Ethiopie: tirs d’artillerie depuis le site historique de Lalibela, selon des habitants

Ethiopie: tirs d’artillerie depuis le site historique de Lalibela, selon des habitants

L’artillerie de l’armée fédérale éthiopienne a tiré durant plusieurs heures mercredi soir depuis la ville de Lalibela, site historique et religieux, vers des zones forestières des faubourgs supposées abriter des miliciens hostiles au pouvoir fédéral, ont rapporté jeudi des habitants.

L’Etat régional septentrional de l’Amhara, où se trouve Lalibela, est le théâtre depuis avril de combats entre armée fédérale et Fano, des milices identitaires “d’autodéfense”. L’état d’urgence y a été instauré en août.

Site inscrit au Patrimoine mondial par l’Unesco pour ses églises taillées dans la roche, Lalibela était sous tension jeudi, ont raconté à l’AFP des habitants calfeutrés chez eux, alors que les soldats fédéraux cherchent et arrêtent ceux soupçonnés de soutenir les Fano.

Mercredi soir, jusque dans la nuit, “de puissants tirs d’artillerie ont été entendus depuis l’intérieur de la ville en direction des faubourgs de Lalibela, où les Fano sont présumés se trouver, dans des zones forestières”, a déclaré par téléphone Ayalew, employé du secteur touristique, qui n’a pas voulu donner son nom complet.

“Je suis chez moi actuellement”, les militaires “font du porte-à-porte, à la recherche de jeunes possibles soutiens des Fano”, a-t-il ajouté, indiquant entendre des coups de feu sporadiques.

Mercredi soir, le son de l’artillerie “était très fort, on l’a entendu toute la nuit, la maison vibrait”, a confirmé Aneley, conducteur de Tuk-Tuk – tricycle motorisé -, souhaitant aussi n’être identifié que par son prénom.

“Nous sommes tous chez nous” car les militaires éthiopiens “arrêtent tout jeune trouvé dehors”, a-t-il ajouté.

Selon un commerçant de 38 ans ayant requis l’anonymat, “Lalibela est calme désormais, mais la tension et la peur règnent” car les militaires “frappent” et “volent (…) les habitants trouvés dans la rue”.

Il a fait état de nombreuses arrestations ces derniers jours en ville, où internet est coupé depuis des semaines.

“Il y a des policiers fédéraux et municipaux mais c’est l’armée fédérale qui s’occupe essentiellement de faire régner l’ordre à Lalibela”, selon lui.

Les tensions en Amhara – deuxième région la plus peuplée d’Ethiopie – ont commencé quand le Premier ministre Abiy Ahmed a annoncé en avril le démantèlement des “forces spéciales”, unités paramilitaires créées illégalement par de nombreux Etats régionaux depuis une quinzaine d’années.

En Amhara, cette annonce, vue comme une volonté d’affaiblir la région, a ajouté au ressentiment né de l’accord ayant mis fin en novembre 2022 à deux ans de conflit dans la région du Tigré voisin, durant lequel “forces spéciales” amhara et Fano ont prêté main-forte au gouvernement fédéral.

Ces forces amhara occupent depuis le Tigré occidental, décrites comme des “terres ancestrales amhara”, mais dont l’accord de paix prévoit le retour au sein de l’Etat régional du Tigré.