Pour en finir avec le goutte à goutte mémoriel avec la France

Pour en finir avec le goutte à goutte mémoriel avec la France

«À propos du sac du Palais d’hiver chinois le 6 octobre 1860 : Un jour, deux bandits sont entrés dans le Palais d’été. L’un a pillé, l’autre a incendié. Tous les trésors de toutes nos cathédrales réunies n’égaleraient pas ce splendide et formidable musée de l’Orient. Il n’y avait pas seulement là des chefs-d’œuvre d’art, il y avait un entassement d’orfèvreries. L’un des deux vainqueurs a empli ses poches, ce que voyant, l’autre a empli ses coffres ; et l’on est revenu en Europe, bras dessus, bras dessous, en riant. Telle est l’histoire des deux bandits. Nous, Européens, nous sommes les civilisés, et pour nous, les Chinois sont les barbares. Voilà ce que la civilisation a fait à la barbarie. Devant l’histoire, l’un des deux bandits s’appellera la France, l’autre s’appellera l’Angleterre». – Victor Hugo

Resumé

En ce début du XXIe siècle et surtout de la prise de conscience que l’Occident sûr de lui et dominateur a des comptes à rendre au nom de l’éthique de la morale et de la dignité humaine, il le fait à dose homéopathique. Nous allons rapporter le comportement de cet Occident colonial, de cette vieille Europe qui s’agrippe toujours à cette nostalgie de l’empire au point qu’il faut des dizaines d’années pour qu’elle puisse reconnaitre au goutte à goutte sa faute. Dans cette affaire, beaucoup d’intellectuels de ces pays au lieu de dire le droit du fait de leur fond rocheux imprégné encore de l’esprit du colon dominateur refuse de voir que le monde a profondément changé, que les esclaves d’hier relèvent la tête et demandent des comptes. Madeleine Rebérioux résume par le triptyque «Ni repentance, ni finance, ni vengeance».

La commémoration du 1er novembre 1954 nous donne l’opportunité de faire un inventaire non exhaustif sur les fondements de la richesse des pays européens qui ont tous un passé colonial qu’ils n’assument pas. Deux pays se détachent ; l’Angleterre, la vieille perfide Albion et la France partenaire dont tous les mauvais coups de rapine, de vol, de viol et ceci toujours avec la morgue et la certitude de celui qui est dans son droit.

70 ans se sont écoulés depuis. Mais la Révolution et son contenu sont inscrits dans l’ADN qui de génération en génération transmettent d’une façon épigénétique la douleur afin que nul n’oublie. L’Algérie a recouvré son indépendance le 5 juillet 1962. Après une guerre atroce où l’Algérie a perdu 1,5 million de ses enfants avec en face un pays qui persiste et signe dans ses louvoiements avec la nostalgie de l’empire et les reconnaissances inutiles et dépassées au compte-goutte comme le sera cette déclaration décalée de l’Élysée : la France reconnait que les militaires ont assassiné Ben Mhidi, un scoop qui date de 20 ans que nous devons à l’assassin lui-même Aussarresses dans un ouvrage. Point de mea culpa de l’État français !

L’Occident sûr de lui et dominateur commence à reconnaitre en partie ses fautes

Pourtant avec le temps un nombre important des grands pays colonisateurs ont reconnu d’une façon ou d’une autre leurs fautes, qui sans aller jusqu’aux dédommagements comme la pompe à finance constituée par la Shoah et dont parle l’écrivain Norman G. Finkelstein dans son ouvrage documentée : «L’industrie de l’Holocauste». Il en est ainsi de l’Allemagne avec les Hereros de Namibie, du Canada avec les peuples premiers et même les États-Unis pour ses atrocités au Vietnam.

Ce pays a pu trouver les voies et moyens pour que le Vietnam actuel accepte de développer des relatons normales mutuellement profitables avec les États-Unis. Mieux encore, Le président des États-Unis, Joe Biden, a présenté vendredi 25 octobre 2024 des excuses historiques pour les atrocités commises durant plus d’un siècle dans des pensionnats où des dizaines de milliers d’enfants amérindiens ont été placés et maltraités dans un but d’assimilation forcée. Il a déclaré dans la réserve amérindienne de Gila River, en Arizona, «Un péché qui entache notre âme». L’objectif de ces pensionnats était d’effacer la culture, la langue et l’identité des Amérindiens. Ce chapitre est l’un des «plus sombres de l’histoire américaine», le président démocrate a également assuré que «le traumatisme» vécu par les enfants amérindiens dans ces institutions «hante aujourd’hui encore notre conscience». De même les évêques catholiques américains ont formellement reconnu cette année le rôle de l’Église dans «les traumatismes» infligés aux Amérindiens. Lors d’une visite au Canada à l’été 2022, le pape François avait demandé «pardon pour le mal commis».1

