Les autorités de l’Est de la Libye ont annoncé ce lundi 26 août 2024 la « fermeture de tous les gisements et terminaux pétroliers » ainsi que « l’arrêt des exportations jusqu’à nouvel ordre », sur fond de crise politique majeure avec le gouvernement rival de Tripoli, reconnu par l’ONU. Cette décision de blocage des principales infrastructures pétrolières du pays intervient en riposte à une prise de contrôle, lundi matin, de la Banque centrale et au remplacement de son gouverneur par les autorités de Tripoli.
Cela fait plusieurs mois que les hostilités ont été déclarées entre le gouverneur de la banque centrale nationale, Al Siddik al Kabir, et le Premier ministre sortant Abdelhamid Dbeibah, à Tripoli. Les deux hommes, très proches à l’origine, ne s’accordaient plus sur la façon de dépenser le budget de l’État, issu essentiellement de la manne pétrolière.
Le gouverneur avait critiqué à plusieurs reprises la manière de dépenser l’argent public, sans jamais faire de projets de développement. Ces dépenses ont atteint, selon lui, près de 90 milliards d’euros, ces trois dernières années.
La banque nationale centralise les recettes des exportations d’hydrocarbures et gère le budget de l’État, avant de les distribuer entre les différentes régions y compris l’Est qui se dispute le pouvoir avec Tripoli et qui a son propre exécutif.
Le 11 août, suite à une décision du Conseil présidentiel, plusieurs dizaines de personnes, dont des miliciens pro-Dbeibah, avaient tenté d’expulser le gouverneur de la banque avant leur dispersion. Une semaine plus tard, l’un des directeurs de la banque a été enlevé puis relâché.
Le gouvernement de l’Est a dénoncé dans un communiqué « des attaques » et « des tentatives d’incursion par la force dans la banque centrale », visant à prendre le contrôle de « manière illégale » de cette institution.
Ce lundi 26 août, une commission dite « de passation de pouvoirs », réputée proche du Premier ministre Dbeibah, a fait irruption à la Banque centrale, puis dans le bureau du gouverneur en son absence. Ce dernier avait fermé l’institution, la veille, et mis en congé le personnel.
« Des conséquences a priori marginales » sur le marché du pétrole
Dans la foulée de l’annonce des autorités de l’Est libyen, les cours du pétrole ont bondi de 3%, le 26 août. Les marchés s’inquiètent car le pays est un des principaux producteurs du continent. La Libye est même depuis le mois d’avril LE premier producteur en Afrique, une place de numéro 1 ravie au Nigeria. En juillet, elle a en effet produit près d’1,2 million de barils par jour. Une ressource essentielle puisque les hydrocarbures représentent la quasi-totalité des revenus fiscaux du pays.
Mais le pétrole est une ressource instrumentalisée dans un pays coupé en deux depuis 2011. Car la grande majorité des ressources et des infrastructures sont situées à l’est, dans des zones contrôlées par le clan du maréchal Haftar.
Mohamed Julien Ndao, trader au sein de la société Okapi, explique, au micro de Nicolas Feldmann : « Ça a des conséquences mais elles devraient être a priori marginales. Ce ne sont pas des conséquences de nature à complètement bouleverser le marché international. Le marché international, ce sont plus de 90 millions de barils par jour qui sont échangés. Pour la Libye, on parle d’1,1 million de barils. Ce marché (libyen) peut être supplée si, demain, l’Arabie Saoudite décide de pomper un million de barils en plus pour équilibrer le marché. On revient alors à l’équilibre. »
Mais, signe de la préoccupation, ce mardi, l’ONU et les États-Unis appellent les acteurs politiques en Libye à une réunion « urgente » pour désamorcer la crise autour de la Banque centrale (BCL) et le blocus de la production et des exportations de pétrole.