de Goma » en cartes et en infographie

L’offensive éclair du M23 et de ses alliés rwandais a permis au groupe rebelle de prendre le contrôle de la plus grande ville du Nord-Kivu en seulement quelques jours. Les combats de cette « bataille de Goma » se sont livrés quartier par quartier. Une intense guerre urbaine lors de laquelle les civils, soumis aux bombardements d’artillerie lourde, ont payé un lourd tribut, tandis que les rebelles prenaient la main sur les principaux points stratégiques de Goma. Jeune Afrique a dressé la cartographie de ces « points stratégiques » dans l’article ci-dessous.

RDC : les lieux stratégiques au cœur de la « bataille de Goma »

Pour en savoir plus sur la manière dont cette offensive a été préparée, et en particulier sur la manière dont le Rwanda a soutenu le M23 à toutes les étapes de celle-ci, (re)découvrez également notre infographie publiée en juin dernier.

  • Les banques locales tentent de gérer la crise de Goma

Malgré la fermeture des agences à Goma, les banques continuent d’y assurer un service minimum. Mais la situation pourrait basculer rapidement dans l’inconnu si l’instabilité perdure, comme nous l’expliquons dans l’article ci-dessous.

  • L’AFC, Corneille Nangaa et l’ombre de Joseph Kabila

Depuis le début de l’offensive du M23 et de ses alliés rwandais, un homme se mure dans le silence, depuis l’étranger : Joseph Kabila. L’ancien président, aujourd’hui opposant à Félix Tshisekedi, sait pourtant que ce dernier l’a accusé d’être derrière la création de l’Alliance Fleuve Congo (AFC, dont fait partie le M23) par Corneille Nangaa. Jeune Afrique expliquait la situation dans l’article ci-dessous.

L’ex-patron de la commission électorale Corneille Nangaa, qui a juré de renverser Félix Tshisekedi, le président dont il avait annoncé la victoire en 2019, est lui-même accusé par Kinshasa d’être la « marionnette » du Rwanda. En juillet dernier, peu avant qu’il soit condamné à mort par contumace en RDC, Jeune Afrique en avait dressé un long portrait.

  • Reddition de plusieurs centaines d’éléments FARDC à Goma

Alors que les rebelles du M23 soutenus par l’armée rwandaise ont pris le contrôle de quasiment toute la ville de Goma et de tous ses points stratégiques, plusieurs centaines d’éléments de l’armée congolaise se sont rendus ce 29 janvier. Ils ont été désarmés au stade de l’Unité de Goma, en présence du M23 et des éléments de la mission onusienne en RDC (Monusco).

La veille, le 28 janvier, un haut responsable du M23 avait confié à Jeune Afrique que 4 000 à 5 000 militaires – parmi lesquels des combattants des Forces démocratiques de libération du Rwanda et des wazalendo, alliés des FARDC – s’étaient déjà rendus ces derniers jours.

Ce 29 janvier également, à Gisenyi, à la frontière entre la RDC et le Rwanda, les combattants roumains de la société militaire privée Congo Protection, qui combattaient depuis 2022 aux côtés de l’armée congolaise, ont été également enregistrés après leur reddition.

  • João Lourenço fait la promotion du processus de Luanda

Le président angolais, médiateur désigné par l’Union africaine dans le conflit qui oppose la RDC au Rwanda, s’est fendu d’un communiqué pour remémorer aux parties prenantes qu’un plan de sortie de crise existe. Il avait été accepté par les ministres des Affaires étrangères et les responsables des services de renseignements des différents pays après d’âpres négociations. Mais l’échec de la réunion du 15 décembre 2024, snobée par le président Paul Kagame, a mis fin aux discussions et relancé la guerre.

Lourenço « exhorte la RDC et le Rwanda à respecter les engagements pris dans le cadre du processus de Luanda, permettant de créer les conditions nécessaires à la convocation d’un sommet tripartite à Luanda, de manière urgente ». Sur la question du dialogue direct entre la RDC et le M23, que réclame Kigali mais que refuse Kinshasa, le président rappelle que ce dialogue est prévu dans le cadre du processus de Nairobi avec d’autres groupes armés et qu’il doit reprendre avec urgence. Les derniers développements à Goma sont observés avec une « grande appréhension » par l’Angolais.

  • Ramaphosa défend la présence sud-africaine en RDC

Le président sud-africain Cyril Ramaphosa s’est exprimé pour la première fois depuis la mort de 13 soldats dans la bataille pour Goma qui a commencé le 23 janvier. « Tous les Sud-Africains doivent se rallier aux hommes et femmes courageux qui ont consacré leur vie à ramener la paix sur notre continent », a appelé de ses vœux le chef de l’État sud-africain dans un communiqué.

La force militaire régionale de la SADC (SAMIRDC), intervenant dans l’est de la RDC pour soutenir les soldats congolais et à laquelle participe l’armée sud-africaine, est impopulaire en Afrique du Sud car perçue comme mal dotée. Le président assure cependant que tout est fait pour que ces militaires soient bien équipés et soutenus. Bien que les soldats sud-africains de la SAMIRDC aient été tués dans l’offensive du M23 soutenue par le Rwanda, « la présence militaire sud-africaine dans l’est de la RDC n’est pas une déclaration de guerre contre un pays ou un État », a assuré Ramaphosa.

Le Sud-Africain s’est entretenu avec le président rwandais Paul Kagame le 27 janvier, une discussion décrite comme cordiale et productive par Ernest Rwamucyo le représentant du Rwanda aux Nations unies. Un sommet extraordinaire de la SADC, consacré à la situation en RDC, est prévu le 30 janvier à Harare, au Zimbabwe.

  • Un sommet de l’EAC sans Tshisekedi

Un sommet extraordinaire de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), organisé par le président kényan, William Ruto, doit se tenir ce 29 janvier sous forme de visioconférence. Le président rwandais, Paul Kagame, doit y participer, selon la présidence rwandaise, contrairement au président congolais, Félix Tshisekedi. Celui-ci est « indisponible » fait savoir une source jointe par Jeune Afrique.

L’option de se déplacer à Nairobi, dans le contexte de l’invasion de Goma par le M23 et ses alliés rwandais, avait déjà été jugée impensable par la présidence congolaise. Félix Tshisekedi, qui n’a pas encore parlé publiquement depuis le début de l’offensive sur Goma, le 23 janvier, doit s’adresser à la nation ce mercredi 29 janvier.

  • Entre Tshisekedi et l’EAC, l’absence de confiance

Félix Tshisekedi a donc décidé de ne pas participer au sommet extraordinaire de la Communauté des États d’Afrique de l’Est (EAC), consacré ce 29 janvier à la situation autour de Goma et à l’offensive du M23 et de ses alliés rwandais dans l’est de la RDC. Le symbole d’un manque de confiance du Congolais envers l’EAC, que Jeune Afrique a plusieurs fois évoqué dans ses articles.

La RDC n’a officiellement rejoint la communauté des États d’Afrique de l’Est (EAC) qu’en mars 2022, au terme d’un processus lancé par le président congolais Félix Tshisekedi trois ans auparavant. L’intégration, comme nous l’expliquions dans l’article ci-dessous, avait alors un but à la fois économique et politique, puisque le chef de l’État espérait pouvoir s’appuyer sur l’EAC pour trouver une solution aux problématiques sécuritaires à l’est de son pays.