Crimes coloniaux : L’empire sur lequel la justice ne se couche (presque) jamais

Demeurent l’Angleterre et la France. Jane Anderson fait le point de la reconnaissance de l’empire britannique dans les crimes coloniaux. «L’empire britannique, écrit-elle, a été le plus vaste de l’histoire et il a engendré de nombreux crimes coloniaux». Les Britanniques considèrent-ils encore leur ancien empire comme positif ? La proportion actuelle de cette opinion est encore élevée – dans cette enquête de 2020, l’attitude britannique contrastait avec celle des Allemands, dont seulement 9% se disaient fiers de leur rôle colonial. La prise de responsabilité réelle pour les crimes coloniaux britanniques est bien mince, face à une litanie d’atrocités connue, documentée et référencée. Sous la domination britannique, entre 12 et 29 millions d’Indiens sont morts de faim au cours de diverses famines, écrit l’historien américain Mike Davis, alors que des millions de tonnes de blé étaient exportées vers le Royaume-Uni. L’ancien Premier ministre Winston Churchill a eu une phrase célèbre : «Je déteste les Indiens. C’est un peuple bestial avec une religion bestiale. Ils sont responsables de la famine parce qu’ils se reproduisent comme des lapins».2

Janet Anderson pense que ces «reconnaissances» à dose homéopathique ne règlent pas le problème de fond qui est celui de la reconnaissance de la faute : «si la liste des préjudices est longue et variée, les initiatives concrètes de justice ont été rares. En 2013, les autorités britanniques ont versé des réparations à plus de 5000 victimes de la répression sanglante de la rébellion Mau Mau des années (…) Quelques débats sur les réparations, les excuses et les restitutions ont bien éclaté au cours des vingt dernières années. Les dirigeants britanniques se sont succédés pour présenter des excuses au coup par coup : en 2007, le Premier ministre Tony Blair a présenté des excuses pour le rôle du pays dans la traite des esclaves et, en 2011, pour la famine irlandaise ; David Cameron s’est rendu sur les lieux du massacre d’Amritsar ; le prince Charles a évoqué l’«injustice» de la traite des esclaves à Accra, au Ghana, en 2018».[2]

L’Italie a indemnisé la Libye pour la période coloniale

L’Italie a envahi et occupé la Libye pendant trente ans. Une publication nous informe que l’Italie a décidé de solder ses fautes : Rome et Tripoli s’apprêtaient, samedi 30 août, à solder les comptes de plus trente ans de colonisation italienne en Libye. Selon un accord historique qui doit être signé dans la soirée par Silvio Berlusconi et Mouammar Kadhafi, l’Italie va verser à la partie libyenne cinq milliards de dollars (3,4 milliards d’euros) sur les vingt-cinq prochaines années, une forme de dédommagement pour la période coloniale, qui dura de 1911 à 1942. «L’accord portera sur un montant de 200 millions de dollars (136 millions d’euros) par an durant les 25 prochaines années sous forme d’investissements dans des projets d’infrastructure en Libye», a indiqué le chef du gouvernement italien à son arrivée à Benghazi, dans l’est libyen. «L’accord doit mettre fin à 40 ans de désaccord. C’est une reconnaissance concrète et morale des dommages infligés à la Libye par l’Italie pendant la période coloniale».3

Berlusconi a précisé que parmi les projets qui seront financés par son pays figurait la construction d’une autoroute traversant la Libye d’ouest en est, de la Tunisie à l’Égypte. L’accord prévoit également la construction «d’un très grand nombre» de logements, l’installation d’entreprises italiennes en Libye, des bourses à des étudiants libyens en Italie et des pensions pour des mutilés victimes de mines anti-personnel posées par l’Italie pendant la période coloniale. Il prévoit aussi une coopération dans la lutte contre l’émigration clandestine. Berlusconi avait été précédé à Benghazi par l’arrivée par avion militaire de la Vénus de Cyrène, magnifique statue sans tête du IIe siècle après J.-C. découverte en 1913 par des archéologues italiens sur le sol libyen. La pièce a été accueillie par des youyous. Le ministre des Affaires étrangères libyen Abdelrahman Chalgham a estimé qu’avec sa restitution «la Libye récupère son identité et une partie de son histoire. La visite de Berlusconi en Libye, coïncide avec les festivités marquant le 39ème anniversaire de la révolution libyenne, le 1er septembre 1969, qui a porté au pouvoir le colonel Kadhafi».[3]

