De la répression du journalisme indépendant à la veille des élections en République démocratique du Congo

De la répression du journalisme indépendant à la veille des élections en République démocratique du Congo

En République démocratique du Congo, la pression sur les journalistes augmente de plus en plus à la veille des élections générales qui doivent avoir lieu le 20 décembre prochain. En cette période préélectorale, des journalistes sont menacés, arrêtés et incarcérés. Des opposants sont aussi réprimés.

L’arrestation et détention le 8 septembre dernier de Stanis Bujakera, correspondant à Kinshasa du magazine Jeune Afrique et collaborateur de Reuters, alimente les débats.

L’arrestation de Stanis Bujakera est politique et signifie que le régime en place donne un avertissement à tous les journalistes professionnels et libres d’esprit”, analyse Steve Wembi, journaliste congolais très actif sur X -Twitter-, dans un entretien à la RTBF ce samedi.

Comme de nombreux confrères, Steve affirme avoir déjà été victime des menaces à grande échelle et a fait le choix de vivre et travailler en dehors du pays. “Aujourd’hui il est impossible pour un journaliste congolais de travailler en toute liberté. Il faut être un haut-parleur du régime pour vivre en liberté”, affirme Steve Wembi qui se souvient de l’après-midi du 24 octobre de l’année dernière où il a échappé à ” un enlèvement ” par des forces de l’ordre, son épouse, sa mère et son chauffeur avaient été brièvement interpellés.
“De vives inquiétudes”

En juillet, l’organisation Journaliste en Danger (JED) a exprimé ses “très vives inquiétudes face à la montée des actes d’intolérance et de violence physique à l’encontre des journalistes par des militants politiques”.

Une dizaine de médias en ont été victimes au cours du premier semestre de l’année et même les états généraux de la communication et des médias tenus début 2022, n’ont pas amélioré les choses malgré les promesses du président Félix Tshisekedi.

Dans un entretien avec la presse jeudi à Kinshasa, Tshivis Tshivuadi, secrétaire général JED a estimé que “la situation de la liberté de la presse dans notre pays, ne s’est pas du tout améliorée depuis la fin des états généraux de la presse il y a une année. Ces assises présidées par le chef de l’État lui-même, avaient fondé l’espoir légitime pour nous les professionnels, que ça allait ouvrir une nouvelle ère pour la liberté de la presse dans notre pays”.

Et une nouvelle loi sur le numérique promulguée en mars dernier met des journalistes actifs sur les réseaux sociaux face à une autocensure suite à son caractère ” de plus en plus répressif “.

Stanis Bujakera risque quant à lui jusqu’à dix ans de prison pour des accusations de ” propagation des faux bruits, diffusion des fausses informations, faux en écriture et falsification des sceaux de l’État” à la suite d’un article non signé publié sur Jeune Afrique, qui parle des responsabilités des services de sécurité dans l’assassinat de Chérubin Okende, ancien ministre des transports et opposant proche de Moise Katumbi.

“Notre réponse doit être proportionnelle à la menace qu’on fait peser sur notre travail “, clame pour sa part Israël Mutala, président de l’association des Médias en Ligne de la RDC.

“On espère que son procès n’aboutira pas à une condamnation”, souhaite pour sa part Reporters Sans Frontières à travers Arnaud Froger, son chef des enquêtes dans une conférence de presse tenue jeudi à Kinshasa.

RSF s’est adressé aux 24 candidats retenus par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) pour la présidentielle de décembre. Ces candidats sont appelés à prendre des engagements pour garantir la liberté de la presse.

“Attaqués, intimidés et arbitrairement arrêtés, les journalistes congolais subissent de fortes pressions de toutes parts. Cela doit changer”, dit Antoine Bernard, Directeur Plaidoyer et assistance de RSF repris sur le site web de l’Organisation.

Pour le gouvernement congolais, la liberté de la presse demeure garantie, mais face aux arrestations et incarcérations, on affirme laisser la justice faire son travail, sur base du principe de la “séparation des pouvoirs”.