Mais le pari d’ouverture à l’Est de Félix Tshisekedi n’a jamais réussi. Le passage à l’offensive du M23 en 2023 déjà avait fait monter de nouveau d’un cran les tensions qui opposaient Kinshasa à Kigali. Comme nous le racontions dans l’article suivant, celles-ci ont donc rapidement pris le pas sur toutes les autres considérations, éclipsant les opportunités d’intégration économique initialement évoquées.

Alors que l’EAC avait envoyé une force régionale dans l’est de la RDC pour tenter d’y résoudre la crise, Félix Tshisekedi a fini par demander son départ, fin 2023, et les relations avec le Kenya se sont ensuite envenimées tandis que l’opposant Corneille Nangaa lançait depuis Nairobi l’Alliance du Fleuve Congo (AFC), au sein de laquelle il est associé à plusieurs mouvements armés, dont le M23. Depuis, les relations entre l’EAC et Kinshasa ne se sont guère améliorées.

  • Le pape François appelle à l’arrêt des combats

Le pape François a déploré ce 29 janvier les violences qui touchent l’est de la RDC et a appelé à la fin des combats. « J’exhorte toutes les parties au conflit à s’engager en faveur de la cessation des hostilités et pour la sauvegarde des populations civiles de Goma et des autres régions concernées par les opérations militaires », a-t-il dit, demandant « l’arrêt le plus rapide possible de toute forme de violence ». Le pape a assuré prier « pour le rétablissement de la paix et de la sécurité » et a conclu en invitant « les autorités locales et la communauté internationale à un engagement maximum pour résoudre le conflit avec des moyens pacifiques ».

  • Plusieurs compagnies suspendent leurs vols vers Kinshasa

Alors que des manifestations ont éclaté dans la capitale congolaise le 28 janvier et que plusieurs ambassades ont été attaquées, des compagnies aériennes ont réagi. C’est notamment le cas de la compagnie nationale française, Air France, qui a suspendu temporairement ses vols vers Kinshasa, comme l’explique Jeune Afrique dans l’article ci-dessous.

  • Après la prise de Goma, jusqu’où compte aller le M23 ?

La ville de Goma est depuis le 28 janvier sous le contrôle des rebelles du M23, soutenus par le Rwanda. Mais ils affirment ne pas vouloir s’en tenir à cette conquête éclair, pourtant hautement symbolique. Jeune Afrique a pu joindre l’un des cadres du M23, qui expose une partie de la stratégie du groupe dans l’article ci-dessous.

  • Un nouveau gouverneur militaire du Nord-Kivu

Félix Tshisekedi a nommé ce 28 janvier Évariste Somo Kakule, promu dans le même temps au garde de général-major, au poste de gouverneur militaire du Nord-Kivu. Il remplace le général-major Peter Cirimwami, tué alors que l’armée défendait la ville de Saké, le 23 janvier dernier. Évariste Somo Kakule était jusqu’ici à la tête de la 31e Brigade de réaction rapide, basée à Kindu, dans la province de Maniema.

  • Condamnation unanime des attaques d’ambassades à Kinshasa

Le tour de table des orateurs au Conseil de sécurité des Nations unies, le 28 janvier, a été l’occasion de dénoncer les attaques contre les représentations diplomatiques à Kinshasa. Les ambassades d’Ouganda et du Rwanda ont été pillées tandis que d’autres ont été vandalisées, comme celles du Kenya, de la France, de la Belgique ou des États-Unis, lors d’une manifestation contre le Rwanda et la communauté internationale. « Nous exhortons Kinshasa à garantir la protection des missions étrangères », a tonné le représentant russe à l’ONU.

Tout en condamnant ces attaques, la ministre congolaise des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, a fait le lien entre la violence des manifestants et l’immobilisme du Conseil. « L’inaction collective semble malheureusement embraser cette situation jusque dans sa capitale », a-t-elle souligné après avoir mis en garde : « si ce Conseil échoue, la rue va s’en charger. »

Le gouvernement congolais essaie de ne pas discréditer cet élan populaire tout en condamnant les violences qui ne sont pas de nature « à renforcer le soutien que nous attendons d’eux [les diplomates étrangers] parce qu’ils risquent d’être préoccupés par le sort de leurs compatriotes », a commenté Patrick Muyaya, le ministre de la Communication. En effet, les États-Unis ont temporairement fermé leur ambassade et recommandent à leurs ressortissants à quitter la RDC, tandis que la compagnie aérienne nationale ougandaise a mis un terme à ses vols vers la RDC en attendant un retour au calme.

  • La RDC continue à exiger des sanctions contre le Rwanda

Condamner, oui, sanctionner, pas encore. C’est la situation qui prévaut au Conseil de sécurité des Nations unies qui se réunissait une nouvelle fois le 28 janvier au soir. La RDC, par la voix de sa ministre des Affaires étrangères, a mis en garde contre la passivité de l’ONU. « Jusqu’à quand le Rwanda abusera-t-il de votre respect et de votre autorité ? […] Le Rwanda a prouvé que vos déclarations ne lui importent guère », a interpellé la ministre.

De son côté, le représentant du Rwanda à l’ONU, Ernest Rwamucyo, a accusé la communauté internationale d’être responsable de la situation pour avoir ignoré la menace d’une déstabilisation qui pèserait sur le Rwanda. « La détérioration sécuritaire dans l’est de la RDC n’a qu’une seule cause immédiate : l’obsession du président congolais pour une solution militaire et pour un changement de régime au Rwanda », a-t-il dénoncé. Dans sa dernière prise de parole, Thérèse Kayikwamba Wagner lui a répondu que l’objectif du M23 était de marcher sur Kinshasa et que le soutien rwandais au groupe rebelle revenait à soutenir un changement de régime.

  • La Monusco appelle à éviter « une troisième guerre au Congo »

La session du Conseil de sécurité de l’ONU du 28 janvier s’est ouverte avec l’allocution de Vivian Van de Perre, représentante spéciale adjointe pour la protection et les opérations à la Monusco, en direct depuis Goma. Elle est apparue avec son gilet pare-balles et casque bleu sur la tête. Elle a fait le constat de l’impuissance du Conseil. « En dépit des délibérations et de l’appel des États membres lors de la séance d’urgence du Conseil de sécurité du 26 janvier, le M23 et les FDR [forces armées rwandaises] ont lancé une attaque contre Goma ouvrant un feu nourri », a-t-elle souligné.

Vivian Van de Perre a décrit une situation fortement dégradée dans la ville de Goma et dans les bases de la Monusco, qui commence à manquer de ressources alors qu’elle doit gérer un afflux de réfugiés. « Nos bases ne sont pas sûres. Deux mortiers sont tombés dans une base de la Monusco ces trois derniers jours ainsi que d’innombrables balles. » La force onusienne protège les stocks d’armes et de munitions qui sont abandonnés ou lui sont remis, mais leur stockage pourrait susciter des convoitises, s’inquiète la représentante.

La ville est de moins en moins sûre avec la prolifération d’armes, le pillage de dépôts militaires et l’évasion de plus de 4 000 détenus de la prison de Goma. « L’ampleur des souffrances pour la population de Goma et alentour est inimaginable », a alerté Vivian Van de Perre, qui appelle à tout faire pour « éviter la menace qui se dessine d’une troisième guerre au Congo ».

