Au Mali, le week-end du 16-17 mars 2024 a été chargé sur le plan sécuritaire. Les jihadistes du Jnim ont attaqué samedi un camp militaire à Danderesso, région de Sikasso, dans le sud du pays. Ce groupe lié à al-Qaïda revendique la mort de 10 soldats maliens, tandis que l’armée malienne assure avoir repoussé l’attaque. Cette dernière affirme également avoir « neutralisé plusieurs terroristes » grâce à des frappes aériennes dans la nuit de samedi à dimanche à Amasrakad, région de Gao, dans le nord du pays. Mais selon les sources locales et sécuritaires jointes par RFI, ce sont des civils qui ont été tués. Le bilan de ces frappes de drone sur Amasrakad a été revu à la hausse avec 14 civils tués après qu’une femme enceinte, rescapée, a perdu son bébé lundi 18 mars.
C’est une caserne de la gendarmerie malienne qui a été attaquée tôt samedi matin par les jihadistes à Danderesso, à une trentaine de kilomètres de Sikasso. Dimanche, le Jnim a revendiqué avoir tué 10 militaires au cours de cette attaque et récupéré une grande quantité d’armes, d’équipements et de véhicules.
Cette revendication, images à l’appui, vient contredire la version officielle de l’armée, qui avait assuré samedi dans un communiqué avoir mené une « riposte vigoureuse », avec l’appui de l’armée burkinabè, et que les « rescapés terroristes » avaient dû se replier en direction de la frontière.
Dans ce même communiqué, l’armée malienne évoquait deux autres attaques terroristes, également menées samedi matin, dans le sud du pays. L’une contre un poste de douanes à Banankoro, à moins de 30km de Bamako, au cours de laquelle « un personnel civil » aurait été blessé, l’autre contre une position militaire à Mahou, région de Koutiala. Là encore, l’armée affirme avoir contraint les jihadistes au repli et en avoir « neutralisé » plusieurs, sans préciser de nombre.
Le Jnim n’a pas communiqué sur ces deux attaques.
Frappes de drone à Amasrakad
Dans le Nord, cette fois, la ville de Gao a été ciblée par trois tirs de roquette samedi soir. Deux sont tombées sur l’aéroport, une autre dans un quartier de la ville. Aucune victime selon le communiqué de l’armée publié dimanche, ce que confirment les sources locales jointes par RFI. L’un des obus a déclenché un incendie rapidement maîtrisé. Les dégâts matériels sont « en cours d’évaluation », précise l’armée. Le Jnim a revendiqué ces tirs.
Enfin, l’armée malienne indique avoir mené des frappes dans la région de Gao, à Amasine et Amasrakad, sans préciser quel type de « vecteurs aériens » ont été utilisés. De source locale, il s’agit de frappes de drone, réalisées dans la nuit de samedi à dimanche. « Ces opérations ont permis de neutraliser plusieurs terroristes », affirme l’état-major de l’armée malienne.
Mais, selon les sources locales jointes par RFI – des sources civiles, communautaires, ainsi que des sources liées aux groupes rebelles du CSP (Cadre stratégique permanent) – ce sont des civils qui ont été tués à Amasrakad, à 125 kilomètres au nord-est de Gao. Quatorze personnes précisément, très majoritairement des femmes et des enfants de la communauté touareg chamanamas [1]. Ces sources dénoncent un « massacre » et une énième bavure de l’armée. Plusieurs blessés ont été évacués vers Gao.
« Amasrakad est une zone de concentration des groupes extrémistes », rappelle un habitant de Gao qui connaît bien la zone; « Beaucoup de choses se passent là-bas, il est difficile de faire la différence entre le vrai et faux. »
Erreur de ciblage
Sollicitée par RFI à ce sujet, l’armée n’a pas donné suite mais une source sécuritaire malienne à Bamako confirme : « Ce sont des civils, sans aucun doute. » Et de justifier : « Malheureusement, les utilisateurs des drones sont loin des théâtres des opérations. » En clair, il s’agirait d’une erreur de ciblage.
Ce qui n’a pas empêché la diffusion d’images de ces frappes sur la télévision d’État ORTM, accompagnées de commentaires triomphalistes vantant l’armée et son « distributeur de tickets pour l’au-delà ».