“Aucune déprogrammation d’artiste” du Niger, du Mali et du Burkina Faso n’a été demandée, a fait savoir, jeudi, le gouvernement français. Les syndicats des professionnels de la culture avaient déclaré, la veille, avoir reçu une note des directions régionales de la culture en France, demandant la suspension de “tous les projets de coopération qui sont menés (…) avec des institutions ou des ressortissants de ces trois pays”.
Le gouvernement français a assuré dans la soirée du jeudi 14 septembre n’avoir demandé “aucune déprogrammation d’artiste” du Niger, du Mali et du Burkina Faso, face à l’émoi suscité par une note de l’administration faisant craindre une suspension de tous échanges culturels avec ces pays.
Les professionnels de la culture ont tiré le signal d’alarme, via le Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac) et ses homologues, l’Aac, l’Accn, l’A-CDCN, l’ACDN et l’ASN.
En cause, un message qu’ils disent avoir reçu la veille des directions régionales de la culture (Drac). Celles-ci représentent le ministère de la Culture et sont chargées de conduire la politique culturelle de l’État dans les régions et les départements.
Ce message, “rédigé sur instruction du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères” selon les syndicats, et que l’AFP a pu consulter, énonce que “tous les projets de coopération qui sont menés (…) avec des institutions ou des ressortissants de ces trois pays doivent être suspendus, sans délai, et sans aucune exception”.
“Tous les soutiens financiers doivent également être suspendus, y compris via des structures françaises, comme des associations par exemple. De la même manière, aucune invitation de tout ressortissant de ces pays ne doit être lancée”, poursuit le message.
Ce message a été “relayé par toutes les Drac”, a précisé à l’AFP un responsable de celle d’Occitanie, interrogé par téléphone.
Indignation des acteurs culturels et de la gauche
De quoi susciter la colère des acteurs culturels : “Cette interdiction totale concernant trois pays traversés par des crises en effet très graves n’a évidemment aucun sens d’un point de vue artistique et constitue une erreur majeure d’un point de vue politique. C’est tout le contraire qu’il convient de faire”, a cinglé le Syndeac dans un communiqué.
“Cette politique de l’interdiction de la circulation des artistes et de leurs œuvres n’a jamais prévalu dans aucune autre crise internationale, des plus récentes avec la Russie, aux plus anciennes et durables, avec la Chine”, a-t-il ajouté.
À gauche, plusieurs responsables se sont indignés.
“Les artistes sont l’expression de la liberté. Cette décision du Quai d’Orsay d’interdire de programmer en France les artistes du Niger, Mali et Burkina Faso, est absurde. En quoi sont-ils responsables des coups d’État dans leurs pays ?”, a déclaré le patron du Parti socialiste, Olivier Faure.
“Faire taire la culture, condamner au silence les artistes, comme s’ils étaient responsables des conflits internes ou entre pays est une erreur grave”, ont déclaré les élus communistes et ultramarins dans un communiqué. Jean-Luc Mélenchon, lui, a moqué le “ministère de l’inquisition culturelle”.
“Raisons de sécurité”
Mis en cause, les services de la ministre Rima Abdul-Malak se sont employés à déminer le terrain jeudi soir, soulignant qu’il n’était pas question de déprogrammer d’artistes, mais de tirer les conséquences de la suspension des délivrances de visa à Niamey, Ouagadougou et Bamako “pour raisons de sécurité”, qui frappe tous les ressortissants et non les seuls artistes.
Ces mêmes raisons ont entraîné également la suspension de “la mise en œuvre dans ces pays de nos actions de coopération culturelle”, a rappelé le ministère.
Interrogé par l’AFP, le ministère a assuré n’avoir demandé “aucune déprogrammation d’artistes, de quelque nationalité que ce soit”.
“Cette décision n’affecte pas les personnes qui seraient titulaires de visas délivrés avant cette date ou qui résident en France ou dans d’autres pays”, a-t-il ajouté.
“La sphère culturelle est impactée comme les autres par la fermeture des services consulaires et de sécurité”, a précisé à l’AFP une source proche du dossier.
La France a interrompu le 29 juillet avec le Niger et le 6 août avec le Burkina Faso toutes ses actions d’aide au développement et d’appui budgétaire. En novembre 2022, elle l’avait déjà fait pour le Mali.