Les informations de mardi 28 janvier 2025 :

  • Le M23 patrouille dans Goma

Cible de l’offensive du M23 et de ses alliés rwandais depuis le 23 janvier, la capitale du Nord-Kivu a été le théâtre ces derniers jours de combats entre l’armée congolaise et les rebelles. Ces derniers en maîtrisent désormais les points-clés au soir de ce 28 janvier. Vous pouvez lire ci-dessous notre reportage dans la capitale du Nord-Kivu.

  • L’UA demande au M23 « de déposer les armes »

Réuni en « session d’urgence » à Addis-Abeba, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA) a « condamné les violences du M23 » et appelé les rebelles « à déposer les armes ». Il a aussi dit son attachement au « plein respect de la souveraineté, de l’unité et de l’intégrité territoriale de la RDC », selon le commissaire aux affaires politiques de l’UA, le Nigérian Bankole Adeoye.

  • Premiers rassemblements de l’AFC à Goma

La situation est encore incertaine à Goma, où le M23, soutenu par le Rwanda, a combattu ces dernières heures des poches de résistance des FARDC et de leurs alliés. Les rebelles semblent avoir pu accentuer leur contrôle sur les points clés de la capitale régionale du Nord-Kivu. D’après des images reçues par Jeune Afrique, des rassemblements de partisans de l’Alliance Fleuve Congo (AFC, la plateforme politico-militaire dont fait partie le M23) ont eu lieu ce 28 janvier dans l’après-midi. Plusieurs lieutenants de Corneille Nangaa, patron de l’AFC, sont à la manœuvre pour organiser ces démonstrations de soutien.

L’ancien président de la commission électorale congolaise n’est, lui, pas présent sur place. Selon nos informations, il suit le développement de la situation « depuis un lieu sûr » et attend notamment la tenue d’une nouvelle réunion du Conseil de sécurité des Nations unies, ce 28 janvier, pour décider de se rendre ou non à Goma.

Depuis le début de l’offensive du M23 et de ses alliés rwandais, les rebelles annoncent la tenue d’un grand meeting dans la capitale du Nord-Kivu. D’abord programmé le 27 janvier, à l’expiration de l’ultimatum posé aux FARDC pour leur reddition, celui-ci n’avait toutefois pas eu lieu.

  • Plusieurs ambassades attaquées à Kinshasa

Plusieurs ambassades ont été attaquées ce mardi à Kinshasa, par des manifestants dénonçant la guerre dans l’est du pays. Les ambassades du Rwanda, de la France, de Belgique ainsi que des États-Unis ont été ciblées, de la fumée s’échappant du bâtiment de la représentation française.

Des pillages sont également en cours, notamment dans les quartiers de Limete et de La Gombe.

  • Quatre nouveaux soldats sud-africains tués à Goma

Déjà endeuillée par la perte de 9 hommes, l’armée sud-africaine – engagée dans la force régionale SAMIDRC à Goma – déplore la mort de quatre nouveaux soldats. « À la suite d’un échange de mortiers entre les FARDC [l’armée congolaise] et la milice rebelle des M23, lundi 27 janvier 2025, près de l’aéroport de Goma où la base des SANDF [l’armée sud-africaine] est localisée, trois membres des SANDF ont été pris dans un échange de tirs et sont morts », annonce un communiqué, qui précise que les mortiers ont été tirés par le M23 qui cible l’aéroport de Goma et dont les obus sont tombés sur la base sud-africaine.

L’armée sud-africaine annonce également le décès d’un de ses membres qui avait été blessé auparavant dans des combats contre le M23. Les autres blessés continuent de recevoir des soins dans un hôpital de Goma.

Malgré ces pertes et malgré l’incompréhension et la colère de l’opinion publique en Afrique du Sud, l’armée sud-africaine, qui participe à hauteur de 2 900 hommes dans la force SAMIDRC, se dit déterminée à poursuivre sa mission de maintien de la paix en RDC.

  • Situation toujours confuse à Goma

Des tirs sont toujours entendus à Goma ce mardi matin, malgré l’annonce hier par la force uruguayenne de la Monusco d’un accord de cessez-le-feu entre « les factions en conflit ». Cet accord devait prendre effet à 19 heures lundi soir.

« La situation est toujours confuse, indique à Jeune Afrique une source présente à Goma. Une partie de la ville est contrôlée par le M23 et une petite partie des quartiers nord est contrôlée par les FARDC et les Wazalendo. »

Les combats de lundi ont fait 17 morts et près de 370 blessés, selon les bilans d’hôpitaux obtenus par l’AFP. Un porte-parole des Forces rwandaises de défense (RDF) a par ailleurs fait état de cinq civils tués et de 25 personnes grièvement blessées dans les environs de Gisenyi, du côté rwandais de la frontière.

Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA) doit se réunir ce mardi à 14 heures (heure de Kinshasa), de même que le Conseil de sécurité de l’ONU pour une deuxième fois après la réunion de dimanche, à 21 heures (heure de Kinshasa).

  • Le président Félix Tshisekedi va s’adresser à la nation

L’annonce a été faite lundi soir, sans plus de précisions, à la suite d’une réunion du chef de l’État congolais avec les présidents de l’Assemblée nationale, du Sénat, de la Cour constitutionnelle et avec la Première ministre. Un plan de sortie de crise sera aussi bientôt dévoilé, selon Vital Kamerhe, le président de l’Assemblée nationale.

Dans la soirée, Félix Tshisekedi a aussi eu un entretien téléphonique avec Marco Rubio, le nouveau secrétaire d’État américain. Les deux hommes sont convenus de l’importance du processus de Luanda pour régler la crise avec le Rwanda.

Le président rwandais Paul Kagame a, lui, eu un entretien téléphonique avec son homologue sud-africain, Cyril Ramaphosa, dont 9 des soldats ont été tués dans l’assaut du M23 soutenu par Kigali. Les deux chefs d’État partagent l’avis qu’un cessez-le-feu est urgent et qu’il faut reprendre les pourparlers, selon un communiqué de la présidence sud-africaine.

Les informations de lundi 27 janvier 2025 :

  • Tshisekedi, Kagame, Ruto… Emmanuel Macron multiplie les échanges en coulisses

Le chef de l’État français, qui avait déjà échangé séparément avec Félix Tshisekedi et Paul Kagame le 25 janvier, a de nouveau eu des entretiens téléphoniques avec les deux présidents dans la soirée du 26 janvier, selon une source élyséenne. « Extrêmement préoccupé » par la situation dans l’Est, Emmanuel Macron a multiplié les initiatives en coulisses ces dernières heures afin de trouver « une voie de désescalade » après l’entrée du M23 et de ses soutiens rwandais dans Goma.

Emmanuel Macron a également évoqué la situation à Goma avec plusieurs de ses homologues de la sous-région. Entre le 26 et le 27 janvier, il a notamment discuté avec le Congolais Denis Sassou Nguesso, avec le Sud-Africain Cyril Ramaphosa qui déploie des troupes en RDC, ainsi qu’avec le Kényan William Ruto. Avec ce dernier, le président français a évoqué la tenue d’un prochain sommet extraordinaire de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC). Le 26 janvier, William Ruto a en effet annoncé qu’il allait réunir en urgence les chefs d’État de la sous-région. Il a aussi affirmé que Félix Tshisekedi et Paul Kagame avaient répondu favorablement à son invitation. Sollicitée dans la matinée du 27 janvier, la présidence congolaise a toutefois affirmé à Jeune Afrique que Félix Tshisekedi n’avait pas l’intention d’y prendre part.

