En Guinée, la presse privée est en pleine déliquescence. Depuis plus de deux mois, plusieurs radios et télés ont vu leurs ondes brouillées ou leur antenne tout simplement suspendue. Cette situation, qui perdure, pousse déjà des groupes de presse à mettre leur personnel au chômage technique.
Après deux mois de restrictions d’accès aux réseaux sociaux et l’arrestation, la semaine dernière, du secrétaire général du Syndicat des professionnels de presse (SPPG) pour avoir appelé à manifester, plusieurs médias risquent de mettre la clé sous la porte et dénoncent une censure orchestrée par les autorités de transition.
Figure emblématique de la presse guinéenne et fondateur d’Hadafo Médias, le plus ancien groupe audiovisuel du pays, le journaliste Lamine Guirassy n’échappe pas pour autant au brouillage de ses radios et à la suspension de sa chaîne télé.
Avant de se généraliser, la perturbation visait uniquement l’émission phare de la radio Espace FM Les Grandes Gueules. Désormais, la radio n’occupe plus sa fréquence FM. À la place, c’est une chanson de propagande datant de la Première République qui tourne en boucle.
« C’est de la musique pour rendre hommage à l’armée guinéenne, pour combattre les traîtres. C’est une chanson de Bembeya Jazz National en fait, que Demba a chantée dans les années 1970 pour faire allusion un petit peu à l’agression de 1970 en Guinée, je pense. C’est la chanson qui passe en boucle sur la fréquence. Nous, c’est la deuxième fois qu’on assiste à une transition, après Konaté, après Dadis. Au temps d’Alpha, on a tellement dénoncé, on a tellement critiqué, mais jamais Alpha n’est allé à ce point-là, à demander aux opérateurs d’occulter des chaînes ou à brouiller les fréquences. Jamais il ne l’a fait. Ce qui est en train de se passer, c’est inédit. C’est tellement grave que c’est juste incroyable », s’insurge Lamine Guirassy.
Le Groupe Fréquence Media a dénoncé des pratiques similaires sur ses antennes. Son patron et homme d’affaires, Antonio Souaré, est dans le viseur des autorités depuis l’arrivée de la junte du CNRD, en 2021.
Plusieurs rédactions sont aujourd’hui au chômage technique. Pour Lamine Guirassy, les pertes se comptent en milliards de francs guinéens. « L’idée est de faire taire toute voix dissonante ! », résume-t-il.