Le chef djihadiste malien Iyad Ag Ghali visé par un mandat d’arrêt de la CPI

Le chef djihadiste malien Iyad Ag Ghali visé par un mandat d’arrêt de la CPI

Le patron du GSIM, ennemi numéro un des Occidentaux au Sahel, est recherché pour des crimes commis au début de la guerre du Mali, en 2012 et 2013. La CPI vient d’annoncer qu’elle le recherche depuis 2017.

Depuis sept ans, Iyad Ag Ghali est inculpé de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, mais le djihadiste malien l’ignorait. Vendredi 21 juin, la Cour pénale internationale (CPI) a levé les scellés posés sur le mandat d’arrêt délivré le 18 juillet 2017 contre l’homme considéré comme l’ennemi numéro un des Occidentaux au Sahel.

En quatre décennies, ce Touareg de la tribu des Ifoghas a combattu pour la légion islamique de Mouammar Kadhafi, s’est enrôlé au sein de plusieurs rébellions maliennes, jusqu’à devenir en 2017 l’émir du Groupe de soutien de l’islam et des musulmans (GSIM ou JNIM en arabe), un des plus puissants groupes djihadistes sahéliens, qu’il dirige toujours aujourd’hui. Mais c’est pour son rôle dans les crimes commis à Aguelhok et Tombouctou entre janvier 2012 et janvier 2013, au début de la guerre du Mali alors qu’il était le leader du mouvement Ansar Eddine, qu’il est poursuivi par la CPI.

« Chef incontesté », disposant « d’une grande influence dans la région », selon les termes utilisés par le procureur de la juridiction internationale dans le mandat d’arrêt, Iyad Ag Ghali est poursuivi pour des actes de torture, de persécution pour des motifs sexistes ou religieux, de détention illégale, de viols et de violences sexuelles, d’actes inhumains et d’attaque contre des bâtiments religieux. Selon le mandat d’arrêt, « Ansar Eddine et AQMI [Al-Qaida au Maghreb islamique] recouraient à la violence, l’intimidation et à l’édiction d’interdits, sanctionnés notamment par des peines physiques, exécutées en public ».

Le leader djihadiste est également poursuivi pour l’exécution de dizaines de militaires et gendarmes lors de la prise d’Aguelhok. Au moins 40 soldats, selon le bilan du bureau du procureur – certaines ONG ont évoqué un bilan plus de deux fois plus lourd, avaient été retrouvés tués, mains liées dans le dos. Ce massacre avait frappé les esprits alors que l’attaque de cette ville décrite dans le mandat d’arrêt de la CPI comme « une place militaire stratégique » en vertu de « sa position géographique au nord du pays » avait marqué la reprise des combats par les groupes indépendantistes maliens contre le pouvoir central de Bamako. Iyad Ag Ghali avait « l’autorité, le pouvoir et les moyens de diriger et de coordonner l’attaque », selon le procureur.

« Détermination » de la Cour

La CPI a commencé à enquêter dès janvier 2013 sous l’autorité de l’ancienne procureure Fatou Bensouda sur ces crimes, à la demande des autorités maliennes. Quatre ans et demi plus tard, le 18 juillet 2017, un mandat d’arrêt a été délivré mais sa transmission a été cantonnée à quelques autorités, dont celles de Bamako et de Paris. La France avait alors plusieurs milliers de soldats déployés au Mali dans le cadre de l’opération « Barkhane » de lutte contre les groupes terroristes.

La CPI n’avait alors pas souhaité faire la publicité de ce mandat d’arrêt par crainte que cela incite certains Etats à aider Iyad Ag Ghali à se cacher. La juridiction internationale ne dispose en effet pas de sa propre police et doit compter sur la coopération des pays.

Dès juillet 2022, le procureur de la CPI a demandé la levée des scellés du mandat d’arrêt. Il a essuyé le refus des juges, pour lesquels existaient alors des « risques potentiels » pour les témoins. En mai, le procureur a déposé une nouvelle demande en raison d’éléments inédits, gardés confidentiels. La levée du secret peut permettre la tenue d’audiences de mises en accusation, même en l’absence de l’accusé, afin d’auditionner des témoins.

La CPI a jusqu’ici conduit deux procès sur les crimes commis à Tombouctou pendant l’occupation de la ville par les groupes djihadistes. Les inculpés sont deux anciens responsables de la Hesbah, la police des mœurs mise en place par les groupes djihadistes : Ahmed Al-Faqi Al-Mahdi avait plaidé coupable et été condamné à neuf ans de prison en 2016. Le verdict contre Abdoulaziz Al-Hassan sera prononcé le 26 juin. Dans un communiqué diffusé vendredi soir, le bureau du procureur dit rester « déterminé à veiller à ce que tous ceux qui causent des souffrances à la population du Mali et de la région du Sahel soient tenus pour responsables ».