Du côté de l’Élysée, on se dit convaincu de la nécessité de relancer le processus de Nairobi, que pilote l’EAC depuis 2022. Cette médiation, parallèle à celle pilotée par l’Angolais João Lourenço, prévoit un cadre de dialogue entre Kinshasa et les groupes armés actifs dans l’Est. Le Rwanda plaide pour qu’un dialogue direct ait lieu entre la RDC et les rebelles du M23, ce que Kinshasa refuse, considérant que c’est une ligne rouge. Les autorités congolaises estiment que seul un cadre de discussion impliquant l’ensemble des groupes armés est envisageable. Ce point de blocage a été évoqué par le président Macron et ses homologues ce week-end, sans qu’aucun compromis ne semble avoir émergé.

  • L’UA se réunit ce mardi

C’est au tour du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine (UA) de se réunir en urgence pour évoquer la brusque dégradation de la situation sécuritaire dans le Nord-Kivu. « Il y aura une session d’urgence du Conseil de paix et de sécurité demain à midi sur la situation dans l’est de la RDC », a déclaré ce lundi à l’AFP Paschal Chem-Langhee, porte-parole du CPS, alors que des tirs d’artillerie lourde sont toujours entendus à Goma.

  • Que deviennent les FARDC et leurs alliés sur le terrain ?

Alors que les rebelles du M23 et leurs alliés rwandais ont lancé une vaste offensive vers Goma depuis le 23 janvier, l’armée congolaise et ses alliés peinent à contenir leur avancée. Sur le terrain, certains contingents ont déposé les armes et ont quitté la capitale régionale du Nord-Kivu.

  • Qu’est-ce que le processus de Luanda, auquel chacun dit rester attaché ?

Depuis l’intensification de l’offensive du M23 et de son allié rwandais dans l’est de la RDC, les diplomaties congolaises et rwandaises affirment rester impliquées dans les négociations de Luanda – processus entamé depuis de longs mois sous l’égide du président angolais, João Lourenço.

Si celui-ci semble dans l’impasse, il était notamment construit autour d’un accord trouvé le 25 novembre 2024 entre Kinshasa et Kigali, qui encadrait les opérations contre les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et précisait les modalités du désengagement des forces rwandaises.

Vous pouvez retrouver ici le contenu de ce plan, pour l’instant largement inopérant et non respecté, que Jeune Afrique avait pu consulter.

  • Le gouvernement congolais veut « éviter le carnage à Goma »

Le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, a publié une déclaration sur X ce 27 janvier. Il y évoque la situation dans Goma, « marquée par la présence de l’armée rwandaise ». « Nous tenons à rassurer la population que dans la suite des instructions du président de la République, le gouvernement continue de travailler pour éviter le carnage », a-t-il assuré.

RDC : Au regard de la situation sécuritaire dans la ville de #Goma marquée par la présence de l’armée rwandaise, nous tenons à rassurer la population que dans la suite des instructions du Président de la République, le Gouvernement continue de travailler pour éviter le carnage et…
— Patrick Muyaya (@PatrickMuyaya) January 27, 2025

Le gouvernement congolais recommande « à la population de Goma de suivre les dispositions suivantes : rester à l’abri, à la maison ; s’abstenir de commettre des actes de vandalisme et de pillage ; barrer la route à la propagande manipulatrice du Rwanda ». Et il ajoute : « Nous sommes tous gardiens de notre territoire. Aucun centimètre ne sera cédé ! »

  • Le vice-gouverneur de la province du Nord-Kivu a quitté Goma

Selon les informations de Jeune Afrique, le commissaire divisionnaire Romuald Ekuka Lipopo et une partie de ses équipes ont quitté la ville de Goma, le 26 janvier, aux environs de 19 heures. Le vice-gouverneur de la province du Nord-Kivu, après avoir gagné une base de la Monusco, a pris place à bord d’un bateau qui a l’a emmené vers Bukavu, dans le Sud-Kivu.

Peu avant, il avait pourtant tenu à rassurer la population de Goma sur l’engagement du gouvernement provincial à faire front face aux rebelles du M23 et à leurs soutiens rwandais. Il avait également appelé au calme au lendemain de l’annonce du décès du général Peter Cirimwami, gouverneur militaire du Nord-Kivu.

  • Le sommet de l’EAC va-t-il se tenir ?

Alors que William Ruto a annoncé le 26 janvier la prochaine tenue d’un sommet d’urgence de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) dédié à la crise en RDC, l’avenir de cette initiative semble incertain. Le chef de l’État kényan, qui assure la présidence tournante de l’organisation sous-régionale, a affirmé que les présidents Kagame et Tshisekedi, à qui il a parlé séparément dimanche, participeront à cette rencontre dont la date n’a pas été précisée.

Toutefois, une source officielle rwandaise contactée par Jeune Afrique affirme n’avoir, à ce stade, « pas plus de détails » sur cette initiative. La présidence congolaise nous a par ailleurs confirmé que Félix Tshisekedi n’y participera pas. « Il est clair que, par rapport à la situation qui prévaut en ce moment, le président ne pourra pas aller à ce sommet », nous a répondu Tina Salama, sa porte-parole. Elle précise aussi que, bien que Félix Tshisekedi « salue l’initiative des chefs d’État de l’EAC », la RDC « continue à dire que le processus de Luanda est toujours en cours ». Également contacté, l’entourage du président Ruto n’a pas donné suite.

Les informations de dimanche 26 janvier :

  • « Goma s’apprête à tomber »

La capitale du Nord-Kivu est secouée depuis plusieurs heures par des tirs à l’arme lourde. Dimanche soir, des combattants du M23 et des soldats rwandais ont pénétré dans Goma, selon plusieurs sources onusiennes et sécuritaires, sans que l’on sache avec certitude ce lundi matin qui contrôle la ville. Selon nos informations, la station locale de la RTNC est désormais entre les mains des rebelles.

Contacté par Jeune Afrique, un habitant de Goma a affirmé se trouver « sous une pluie de balles ». « Je suis au centre-ville et je ne saurais pas décrire la situation, car depuis cette nuit, il y a les coups de feu, a-t-il ajouté. On ne peut pas bouger. »

Signe du chaos qui règne dans la ville, la prison, qui comptait près de 3 000 détenus, a été « totalement incendiée » à la suite d’une « évasion massive » qui a causé des « morts », selon l’AFP. Des prisonniers seraient parvenus à prendre la fuite.

La frontière avec le Rwanda a été fermée ce lundi matin et la radio-télévision rwandaise RBA a annoncé que des bus se tenaient prêts, du côté rwandais de la frontière, à évacuer vers Kigali des membres du personnel de l’ONU et leurs familles.

« Goma s’apprête à tomber », a déploré dans la matinée le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, en condamnant fermement cette offensive militaire.

  • Goma en sursis

Des combattants du M23 et des soldats rwandais ont pénétré dans Goma dimanche 26 janvier, selon plusieurs sources onusiennes et sécuritaires citées par l’AFP. « Dans la nuit, on a encore entendu des tirs, notamment à la grande barrière », affirme une source sur place jointe par Jeune Afrique. « La présence des militaires et certains policiers est encore constatée dans certaines rues de Goma. On ne sait pas dire avec précision qui tire, mais ça a aussi tiré du côté de l’aéroport et dans le quartier Office », poursuit notre source.

