Article de l’ambassadeur de Russie au Soudan, Andreï Tchernovol
L’ordre mondial occidental est actuellement en crise systématique. Les pays du «Sud global» ne sont plus disposés à accepter le rôle de «terres néocoloniales» pour le fameux milliard de fortunés. La prospérité du «parc Borély» a été payée non pas par le dur labeur des Européens, mais par la sueur et le sang des peuples de la planète entière. La prospérité occidentale actuelle a été lancée par les croisades, poursuivie par l’expansion et le pillage d’autres continents, et consolidée par l’ordre colonial mondial, qui subsiste de nos jours à bien des égards.
L’effondrement de l’URSS, qui a lancé en son temps le processus de décolonisation de l’Afrique et de l’Asie, a fait naître un sentiment de permissivité parmi les élites transatlantiques actuelles. Les Occidentaux sont passés d’un humanisme hypocrite reflétant l’esprit de l’ancien président américain Woodrow Wilson à une violence flagrante dans la meilleure tradition d’Herbert Kitchener, le bourreau britannique du Soudan. La coercition est renforcée par la servitude au système mondial du dollar, le maintien du retard technologique et la désindustrialisation sous les slogans de l’agenda «vert».
La promotion de la démocratie et des valeurs libérales perverties est devenue un outil de répression des opposants. Tous ceux qui refusent de céder gratuitement leurs ressources aux sociétés transnationales sont mis hors-la-loi par Washington et ses alliés.
Puis, par les mains d’extrémistes soudoyés et de la «cinquième colonne», ils attisent les conflits internes. Si les autorités s’avèrent stables, une «intervention humanitaire» est lancée sous un prétexte plausible, docilement soutenue par les agences spécialisées des Nations unies sur la base d’abondantes falsifications de nombreuses ONG «indépendantes», la grande majorité d’entre elles étant financées par l’Occident. La boucle est bouclée et le résultat est toujours le même : la destruction de l’État et des centaines de milliers de victimes. Les exemples sont connus de tous : Yougoslavie, Libye, Yémen, Irak, Afghanistan, Syrie…
Les réfugiés deviennent des monnaies d’échange et des «esclaves de la nouvelle Rome». Ils sont achetés, exploités et utilisés dans les querelles politiques interrégionales et internes entre les élites. Cependant, même de tels crimes ne peuvent arrêter la dégradation de l’hégémon autoproclamé, qui s’enfonce de plus en plus dans l’abîme du fascisme et du transhumanisme clairement satanique, avec sa négation de l’identité nationale, religieuse, familiale et de genre, c’est-à-dire des valeurs morales et éthiques humaines fondamentales données par Dieu, et même les lois de la nature.
Le Soudan est devenu une nouvelle cible de l’Occident collectif. Tous les plans sont déjà élaborés : malgré l’échec de l’«accord-cadre» et le conflit actuel attisé par ses idéologues occidentaux, les activistes rémunérés de l’opposition étrangère fugitive «Taqaddum» doivent à tout prix être portés au pouvoir dans le pays. Les FSR (organisation paramilitaire «Forces de soutien rapide» – «AI»), composées à 80% de mercenaires étrangers, est leur couverture et leur partenaire politique dans le cadre de l’accord d’Addis-Abeba. En même temps, les crimes croissants des militants, régulièrement et pathétiquement accusés par les Anglo-Saxons, ne sont qu’à l’avantage des marionnettistes, car cela leur donnera l’occasion de se débarrasser facilement d’eux plus tard. Rejeter la faute sur des commandants précis et leurs alliés, en faire des parias et s’emparer de tout, c’est une tradition séculaire des colonisateurs.
Parallèlement, les Nations unies utilisent des schémas d’intervention internationale en vertu du chapitre VI de la Charte des Nations unies, qui avaient été élaborés lors du précédent conflit au Darfour en 2003-2005, sous le prétexte de prévenir une catastrophe humanitaire. Des méthodes peu scrupuleuses telles que la falsification de statistiques, la déformation des déclarations des officiels soudanais, la recherche et la création d’obstacles artificiels empêchant l’acheminement de l’aide humanitaire, etc. sont utilisées. Selon le plan, la déclaration de la famine au Soudan et l’ouverture forcée des frontières suivront. Il est clair que cette mesure est nécessaire pour assurer le ravitaillement incontrôlé des formations des FSR en difficulté, comme cela a déjà été pratiqué en Syrie. L’inévitable prolongation du conflit avec l’afflux au Soudan d’extrémistes venus de tout le Sahel en est la conséquence. Enfin, dans les meilleures traditions américaines, il faudrait procéder à des «bombardements humanitaires» des foyers de terrorisme international, à l’instar de Falloujah, Raqqa et Mossoul, où des dizaines de milliers de civils sont morts et où Daech n’a jamais été vaincu.