Les «indemnisations rapides et forcées» de la Libye

«Ces indemnisations tardives sont à comparer avec les indemnisations versées par la Libye pour son rôle présumé dans les attentats. Ces indemnisations sont autrement plus conséquentes, un juge fédéral américain a condamné la Libye à verser plus de six milliards de dollars de dommages et intérêts aux familles de sept Américains tués dans l’attentat contre le DC-10 d’UTA au-dessus du Niger en 1989. Tripoli n’a jamais admis sa responsabilité dans cet attentat qui a fait 170 morts le 19 septembre 1989. Mais en 2004 (Cinq ans après), elle a accepté de verser 170 millions de dollars, en compensation, aux familles des victimes. Pour l’attentat de Lockerbie la Libye a signé avec Londres et Washington un accord d’indemnisation des victimes portant sur 2,7 milliards de dollars, soit 10 millions de dollars par famille. L’accord d’indemnisation a permis la levée des sanctions imposées par l’ONU et les États-Unis».4

L’Allemagne reconnaît avoir commis «un génocide» en Namibie

Le gouvernement allemand a, après la conférence de Berlin, envahi la Namibie en 1885 : «Il va restituer, mercredi, des restes humains à la Namibie, rappels des massacres perpétrés par le IIe Reich entre 1904 et 1908. Une nouvelle étape dans la difficile reconnaissance d’une histoire coloniale douloureuse. C’est une cérémonie pour le moins inhabituelle qui doit se tenir, mercredi 29 août, au Französischer Dom de Berlin. Des représentants des gouvernements allemand et namibien pour un rendez-vous singulier au centre duquel figureront dix-neuf crânes, quelques squelettes, une omoplate et une mâchoire. But de l’opération : la restitution de ces restes humains, témoins des massacres perpétrés par les troupes du IIe Reich contre 65 000 Hereros et 10 000 Namas dans le Sud-Ouest africain allemand – l’actuelle Namibie – entre 1904 et 1908. Une série de massacres considérée comme le premier génocide du XXe siècle. Ces reliques avaient été rapportées outre-Rhin à des fins de «recherche scientifique» et, pour la plupart d’entre elles, reposaient dans les collections anthropologiques de l’hôpital de la Charité, à Berlin».5

Berlin va verser au pays plus d’un milliard d’euros d’aides au développement. Au moins 60 000 Herero et environ 10 000 Nama perdirent la vie entre 1904 et 1908 pendant la colonisation du territoire. «L’Allemagne a pour la première fois reconnu, vendredi 28 mai, avoir commis «un génocide» contre les populations des Herero et des Nama en Namibie pendant l’ère coloniale. «Nous qualifierons maintenant officiellement ces événements pour ce qu’ils sont du point de vue d’aujourd’hui : un génocide», a déclaré le ministre des affaires étrangères allemand, Heiko Maas. Il salue dans cette déclaration la conclusion d’un «accord» avec la Namibie après plus de cinq ans d’âpres négociations sur les événements survenus dans ce territoire africain colonisé par l’Allemagne entre 1884 et 1915. Les colons allemands avaient tué des dizaines de milliers d’Herero et de Nama dans des massacres commis entre 1904 et 1908, considérés par de nombreux historiens comme le premier génocide du XXe siècle».[5]

«À la lumière de la responsabilité historique et morale de l’Allemagne, nous allons demander pardon à la Namibie et aux descendants des victimes» pour les «atrocités» commises, a poursuivi le ministre. Dans un «geste de reconnaissance des immenses souffrances infligées aux victimes», le pays européen va soutenir la «reconstruction et le développement» en Namibie par un programme financier de 1,1 milliard d’euros, a-t-il ajouté. «L’acceptation de la part de l’Allemagne qu’un génocide a été commis est un premier pas dans la bonne direction», a réagi Alfredo Hengari, le porte-parole du président namibien, Hage Geingob. Les crimes commis pendant la colonisation empoisonnent depuis de nombreuses années les relations entre les deux pays. «On ne peut pas tirer un trait sur le passé. La reconnaissance de la faute et la demande de pardon sont toutefois un pas important pour surmonter le passé et construire ensemble l’avenir», a estimé le chef de la diplomatie allemande».6