Alors que la situation reste confuse, le M23 dit contrôler Goma. L’ultimatum de 48 heures imposé par le groupe rebelle qui exige que les Forces armées congolaises (FARDC) et leurs alliés déposent les armes est arrivé à son terme. Quelques unités de l’armée congolaise se sont rendues le dimanche soir et ont remis leurs armes à des Casques bleus, selon un communiqué de l’armée uruguayenne qui participe à la force onusienne et qui a perdu un soldat.

À Kinshasa, le président Félix Tshisekedi a présidé une réunion de crise, tard dimanche soir à la Cité de l’Union africaine, sur la situation sécuritaire et humanitaire de la province du Nord-Kivu. « Il faut s’assurer que les vies humaines sont préservées », a commenté le ministre de la Communication, Patrick Muyaya, sans évoquer les avancées sur le front.

Cette dégradation sécuritaire inquiète la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), présidée par le Kenya. William Ruto, le chef de l’État kényan, a convoqué un sommet extraordinaire d’urgence d’ici à 48 heures auquel participeront, selon lui, les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame, qu’il a appelés séparément dimanche.

  • Le Conseil de sécurité des Nations unies s’est réuni en urgence

Réunis en urgence ce 26 janvier à New York, les représentants des membres du Conseil de sécurité des Nations unies ont longuement évoqué la situation qui prévaut autour de Goma. La ministre congolaise des Affaires étrangères, Thérèse Wagner Kayikwamba, a appelé le Conseil de sécurité à agir avec « fermeté » et réclamé des sanctions ciblées face à « une agression délibérée et méthodique contre un État souverain ». Elle a accusé le Rwanda de se « préparer à orchestrer un carnage à ciel ouvert » dans l’est de la RDC.

La patronne de la mission de maintien des Nations unies, Bintou Keïta, ainsi que la France, ont appelé Kigali à cesser son soutien au M23.

En réponse, dans un communiqué publié dimanche soir, le gouvernement rwandais a regretté des réactions officielles « erronées ou manipulées » et rejeté la responsabilité des combats sur les FARDC, les FDLR, les mercenaires européens, les Wazalendo, les forces armées burundaises, mais aussi sur la force régionale SAMIDRC et sur les Casques bleus de la Monusco – tous accusés d’avoir violé à plusieurs reprises le cessez-le-feu.

Cette situation près de la frontière rwandaise « continue de représenter une menace sérieuse pour la sécurité du Rwanda et son intégrité territoriale », a répété le ministère rwandais des Affaires étrangères, justifiant une « posture défensive durable ».

  • Les FARDC affirment avoir été frappées par un drone rwandais

Un drone rwandais a ouvert le feu sur des positions congolaises dimanche à environ six kilomètres de Goma, ont indiqué à l’AFP des sources sécuritaires et onusiennes. « Un drone TB2 de l’armée rwandaise a effectué une frappe sur une de nos positions », a précisé une source sécuritaire proche des FARDC. Selon plusieurs sources au sein la Monusco, « au moins deux paramilitaires » ont été gravement blessés par ces tirs.

Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, qui n’avait jusqu’à présent pas aussi clairement mis en cause Kigali, s’est dit « profondément préoccupé par l’escalade de la violence » et appelle « les Forces rwandaises de défense à cesser de soutenir le M23 et à se retirer du territoire de la RDC », selon un communiqué diffusé dimanche par son porte-parole.

  • « L’aéroport de Goma ne peut plus être utilisé »

Ce 26 janvier, « le M23 et les troupes rwandaises ont pénétré le site de Munigi ainsi que les abords de la ville de Goma », a déclaré la patronne de la Monusco, Bintou Keïta, devant le Conseil de sécurité des Nations unies.

La diplomate, qui intervenait à l’occasion de la réunion d’urgence sollicitée par la RDC en réponse à l’offensive des rebelles sur Goma, a également confirmé que l’aéroport international de la ville « ne peut plus être utilisé aux fins des évacuations ou des efforts humanitaires ».

Les combats, qui s’intensifient sur plusieurs axes autour de Goma depuis le 23 janvier, ont repris tôt ce dimanche matin, notamment au nord de la ville. En fin de matinée, les rebelles ont déclaré que l’espace aérien de la ville était « fermé ». Mais la situation est restée floue pendant plusieurs heures, et certains vols commerciaux ont encore pu décoller peu après cette déclaration. Contacté par Jeune Afrique, le ministre congolais de la Communication, Patrick Muyaya, affirmait également à la mi-journée que l’aéroport n’était pas fermé.

Depuis, la situation semble s’être dégradée. « En d’autres termes, nous sommes pris au piège », a déclaré Bintou Keïta, demandant au Conseil de sécurité d’agir pour protéger la population civile et le personnel humanitaire.

  • Des camps de déplacés bombardés

Les combats se rapprochent de Goma et les bombardements n’épargnent pas les camps de réfugiés installés à l’ouest de la ville. Au moins quatre bombes sont tombées sur les sites de Rusayo 1 et Rusayo 2 Extension. Il y a plusieurs blessés et un bilan provisoire fait état de dix morts, mais les recherches se poursuivent car d’autres corps sont encore enfouis sous les décombres, selon Janvier Banguma, chef du groupement de Rusayo.

« Les bombes sont tombées à 11 heures. Je suis sur place et nous attendons des ambulances pour transporter les corps des victimes », explique-t-il. Invité de la Radio-Télévision nationale congolaise (RTNC) pour le journal de la mi-journée, le ministre congolais de la Communication a également évoqué des bombardements. « Ils [les habitants de Goma] sont sous attaque. On attaque les camps de déplacés parce qu’il y a une volonté claire de semer la terreur et d’occuper la ville de Goma », a réagi Patrick Muyaya.

En ville, c’est un climat de tension qui règne, selon notre correspondant sur place. Des éléments des Wazalendo (groupes armés alliés à Kinshasa) sont accusés d’avoir commis des pillages dans les quartiers de Majengo et Katoyi. Dans le centre de la ville, de lourdes détonations résonnent depuis l’aube et des hélicoptères de combat de l’armée congolaise tournent dans le ciel, selon l’AFP. Voitures et motos circulent encore mais la plupart des commerces ont fermé. À mesure que les combats se rapprochent, de nouvelles colonnes de déplacés affluent.

  • L’ONU avance sa réunion d’urgence

Signe de la rapide dégradation de la situation sur le terrain, la réunion du Conseil de sécurité des Nations unies prévue lundi a été avancée à ce dimanche, à 10 heures à New York (16 heures à Kinshasa).

Contactées par Jeune Afrique, plusieurs sources sécuritaires disent redouter une nouvelle offensive d’ampleur avant que ne s’ouvre la réunion de l’ONU. Le journal britannique The Observer va plus loin en affirmant que les rebelles soutenus par le Rwanda souhaitent prendre la ville de Goma avant l’adoption d’une résolution à New York.

Dans un communiqué publié samedi, le M23 avait donné 48 heures aux soldats congolais pour déposer les armes. « On ne les laissera pas entrer à Goma, c’est une certitude », a réagi le général-major Sylvain Ekenge, le porte-parole de l’armée congolaise, lors d’une conférence de presse.

