De retour sur le continent africain après près de cinq ans d’exil, l’ancien Premier ministre ivoirien Guillaume Soro, condamné à perpétuité dans son pays natal, a rencontré lundi à Niamey le général Abdourahamane Tiani arrivé au pouvoir par un coup d’État en juillet.
M. Soro avait déclaré dimanche soir mettre fin à son “exil” qui l’avait conduit ces dernières années en France, en Belgique et à Dubaï notamment, indiquant qu’il lui était “pénible de vivre loin” de sa “terre ancestrale et natale d’Afrique”.
“J’ai eu l’honneur d’être reçu ce jour en audience par le président de la transition du Niger, chef de l’État, le général Abdourahamane Tiani, accompagné du général Salifou Mody, ministre de la Défense, et du général Mohamed Toumba, ministre de l’Intérieur”, a-t-il déclaré sur son compte X (ex-Twitter).
“L’entretien qui a duré une heure et demie a été exceptionnel par la qualité et la profondeur des échanges”, a-t-il poursuivi.
“Il a fallu que ce soit un gouvernement militaire au Niger qui me permette de fouler ma terre chérie ancestrale d’Afrique”, a-t-il ajouté à l’issue de l’entretien, selon une déclaration diffusée sur la télévision nationale nigérienne. Plus tôt dans la matinée, M. Soro avait annoncé se trouver à Niamey depuis samedi.
Pour son retour sur le continent africain, il n’est pas rentré directement dans son pays natal où il est sous le coup d’une condamnation à perpétuité. Il a choisi le Niger, pays qui entretient des relations tendues avec la Côte d’Ivoire depuis le coup d’État militaire du 26 juillet qui a renversé Mohamed Bazoum et porté le général Tiani au pouvoir.
Dans les semaines qui ont suivi le putsch, le président ivoirien Alassane Ouattara faisait partie des voix ouest-africaines les plus déterminées en faveur de sanctions économiques et d’une intervention militaire pour rétablir Mohamed Bazoum dans ses fonctions.
Le président Ouattara, qui a assisté à un sommet Arabie Saoudite-Afrique à Ryad, y avait rencontré vendredi le Premier ministre nigérien nommé par les militaires, Ali Mahamane Lamine Zeine. Contacté par l’AFP, le porte-parole du gouvernement ivoirien Amadou Coulibaly n’a pas souhaité faire de commentaire sur la réunion entre MM. Soro et Tiani.
“Il y a une sorte de nouvelle configuration géopolitique dans la sous-région avec trois juntes (Burkina, Mali, Niger) qui voient Abidjan comme un adversaire. Guillaume Soro se rapproche géographiquement de la Côte d’Ivoire et pourra manœuvrer dans ces pays en relative sécurité”, estime l’analyste politique ivoirien Arthur Banga.
“L’adage est bien connu, l’ennemi de mon ennemi est mon ami. Soro choisit le Niger parce qu’il sait que les relations actuelles entre Abidjan et Niamey sont exécrables”, abonde Geoffroy Kouao, également analyste politique à Abidjan.
Chef de la rébellion qui contrôlait la moitié nord du pays dans les années 2000, Guillaume Soro avait aidé militairement Alassane Ouattara à accéder au pouvoir lors de la crise post-électorale de 2010-2011 face au président sortant Laurent Gbagbo, qui refusait d’admettre sa défaite.
Il était alors devenu le premier chef du gouvernement de M. Ouattara, puis président de l’Assemblée nationale en 2012, avant une rupture début 2019 en raison, selon plusieurs observateurs, des ambitions présidentielles de M. Soro.
Il a été condamné en 2020 en son absence à 20 ans de prison pour “recel de détournement de deniers publics” en Côte d’Ivoire, puis à perpétuité un an plus tard pour “atteinte à la sûreté de l’État”, accusé d’avoir fomenté une “insurrection civile et militaire” visant à renverser le régime de M. Ouattara en 2019. Son appel avait été jugé irrecevable.
Guillaume Soro était déjà sorti du silence en mai dernier, affirmant qu’aucune raison ne l’empêchait d’être candidat à la prochaine élection présidentielle, prévue en 2025 en Côte d’Ivoire.
Son mouvement politique, Générations et peuples solidaires (GPS) a été dissout en Côte d’Ivoire en juin 2021.