Dans une volonté de réconciliation, l’Allemagne avait remis en 2019 à la Namibie des ossements de membres des tribus Herero et Nama exterminés, et la secrétaire d’État aux affaires étrangères, Michelle Müntefering, avait alors demandé «pardon du fond du cœur». Pour rappel, envoyé pour mater la rébellion, le général allemand Lothar von Trotha avait ordonné leur extermination. Des ossements, en particulier les crânes de victimes, furent envoyés en Allemagne pour des expériences scientifiques à caractère racial. Le médecin Eugen Fischer, qui a officié à Shark Island et dont les écrits ont influencé Adolf Hitler, cherchait à prouver la «supériorité de la race blanche». Nous retrouvons le même mode opératoire que la France a infligé à l’Algérie en gardant prisonniers des dizaines de cranes de patriotes dans ses musées. Malgré la restitution «à dose homéopathique d’une vingtaine de cranes en juillet 2020».[6]

Belgique. Le rapport sur le passé colonial préconise une indemnisation des victimes

«La Belgique a un passé colonial aussi chargé. Souvenons-nous du roi des Belges qui seul, s’est octroyé le territoire du Congo. Soixante ans après l’indépendance, la Belgique a voulu se pencher sur différents aspects de son passé colonial. Pendant plus de deux ans, une commission parlementaire spéciale a travaillé sur ses relations passées avec le Congo, le Rwanda et le Burundi. Seulement voilà : après deux ans et demi de travail, le rapport de 700 pages et 128 recommandations qui en avait découlé s’était fracassé sur un désaccord politique. Il concernait les éventuelles excuses à adresser aux populations colonisées pour les violences, le racisme, les discriminations nées de la colonisation. Certains craignant notamment que cela ouvre la porte à des dédommagements, libéraux et CD&V avaient quitté la séance. Empêchant donc tout vote sur le texte… Et mettant dans l’impossibilité les services de la Chambre de le publier. La Commission parlementaire avait chargé alors dix experts de rendre un rapport aux parlementaires sur la question de la mémoire coloniale. Le préjudice subi est impossible à quantifier, ce qui ne change rien au fait qu’il doit être réparé par une compensation financière».7

«C’est l’une des recommandations que propose Wouter De Vriendt, le président de la Commission parlementaire le 22 novembre 2022, que l’État belge présente aux peuples colonisés «ses excuses». Le parlement selon Wouter De Vriendt doit condamner «le régime colonial en tant que système fondé sur l’exploitation et la domination, qui reposait sur un rapport d’inégalité injustifiable caractérisé par le paternalisme, la discrimination et le racisme et qui a donné lieu à des humiliations», dit en effet l’une des recommandations. Affaires à suivre».[7]

«La question des réparations est la plus sensible de tout ce processus. Le rapport estime notamment que des compensations financières pourraient être accordées aux victimes de méfaits coloniaux en Belgique, au Congo, au Rwanda et au Burundi. Si cette recommandation de réparations est suivie d’effet, il est vraisemblable que certaines entreprises qui se sont enrichies dans les colonies seront appelées à amener une contribution. L’économie coloniale, basée sur l’exploitation du caoutchouc, des minerais, du coton, de l’huile de palme et de l’ivoire, a permis de bâtir des fortunes en Belgique, alors que les Congolais souffraient de travail forcé, de pauvreté et de faim. Le rapport pointe ainsi le rôle de plusieurs entreprises dans l’ancienne colonie. Il préconise un plan global contre le racisme et les discriminations, mais aussi un enseignement plus éclairant sur le passé colonial de la Belgique».8

Enfin les Pays-Bas qui ont colonisé les Indes orientales (Indonésie) promettent comme solde de tout compte le versement de 5000 euros à toute personne pouvant prouver que son père a été exécuté pendant la guerre d’indépendance de l’Indonésie. Un conflit qui aurait fait 100 000 morts entre juin 1945 et décembre 1949.