  • Emmanuel Macron appelle Félix Tshisekedi et Paul Kagame

En plus de soutenir la réunion d’urgence qui se tient aux Nations unies, Emmanuel Macron a eu des entretiens téléphoniques avec ses homologues congolais, Félix Tshisekedi, et rwandais, Paul Kagame. Le président français a appelé à « la fin immédiate de l’offensive du M23 et des forces rwandaises ainsi qu’au retrait de ces dernières du territoire congolais », selon un communiqué.

La Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) a également réagi pour condamner « l’acte d’agression du M23 », mais sans citer le Rwanda.

Un communiqué qui devrait déplaire au ministre congolais de la Communication, Patrick Muyaya, qui refuse désormais d’entendre parler du M23 à la place du Rwanda. Le porte-parole du gouvernement a également partagé sa déception après la lecture d’un communiqué de l’Union africaine qualifiant le M23 « d’opposition politico-militaire ».

Les informations de samedi 25 janvier :

  • « La guerre n’a pas encore commencé », selon Kinshasa

Le gouvernement congolais a mené une contre-offensive médiatique lors d’un point presse tenu samedi soir. « Nos troupes, accompagnées des vaillants Wazalendo [groupes armés alliés à Kinshasa] ont réussi à repousser l’ennemi », a déclaré le général-major Sylvain Ekenge.

La force régionale SAMIDRC, qui se bat aux côtés des Forces armées congolaises (FARDC), affirme également avoir repoussé l’ennemi. « Ce que le Rwanda ne sait pas, c’est que la guerre n’a pas encore commencé », a lancé le porte-parole de l’armée.

Ce dernier a affirmé que Peter Cirimwani, le gouverneur militaire du Nord-Kivu décédé le 24 janvier, a été pris pour cible par un sniper rwandais qui l’aurait identifié alors qu’il effectuait une sortie de terrain. « C’était l’ennemi juré des Rwandais, je suis sûr qu’ils sont en fête », a réagi, amer, le général-major Ekenge.

Côté diplomatique, Kinshasa a rappelé ses diplomates en poste à Kigali avec effet immédiat et demande au Rwanda d’arrêter toutes ses activités diplomatiques et consulaires dans son ambassade de Kinshasa sous 48 heures. « Le dernier diplomate rwandais en poste à Kinshasa, sous menace permanente des officiels congolais, avait déjà quitté la capitale congolaise », a minimisé le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, sur le réseau social X.

  • L’armée sud-africaine affirme avoir repoussé le M23

« Après deux jours de combats acharnés avec le groupe rebelle M23 dans l’est de la RDC, le contingent sud-africain et ses homologues […] ont non seulement pu stopper l’avancée du M23 [vers Goma], mais ont pu le repousser », a assuré le ministère sud-africain de la Défense, ce 25 janvier, dans un communiqué.

L’armée sud-africaine affirme dans le même document avoir perdu neuf soldats lors des combats, dont sept faisaient partie de la force régionale de la SADC et deux combattaient au sein de la Mission des Nations unies en RDC (Monusco). « Le nombre de blessés reste à confirmer », poursuit le ministère de la Défense.

The SA National Defence Force Media Statement || Saturday 25 January 2025 || The SA National Defence Force and counterparts push back the M23 advance towards Goma in the Eastern Reublic of the Congo.

#SANDF#JointOperationsDivision#DRC pic.twitter.com/ErXfcmsMeS
— SA National Defence Force 🇿🇦 (@SANDF_ZA) January 25, 2025
  • La RDC refuse l’offre de médiation turque

Alors que le président turc Recep Tayyip Erdogan avait proposé une médiation, à l’occasion d’une visite en Turquie de son homologue rwandais, Paul Kagame, la RDC a officiellement décliné l’offre. La vice-ministre congolaise des Affaires étrangères, Gracia Yamba Kazadi, a déclaré que Kinshasa n’avait « sollicité aucune médiation ».

« On doit trouver des solutions africaines aux problèmes africains. C’est dans ce cadre que la RDC s’est engagée dans le processus de Luanda initié par l’Union Africaine mais que le Rwanda sabote », a-t-elle ajouté.

« La Turquie est prête à apporter toute l’aide nécessaire pour résoudre [la crise] entre le Rwanda et la République démocratique du Congo », avait assuré Recep Tayyip Erdogan, le 23 janvier. Très active sur les plans diplomatique et économique en Afrique, la Turquie est intervenue récemment, avec succès, dans le différend entre l’Éthiopie et la Somalie, deux pays voisins de la Corne de l’Afrique.

  • Le Rwanda accuse l’ONU de rhétorique incendiaire

Le Rwanda a accusé, ce 25 janvier, la Monusco de « rhétorique incendiaire » à propos du conflit en cours dans l’est de la RDC. Dans un communiqué publié le 24 janvier, la Monusco avait exhorté « les parties prenantes à reprendre rapidement un dialogue franc dans le but de trouver une solution pérenne et finale [« sustainable and final solution », dans le communiqué initial rédigé en anglais] à ce conflit ».

Des termes – en particulier l’expression « solution finale », évoquant le génocide des Juifs lors de la Seconde guerre mondiale – qui ont choqué à Kigali. « Cet appel de la Monusco à une solution finale est choquant et doit être condamné et retiré. Une telle rhétorique incendiaire dans un communiqué de la mission de maintien de la paix de l’ONU, dont le principal objectif déclaré est de ne pas faire de mal, est inappropriée », a déclaré la porte-parole du gouvernement rwandais, Yolande Makolo, sur X.

« Le dialogue entre le gouvernement de la RDC et les rebelles d’une communauté congolaise endeuillée, qui a été victime de persécutions systématiques, est la seule solution pour résoudre le conflit », a-t-elle ajouté. Le chef de la diplomatie rwandaise, Olivier Nduhungirehe, a abondé en critiquant sur X « le choix [des] mots » de la Monusco. Selon le diplomate, les Nations unies choisissent de fermer « les yeux sur la hausse des discours de haine, des persécutions et des meurtres de Tutsi congolais. »

When a @UN Mission, which failed over a quarter of a century to eradicate armed groups in Eastern DRC,

1) Supports a military coalition that includes a UN-sanctioned genocidal force it was supposed to neutralize;

2) Collaborates with more than 1,600 European mercenaries,… https://t.co/AligxBd3z0
— Olivier J.P. Nduhungirehe (@onduhungirehe) January 25, 2025
  • L’Union africaine exprime sa préoccupation

Le président de la Commission de l’Union africaine, le Tchadien Moussa Faki Mahamat, a affirmé ce 25 janvier suivre « avec grande attention la situation sécuritaire et humanitaire dans l’est de la RDC ».

Le diplomate regrette que la détérioration de cette situation menace les efforts fournis par l’Union africaine pour aboutir à un accord de paix. Moussa Faki Mahamat appelle en outre à un cessez-le-feu et réclame une mobilisation de la communauté internationale en soutien aux populations de l’est de la RDC.

Communiqué of the Chairperson of the African Union Commission @AUC_MoussaFaki on the grave situation in Eastern DRChttps://t.co/NnYhZOdgEC pic.twitter.com/nklruRVDgO
— African Union (@_AfricanUnion) January 25, 2025
  • Des soldats de la SADC tués dans les combats

L’Afrique du Sud, qui déploie 2 900 soldats dans le cadre de la Mission de la Communauté de développement de l’Afrique australe en RDC (SAMIDRC), a perdu neuf soldats dans les affrontements avec les rebelles du M23. Plusieurs dizaines d’autres ont été blessés lors des combats. Déployée depuis décembre 2023 dans l’est de la RDC, la SAMIDRC participe aux combats qui s’intensifient autour de la ville de Goma.

