Le scrutin se tiendra le 7 septembre, soit trois mois avant la date initialement prévue. Une façon de prendre de court les rivaux du président Abdelmadjid Tebboune ?
L’annonce est intervenue sans justification ni explication. Un bref communiqué publié jeudi 21 mars à l’issue d’une réunion présidée par le chef de l’Etat algérien, Abdelmadjid Tebboune, en présence du premier ministre, des chefs des deux chambres du Parlement, du chef d’état-major de l’armée et du président de la Cour constitutionnelle, comme pour insister sur le caractère collectif de la décision. « Il a été décidé la tenue d’une élection présidentielle anticipée, dont la date est fixée au samedi 7 septembre 2024. Le corps électoral sera convoqué le 8 juin 2024 », indique le texte.
Cette mesure, qui avance de trois mois la tenue du scrutin – initialement prévu en décembre –, a totalement surpris les observateurs à Alger. La vie politique étant pratiquement gelée et les médias contraints à la prudence pour survivre, c’est sur les réseaux sociaux que s’exprime cet étonnement. « Ma fhemna walou » (« nous n’avons rien compris »), pouvait-on lire dans un post sur Facebook, résumant la perplexité générale.
Le seul précédent d’une présidentielle anticipée en Algérie remonte à septembre 1998. Différence notable : le président Liamine Zeroual avait alors pris soin de préciser qu’il ne serait pas candidat. Rien de tel dans le communiqué laconique publié jeudi, même si Samir Larabi, universitaire et journaliste, s’est risqué à faire le parallèle dans un post sur Facebook : « Nous n’avons pas de boule de cristal, mais telles que les choses se présentent, A. Tebboune ne sera pas candidat. »
Mais, pour beaucoup, affirmer que le chef de l’Etat ne briguera pas un second mandat, c’est aller un peu vite en besogne. Même si elle laisse perplexe, la décision d’avancer la tenue de la présidentielle n’est pas contraire à la Constitution, laquelle dispose en son article 91 que le président « peut décider d’organiser une élection présidentielle anticipée ». La question ne se pose pas au plan du droit, mais au niveau politique. M. Tebboune est, de fait, en campagne depuis des mois et sa candidature ne semble pas sérieusement contestée au sein du régime. Le chef de l’armée, Saïd Chengriha, a même à plusieurs reprises ostensiblement affiché son appui au locataire actuel du palais d’El Mouradia.
Logique conservatrice
La vie politique a été réduite à néant par la répression systématique exercée depuis 2020 pour étouffer le Hirak. Et au sein du régime, aucune figure pouvant être préférée à M. Tebboune n’a émergé. Le régime algérien, dominé par l’armée, a tendance à reconduire le président en poste plutôt que de pousser au changement. Une logique conservatrice qui a pris un tour caricatural sous la présidence d’Abdelaziz Bouteflika, maintenu à la tête de l’Etat alors qu’il était manifestement incapable d’assumer la charge, ouvrant le champ à la contestation du Hirak.
Agé de 78 ans, M. Tebboune, qui a été hospitalisé pendant plusieurs mois en Allemagne après avoir contracté le Covid-19 fin 2020, occupe seul le terrain. L’unique candidature rivale annoncée jusqu’à présent est celle de Zoubida Assoul, avocate et dirigeante de l’Union pour le changement et le progrès (UCP), pour qui la politique de la chaise vide sert le pouvoir. Il lui faudra cependant réussir à collecter les signatures de 600 élus ou 75 000 citoyens. La décision d’anticiper l’élection va rendre cette tâche encore plus ardue pour tous les aspirants.
Une des analyses les plus en vogue sur les réseaux sociaux est que le but de la manœuvre est justement de prendre de court les potentiels candidats en ne leur laissant pas le temps de former leurs équipes de campagne – laquelle devra par ailleurs se dérouler durant le mois d’août, période de grande chaleur qui risque d’être dissuasive.Enfin, une dernière lecture suggérée avec prudence lie cette mesure à la perspective d’une visite en France de M. Tebboune, annoncée pour « fin septembre, début octobre ». Organiser une élection en décembre aurait eu pour conséquence d’avoir un président algérien en fin de mandat en visite officielle à Paris, avec le risque d’être accusé d’être allé chercher un « adoubement » en France. En avançant l’élection au 7 septembre, ce sera un président réélu que rencontrerait Emmanuel Macron. Si tant est que la rencontre ait lieu, disent certains, en référence aux rendez-vous déjà manqués entre les présidents algérien et français.