Le livre noir de la colonisation française

L’Angleterre (La perfide Albion) et la France sont les partenaires traditionnels de toutes les expéditions coloniales sanguinaires. Victor Hugo cite l’invasion de la Chine et le saccage du Palais d’hiver. Le décor est encore plus triste du côté de la France qui partage justement avec l’Angleterre, l’arrogance et la conviction qu’ils appartiennent à la race des élus. Mutatis mutandis ce qui se passe, actuellement, à Gaza n’est pas une singularité de déni de l’humanité. Souvenons-nous pendant la Révolution le pouvoir colonial a parqué 2.5 millions de personnes pendant plus de quatre ans dans des conditions extrêmes. Cela rappelle un peu ce qui se passe à Gaza depuis une année. En fait les crimes contre l’’humanité exécutés par Israël ne sont pas une rupture, avec un ordre moral c’est au contraire une continuité dans l’ensauvagement de l’Occident dont parle si bien Aimé Césaire.

Justement, nous n’aurions rien compris à l’ensauvagement colonial si on ne prend pas en compte toutes les formes d’atrocités tout au long de 45230 jours de joug colonial dont 430 jours représentant un concentré d’horreurs de la glorieuse révolution de novembre. L’indigène algérien a tout connu : jugez-en plutôt : les meurtres, les vols, les viols, les récoltes incendiées, les suppliciés des grottes, les fours crématoires, le bannissement à 22 000 km de la patrie, le code de l’indigénat qui faisait que l’Algérien était un prisonnier permanent. Il a enfin connu les 200 supplices de la guillotine ; Si on y ajoute les 13 gerboises multicolores qui ont irradié le Sahara et les essais de bactériologie, l’Algérie a servi de laboratoire pour la grandeur de la France !! À ce titre, de mon point de vue aucun pays anciennement colonisé n’a connu un tel calvaire ! Aucun pays n’a connu la famine qui a vu la population s’éteindre ; Aucun pays n’a vu un prosélytisme enragé comme celui du cardinal Lavigerie qui pensait faire retrouver à l’Algérien son substrat chrétien en le débarrassant de la gangue de l’islam. Vouloir réduire cela à quelques gestes cosmétiques sur quelques faits mémoriaux parmi des dizaines de milliers n’a rien à voir avec l’idée de justice et laissera toujours en chacun de nous cette sensation d’inachevé.

«Ammar Belhimer, ministre porte-parole du gouvernement algérien, a précisé que Le gouvernement algérien a de nouveau réclamé lundi 8 février «la reconnaissance des crimes coloniaux» de la France, par la voix de son porte-parole Ammar Belhimer, après la publication du rapport de l’historien français Benjamin Stora «La résistance de la France à ne pas reconnaître ses crimes a ses raisons. Elles sont connues de ceux qui ont la nostalgie du passé colonial et l’illusion de l’Algérie française», explique M. Belhimer dans un entretien au journal gouvernemental arabophone El Massa. «Le criminel fait généralement l’impossible pour éviter d’admettre ses crimes, mais cette politique de fuite en avant ne peut pas durer», «l’accomplissement moral le plus important est la reconnaissance des crimes coloniaux de la France». La puissante Organisation des moudjahidines, les anciens combattants de la guerre d’indépendance, a rejeté le document qui «a omis d’aborder (…) les différents crimes coloniaux perpétrés par l’État français». Emmanuel Macron s’est engagé à prendre des «actes symboliques» a exclu de présenter les «excuses» demandées par Alger».9

Torture en Algérie : Le silence de l’État, de l’armée et de la justice le goutte à goutte mémoriel

«Dans le bréviaire des exactions, nous ne pouvons pas ne pas citer l’horreur des tortures et le louvoiement des hommes politiques pour ne pas reconnaitre que c’est l’État qui est interpellé, et non pas les «militaires bouchers» d’autant qu’ils ont tous été amnistiés ! Tout récemment une publication récente rappelle à la France que le problème de la torture ne peut pas être évacué sans justice et malgré les amnisties sélectives prises au lendemain de l’indépendance pour absoudre tous les criminels mais en condamnant lourdement et de différentes manières ce qui ont osé protester contre l’ignominie de la torture. Nous lisons : «Sans un retour sur cette page sombre de son histoire, rien ne préserve la République française de retomber dans les mêmes dérives» La reconnaissance par l’Élysée de la pratique de la torture ne peut être imputée à une minorité de combattants français en Algérie, soulignent plus de 80 personnalités, dans une tribune au «Monde». Lors de la guerre d’Algérie, de 1954 à 1962, des crimes ont été commis sous la responsabilité des plus hautes autorités françaises. À l’époque comme depuis, des voix se sont élevées pour réclamer que l’État français reconnaisse ses responsabilités dans le recours à la torture par les forces de l’ordre françaises. En 2000, l’«Appel des douze», adressé au président de la République, demandait de condamner ces pratiques par une déclaration publique».10