Trois soldats malawites de la force régionale de maintien de la paix ont en outre été tués dans des affrontements, a déclaré samedi à l’AFP un porte-parole de l’armée malawite. « Nous confirmons la perte de trois de nos courageux soldats qui faisaient partie des forces de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) en RDC », a affirmé Emmanuel Mlelemba. En outre, un soldat uruguayen des Nations unies a également été tué.

La Monusco prend également part aux affrontements qui se concentrent sur deux fronts, à l’ouest et au nord de la capitale provinciale du Nord-Kivu. Samedi 25 janvier, la mission onusienne a annoncé qu’elle relocalisait son personnel non essentiel basé à Goma sans interrompre ses opérations. « Cette relocalisation n’affecte en rien l’engagement indéfectible des Nations unies à fournir une aide humanitaire et à protéger les civils au Nord-Kivu », précise le communiqué.

  • Réunion d’urgence à l’ONU et condamnation du président Lourenço

Une réunion d’urgence du Conseil de sécurité des Nations unies sera organisée lundi à New York à la demande de la RDC et avec le soutien de la France. La ministre congolaise des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, est à l’ONU, où elle multiplie les rencontres bilatérales avec les représentants de la France, du Royaume-Uni, de la Russie, des États-Unis, de la Chine, du Danemark et du Pakistan.

De son côté, le président angolais, João Lourenço, qui pilote le processus de médiation entre le Rwanda et la RDC, « condamne fermement ces actions irresponsables du M23 et de ses partisans, qui mettent en danger tous les efforts et progrès réalisés dans le processus de Luanda pour un règlement pacifique de ce conflit », selon un communiqué du ministère angolais des Affaires étrangères.

L’Union européenne (UE) a, pour sa part, réaffirmé son plein soutien aux processus de Luanda et de Nairobi. Dans un communiqué, elle appelle le Rwanda à arrêter de soutenir le M23 et à retirer ses troupes du pays. Elle exige aussi de la RDC qu’elle cesse de coopérer avec les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et autres groupes armés.

Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, s’est dit « alarmé » par un regain de violences qui pourrait aggraver « le risque d’une guerre régionale ».

Enfin, aux États-Unis, le sénateur républicain Jim Risch, qui préside la commission des Affaires étrangères de la Chambre haute du Congrès, a lui aussi condamné l’offensive du M23. Alors que Donald Trump vient d’entrer en fonction à la Maison-Blanche et que son degré d’investissement dans ce conflit reste difficile à anticiper, ainsi que Jeune Afrique l’expliquait, Jim Risch a dénoncé « l’incapacité de l’administration Biden à tenir les partis responsables des violations passées », estimant que cette attitude avait « enhardi les acteurs derrière les combats actuels ».

Les informations de vendredi 24 janvier :

  • L’armée confirme la mort gouverneur du général Cirimwami

Le porte-parole de l’armée congolaise, le général-major Sylvain Ekenge, a annoncé le décès du général-major Peter Cirimwami, gouverneur militaire de la province du Nord-Kivu, lors d’une allocution prononcée à l’issue d’un Conseil de défense. Celui-ci se tenait en présence du chef de l’État à la Cité de l’Union africaine.

« Le général-major Cirimwami Peter est tombé l’arme à la main au champ d’honneur, a-t-il déclaré. Il a été blessé, on l’a évacué et tout a été fait pour qu’il arrive à Kinshasa et qu’on l’achemine pour des soins appropriés à l’extérieur du pays, mais malheureusement il a succombé à ses blessures, et les honneurs lui seront rendus lors des obsèques nationales qui seront organisées à Kinshasa. »

#RDC | Ce vendredi à la Cité de l’Union africaine, le Chef de l’État, Commandant suprême des Forces armées, a présidé une réunion du Conseil supérieur de la défense élargi. La situation opérationnelle dans toute la #RDC, spécifiquement dans la province du #NordKivu a été passée… pic.twitter.com/Keuc3f0d2D
— Présidence RDC 🇨🇩 (@Presidence_RDC) January 24, 2025

Quelques heures auparavant, plusieurs sources, à la fois sécuritaires et dans l’entourage de Félix Tshisekedi, avaient confirmé à Jeune Afrique la mort de Peter Cirimwami. Le 23 janvier, alors que le M23 menait une offensive sur Saké, le gouverneur s’était rendu au front pour soutenir ses troupes. Sa visite avait été documentée par son service de communication.

Peter Cirimwami était en poste depuis septembre 2023. Son rôle dans la coordination des groupes armés locaux, qui opèrent en soutien de l’armée congolaise (les wazalendos), avait été détaillé dans plusieurs rapports du groupe d’expert des Nations unies. Il était également accusé d’être un interlocuteur clé des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), fondées par d’anciens responsables du génocide des Tutsi au Rwanda et qui collaborent elles aussi avec l’armée congolaise face au M23 et ses soutiens de l’armée rwandaise.

Dans son allocution, le porte-parole de l’armée congolaise a également affirmé que le chef de l’État avait « donné des instructions fermes pour que l’ennemi qui est en train de nous attaquer […] soit traqué jusque dans son dernier retranchement, pour qu’il soit repoussé loin de Goma et poursuivi jusqu’à récupérer l’ensemble du territoire national qu’il occupe ».

  • Les combats se poursuivent à Kibumba et autour de Saké

Après une brève interruption de quelques heures, les affrontements entre le M23, soutenus par le Rwanda, et l’armée congolaise ont repris à l’aube ce 24 janvier. Les rebelles contrôlent toujours la majeure partie de Saké, où ils ont pris position le 23 janvier à l’issue d’intenses combats. Cette cité stratégique se situe à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Goma et constitue l’un des derniers remparts sur la route de la capitale régionale.

Aux environs de Saké, à Mubambiro, se trouvent plusieurs bases militaires, dont celles de la mission de la SADC et de la Monusco, dont les contingents indiens, uruguayens et guatémaltèques participent aux opérations. Plusieurs sources locales ont également fait état de combats à une vingtaine de kilomètres au nord de la capitale provinciale du Nord-Kivu, dans le groupement de Kibumba.

Deux sources sécuritaires confirment que les officiers roumains de la société militaire privée Congo Protection, qui soutiennent les FARDC, participent aux affrontements.

  • La France alerte à son tour ses ressortissants

L’ambassade de France a réagi ce 24 janvier à la situation sécuritaire dans les environs de Goma. « Compte tenu de la dégradation de la situation sécuritaire et de la volatilité de la situation à Goma, il est recommandé de se mettre à l’abri et de quitter Goma temporairement par voie terrestre au plus tôt », explique la diplomatie française. Avant cette dernière, les États-Unis et la Grande-Bretagne avaient eux aussi mis en garde leurs ressortissants, les incitant à quitter si possible la capitale du Nord-Kivu.

  • Félix Tshisekedi organise la riposte

De retour en RDC après avoir écourté un séjour à l’étranger, le président congolais a pris en main les opérations de lutte contre les rebelles du M23, qui ont attaqué Saké et menace Goma, où les déplacés affluaient ce 24 janvier. Jeune Afrique raconte ici les coulisses de cette riposte et les réunions en cours autour du chef de l’État.

