Pour aller de l’avant, le gouvernement éthiopien doit faire face à l’héritage de violations et d’abus des droits humains dans le pays en se fondant sur le droit international, selon un nouveau rapport conjoint du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) et de la Commission éthiopienne des droits de l’homme publié ce jeudi.
Le document appelle aussi à se concentrer systématiquement sur les droits et les besoins des victimes ainsi que de leurs familles.
Long de 90 pages et rédigé en anglais, le rapport présente les résultats de 15 consultations communautaires tenues de juillet 2022 à mars 2023. Elles ont rassemblé plus de 800 participants, dont 319 femmes, dans les régions d’Afar, Amhara, Harari, Oromia, Somali et du Tigré, ainsi que dans la ville de Dire Dawa.
Parmi les participants figuraient des victimes, des personnes déplacées, des personnes en situation de handicap, des chefs traditionnels et religieux ainsi que des organisations locales de la société civile.
Développer une politique nationale de justice transitionnelle
« Je salue les mesures concrètes prises par l’Éthiopie pour développer une politique nationale de justice transitionnelle conforme à l’accord de cessation des hostilités », a réagi le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk.
« Il est crucial que ces efforts soient holistiques et conformes aux normes et standards internationaux en matière de droits humains, en plaçant au premier plan les victimes et les populations affectées, en particulier les femmes et les filles », a-t-il ajouté.
Les conclusions du rapport mettent en évidence un large consensus parmi les participants sur la nécessité de mettre en œuvre toutes les composantes de la justice transitionnelle. Celles-ci englobent la responsabilité pénale, la recherche de la vérité, les réparations et les garanties de non-répétition, y compris des recours efficaces pour les victimes, les réformes juridiques et la réconciliation.
Briser le cycle de la violence et de l’impunité
Les participants ont convenu que pour que l’Éthiopie puisse briser le cycle de la violence et de l’impunité, il est essentiel que les processus de justice transitionnelle en cours impliquent la responsabilité pénale, y compris pour d’éventuels crimes de droit international, qui ne peuvent faire l’objet d’une amnistie.
La résolution pacifique des conflits et de la violence en cours ainsi que des solutions durables pour les personnes déplacées à l’intérieur du pays, en particulier leur retour sûr, volontaire et digne dans leurs foyers, ont également été considérées comme une priorité pour mener l’Éthiopie vers la paix, la responsabilité et la réconciliation.
La plupart des participants ont souligné qu’ils étaient prêts à contribuer de manière significative au processus de justice transitionnelle, notamment en s’engageant auprès des institutions compétentes, à la condition qu’elles soient indépendantes, compétentes et qu’elles fonctionnent sans influence ni contrôle politique. Ils ont aussi exposé leur point de vue sur une possible architecture institutionnelle pour diriger les initiatives de justice transitionnelle.
Le rapport intervient deux ans après les conclusions de l’enquête conjointe dans la région du Tigré par le HCDH et la Commission éthiopienne des droits de l’homme. Publiée en novembre 2021, celle-ci recommandait, entre autres mesures, l’adoption d’une justice transitionnelle fondée sur les droits de l’homme, holistique et centrée sur les victimes.
31 recommandations aux parties aux prenantes
Le rapport formule 31 recommandations à diverses parties prenantes, notamment au gouvernement éthiopien et au Groupe de travail d’experts sur la justice transitionnelle, pour qu’elles les prennent en considération dans la conception et la mise en œuvre d’une politique de justice transitionnelle.
Les organisations de la société civile, les chefs religieux et traditionnels, les partis politiques, les médias, les partenaires de développement et la communauté internationale font également partie des acteurs identifiés ayant des rôles clés à jouer dans le processus de justice transitionnelle.
« Les États ont le devoir d’enquêter et de poursuivre en justice les violations flagrantes des droits de l’homme et les violations graves du droit international humanitaire, y compris celles qui constituent des crimes au regard du droit international. Ceux qui ont été victimes de violations ou d’abus ont droit à la justice, y compris à des réparations adéquates, complètes, rapides et efficaces », a souligné le Haut-Commissaire.