«Cette exigence a été réitérée en 2024 par l’«Appel du 4 mars» de 24 associations antiracistes, anticolonialistes et des droits de l’homme, demandant la reconnaissance de la responsabilité de l’État dans le recours à la torture lors de la guerre d’Algérie. Le président de la République, Emmanuel Macron, a reconnu, en septembre 2018, l’assassinat en 1957 de Maurice Audin par les militaires français qui le détenaient. Il a reconnu, en mars 2021, l’assassinat de l’avocat Ali Boumendjel [en 1957] lors de sa détention ; et un communiqué de l’Élysée du 18 octobre 2022 a déclaré : «Nous reconnaissons avec lucidité que, dans cette guerre, il en est qui, mandatés par le gouvernement pour la gagner à tout prix, se sont placés hors la République. Cette minorité de combattants a répandu la terreur, perpétré la torture, envers et contre toutes les valeurs d’une République fondée sur la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen».[10]

La reconnaissance par l’Élysée de la pratique de la torture ne peut être imputée à une minorité de combattants français ayant agi à l’encontre des valeurs de la République. Elle n’explique pas des dysfonctionnements de l’État et de ses institutions militaires, administratives et judiciaires. Il n’est toujours pas répondu à la question : comment, quelques années après la défaite du nazisme, a-t-il été possible que soit conceptualisée, enseignée, pratiquée et couverte, une théorie, la «guerre contre-révolutionnaire», justifiant le recours à la torture avec l’aval ou le silence de l’État, de l’armée et de la justice. «Dans l’armée, ceux qui pratiquent la torture sont promus et décorés, ceux qui la dénoncent condamnés, à l’exemple du général de Bollardière. Au sein de l’État, des mesures administratives ou disciplinaires sont prises à l’encontre de ceux qui alertent leur hiérarchie. Dénonçant le déshonneur, Paul Teitgen a démissionné de son poste de secrétaire général de la préfecture d’Alger».[10]

La France persiste toujours dans son amnésie sélective et signe sachant bien que l’histoire a déjà condamné la colonisation comme un crime contre l’humanité. Le tout est de savoir si elle fera le saut qualitatif qui lui permette de revenir en grâce à partir d’actions sans arrière-pensée avec l’humilité et la bonne foi requises. La commission sur la mémoire ne pourra pas avec sa meilleure bonne volonté rendre compte des 45 230 jours d’exactions depuis un 5 juillet 1830 avec un concentré d’horreurs pendant 2440 jours durée de la Révolution de novembre qui fut l’un des marqueurs de l’aventure humaine contre la tyrannie au XXe siècle. La France comme l’Angleterre utilisent les mêmes subterfuges : Ainsi deux présidents et deux ambassadeurs se sont rendus à Sétif à l’occasion de la commémoration des crimes de masse de 45 000 Algériens. C’est encore et toujours le goutte à goutte mémoriel et à ce rythme, souvenons-nous, il a fallu cinquante ans pour que la France reconnaisse que les évènements d’Algérie étaient une guerre. Il faudra de ce fait un siècle pour apurer cette faute. Car le corps social français travaillé par la droite et ses extrêmes renvoie aux calendes grecques toute réconciliation dans l’égale dignité des deux peuples.

Conclusion

Les relations avec la France ne seront jamais normales tant que le mythe des races supérieures brandie par une Droite revancharde qui vit encore dans la nostalgie de l’Empire est aux commandes. L’Algérie est dans son bon droit de réclamer justice au nom de la dignité humaine ; C’est peut-être l’un des rares pays à avoir subi une colonisation aussi inhumaine et qui persiste et signe, pensant qu’elle peut continuer à dicter la norme. Même si nous devons attendre encore longtemps, les relations algéro-françaises ne connaitront l’apaisement qu’avec l’humilité des tortionnaires à l’instar des autres pays coloniaux. Elle vient de fêter avec dignité le 70ème anniversaire du premier novembre en renouant avec une tradition, le défilé de l’armée. Un âge de raison ! Pour l’Algérie, l’entente cordiale passe par un devoir d’inventaire de la France pour qu’elle reconnaissance humblement sa faute. Rien n’interdit alors d’explorer les voies et moyens d’aller de l’avant dans le respect de la dignité des deux peuples.