Le président congolais va réunir ce 24 janvier le Conseil supérieur de la défense et animer la réunion hebdomadaire du Conseil des ministres. Tard la veille, il avait reçu à la Cité de l’Union africaine, le palais présidentiel, la Première ministre, Judith Suminwa Tuluka, ainsi que les ministres de l’Intérieur et de la Défense.

Arrivé le 20 janvier à Davos, en Suisse, afin d’assister au Forum économique mondial, Félix Tshisekedi est reparti le 23 janvier à la mi-journée. En mission au Vietnam, où il prenait part aux travaux du bureau de l’Assemblée parlementaire de la francophonie, Vital Kamerhe, le président de l’Assemblée nationale, a confirmé à Jeune Afrique avoir lui aussi écourté son séjour pour revenir à Kinshasa.

  • La ministre sud-africaine de la Défense en route pour le Nord-Kivu

En visite en RDC, Angie Motshekga quitte Kinshasa ce 24 janvier pour se rendre à Goma. La ministre sud-africaine de la Défense doit ensuite s’envoler pour Beni, pour s’entretenir avec la Brigade d’intervention rapide sud-africaine (SANDF), rattachée à la Monusco.

La force militaire régionale (SAMIDRC), sous commandement sud-africain, est composée de 2 900 soldats sud-africains et dispose d’une base dans la ville de Saké. Deux soldats sud-africains avaient été tués lors d’une précédente attaque du M23 en juin 2024 contre cette base.

Cet engagement en RDC est assez impopulaire en Afrique du Sud, alors que l’armée est considérée comme mal entraînée et mal équipée pour ce genre d’opération. La visite de la ministre sud-africaine vise à renforcer la coopération militaire avec les forces armées congolaises, selon un communiqué. « La paix n’a pas de prix », expliquait Angie Motshekga à la chaîne SABC avant son départ pour Kinshasa.

  • Pression sur Goma où des déplacements de population ont été constatés

Les affrontements dans la zone de Saké ont provoqué de nouveaux déplacements de population. Sur la route qui relie la ville à Goma se trouvent en effet plusieurs camps de déplacés, dont les effectifs n’ont cessé de croître ces derniers mois à mesure que les combats s’intensifiaient. Ces déplacés se dirigent désormais vers le centre-ville de Goma et vers certains quartiers comme celui de Majengo, comme l’a également constaté notre correspondant sur place.

La situation dans Goma, carrefour stratégique de l’est de la RDC tenu par l’armée congolaise (FARDC), demeure confuse. Selon une source jointe sur place, des blessés étaient acheminés ce jeudi vers les hôpitaux de Goma et des militaires congolais y étaient en mouvement. Plusieurs des chars de combat qui y étaient stationnés ont été déplacés, vraisemblablement vers une ligne de front plus proche de Saké.

Outre l’armée congolaise et les groupes armés locaux qui lui sont alliés (les wazalendos), d’autres forces sont aussi présentes, dont la Monusco, la force onusienne, mais aussi celle de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC). Le principal contingent de cette dernière est fourni par l’Afrique du Sud, dont la ministre de la Défense est attendue à Goma.

  • Les Américains et les Britanniques alertent leurs ressortissants

Compte tenu de l’évolution de la situation sécuritaire autour de Goma, l’ambassade américaine a invité ses ressortissants au Nord-Kivu à « revoir [leurs] plans de sécurité personnelle » en cas de départ précipité. Dans une notice émise le 23 janvier, l’ambassade des États-Unis a expliqué être « limitée dans sa capacité à offrir une assistance consulaire » en raison de la dégradation du contexte dans la zone.

Les Britanniques ont également mis en garde leurs ressortissants, affirmant que le M23 menaçait Goma et contrôlait Saké, ce que le gouvernement congolais n’a pas confirmé : « Si vous êtes à Goma, vous devriez partir tant que des routes commerciales sont encore disponibles. (…) Les postes-frontières entre le Rwanda et la RDC à Gisenyi/Goma pourraient fermer à court terme. L’aide du gouvernement britannique est très limitée en dehors de Kinshasa. Vous ne devez pas supposer que le Bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth sera en mesure de fournir une assistance pour quitter le pays ».

  • Les rebelles opéraient ces derniers jours une offensive sur plusieurs fronts

Comme l’expliquait Jeune Afrique ce 22 janvier, le M23 a lancé ces derniers jours une offensive sur plusieurs axes, dont Saké, laquelle avait déjà été la cible du M23 au début de l’année 2024 – opération dont avait rendu compte Jeune Afrique dans une série de reportages publiés en mai dernier. Ces derniers jours, le M23 a aussi progressé dans la région voisine du Sud-Kivu, s’emparant le 21 janvier de la ville de Minova. Le jour même, l’armée congolaise a d’ailleurs reconnu officiellement une « percée » du M23 dans cette province.

  • Cette dégradation intervient en pleine impasse diplomatique

Le 15 décembre dernier, alors qu’il devait se rendre à Luanda pour rencontrer son homologue congolais, le président rwandais Paul Kagame, dont le pays soutient le M23, a annulé sa venue en dernière minute, reprochant à Kinshasa son refus de négocier directement avec le M23. La RDC considère de son côté qu’il s’agit d’une « ligne rouge » et reproche au Rwanda d’avoir délibérément bloqué le processus de paix.

Kigali accuse aussi l’armée congolaise de collaborer avec les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), ce qu’atteste aussi le dernier rapport des experts des Nations unies. Leur cas est l’un des points centraux des discussions entre le Rwanda et la RDC, Kinshasa s’étant engagée à les « neutraliser » mais reprochant à son voisin d’en faire un « prétexte » pour justifier son soutien au M23.

  • L’ONU a de nouveau confirmé le soutien du Rwanda au M23

Selon les Nations unies, qui ont de nouveau documenté le soutien de Kigali au M23, la conquête de nouveaux territoires par le groupe rebelle dépend du soutien des forces rwandaises, qui lui fournissent un équipement militaire de pointe en violation de l’embargo sur les armes. Le M23 a aussi pris le contrôle de l’une des concessions de coltan les plus productives du monde en avril 2024, dans l’est de la RDC.

Depuis, 120 tonnes en seraient extraites chaque mois, avant d’être exportées vers le Rwanda, selon l’ONU, faisant de cette mine le cœur du financement du groupe rebelle, comme l’explique Jeune Afrique dans une série de cartes et d’infographies. Mi-janvier, le M23 a également pris le contrôle de la cité minière de Lumbishi, dans le Sud-Kivu.

  • Kinshasa tente de contenir la menace du M23, sur les plans militaire et médiatique

L’évolution de la situation sur le terrain confirme les difficultés de l’armée congolaise dans ce conflit depuis trois ans. Pour tenter d’impulser une nouvelle dynamique militaire, le président de la RDC, Félix Tshisekedi, a nommé en décembre Jules Banza Mwilambwe nouveau chef d’état-major de l’armée congolaise.

L’intensification des combats entre le M23 et l’armée congolaise s’accompagne également d’un durcissement de ton des autorités à l’égard des journalistes qui couvrent le conflit, tandis que les gouvernements de Kinshasa et de Kigali s’affrontent par médias interposés.