Ce scénario arrange parfaitement les Américains. Leur «retrait» démonstratif du Niger et du Tchad, entre autres, vise à laisser les Français, dont Washington en a assez, seuls avec les peuples de la région qu’ils ont saccagés. La guerre du Darfour, qui prend de l’ampleur, est destinée à embraser enfin toute la zone sahélienne. En prime, outre l’élimination des restes de l’influence de Paris sur le continent, des difficultés supplémentaires seront créées pour l’avancée de la Russie et de la Chine, qui construisent leur politique en Afrique sur la base de la stabilité et de l’égalité.
L’armée reste le dernier bastion sur la voie de la soi-disant «transition démocratique soudanaise». Les Américains, l’ancienne métropole britannique et leurs alliés sont bien conscients de son rôle dans la formation de l’État à l’étape actuelle. À cet égard, les propos tenus par l’envoyé spécial du département d’État des États-Unis, Tom Perriello, dans une interview à Foreign Policy, à propos de la menace de «somalisation» du Soudan au cas où le conflit se poursuivrait, sont particulièrement cyniques. Le disciple assidu de George Soros ne dit pas que c’est l’arrivée au pouvoir du Taqaddum sur les baïonnettes des FSR et, par conséquent, le démantèlement des Forces armées du Soudan qui conduiront inévitablement au même scénario somalien et à la désintégration du pays. Le «shérif» américain, qui n’a jamais été au Soudan durant cinq mois, ne s’intéresse pas à l’opinion des «Indiens» locaux et, en outre, au nombre de ceux qui devraient mourir sur le parcours de la mise en place de la démocratie à la manière de Washington.
Dans le style de leurs sponsors occidentaux, l’orateur officiel du «Taqaddum» Bakri Al-Jack s’est récemment exprimé, appelant les dirigeants soudanais à se rendre avant qu’il ne soit trop tard, tout comme le Japon militariste l’a fait en 1945 (!). L’analogie est parfaite : les «démocrates» menacent d’anéantissement leur propre armée et le peuple soudanais qui l’a soutenue et appellent à la reddition les bandits et les mercenaires qui, l’autre jour, se sont une nouvelle fois distingués en massacrant les civils de Wad Al-Noura. Mais il omet que Tokyo a capitulé après les frappes nucléaires américaines sur Hiroshima et Nagasaki, et qu’en conséquence le Japon a été occupé, a perdu irrévocablement une partie de sa souveraineté et de ses territoires, et est toujours astreint à suivre l’exemple de Washington au détriment de ses propres intérêts nationaux.
La Russie a pour habitude de résister aux assauts des «croisés occidentaux». À l’époque où les héritiers de Salâh Ad-Dîn Al-Ayyûbî continuaient à libérer la Palestine des ancêtres des européens d’aujourd’hui, le prince Alexandre Nevski de Novgorod battait avec succès les Allemands et les Suédois dans les pays baltes. Aujourd’hui, notre pays, avec ses associés, s’oppose à nouveau aux néo-colonisateurs occidentaux qui ont remplacé les slogans religieux par l’idéologie de la déshumanisation et du fascisme néolibéral.
Malgré toutes les difficultés et tous les défis, nous n’abandonnons pas nos alliés du monde entier, y compris en Afrique. Nous voyons les peuples du continent relever la tête, pour qui les véritables objectifs des pseudo-bienfaiteurs occidentaux sont devenus évidents. Nous partons du principe que nos amis soudanais sont capables de résoudre leurs désaccords sans ingérence extérieure afin de sauver l’État, de lancer un dialogue ouvert au sein du Soudan, de se sentir comme un peuple uni avec des intérêts nationaux communs et de remporter la victoire. Nous sommes prêts à contribuer par tous les moyens possibles à stabiliser la situation et à ramener la paix sur le sol soudanais.