Immensément vaste et relativement encore peu peuplé, le Sahel reste perçu comme une région bien connue. Cependant, depuis plus d’une décennie, cette région ne cesse de surprendre par les multiples mutations et diverses brutalités qui y prirent naissance s’y développent et s’y disséminent. Les atrocités de la décennie en cours ne peuvent qu’être dopées par celles qui présentement explosent et se répandent au Soudan depuis le 15 avril 2023. Après le Mali, le Burkina Faso et la Guinée, le Niger, dernier venu sur cette scène de mutations, aggravera – t-il la situation entrainant, par effet d’imitation, un ou d’autres pays ?
Avec la dégradation continue de l’environnement, les changements climatiques dopent l’insécurité au sein d’un monde rural en plein bouleversement. Eleveurs et paysans en sont doublement victimes. Leurs traditionnels antagonismes meurtriers, jadis liés aux cours des saisons mais désormais exploités par les groupes terroristes, enracinent davantage l’insécurité et la crise économique dans la région. Acceptés ou décriés, les concours extérieurs demeurent cependant indispensables au retour à la stabilité.
L’Alliance pour le Sahel.
Dans le présent contexte de nouvelle guerre froide, lié à la guerre chaude en Ukraine, les interventions de la communauté internationale pourraient – elles être coordonnées afin d’en assurer l’efficacité dans le Sahel lui aussi en guerre?
Sur ce plan, l’Alliance pour le Sahel qui s’est récemment réunie à Nouakchott, sous une présidence Allemande – bien acceptée par toutes les parties – devrait aider à garantir cohérence et bons résultats. Dans les pays en crise, la cohérence des actions des partenaires extérieurs renforce l’efficacité de leurs programmes. De fait, des approches harmonieuses, à moyen et long terme, restent souhaitables car leur efficacité, contrairement aux interventions ponctuelles, est plus avérée. ‘’L’assurance n’est chère qu’avant l’accident’’.
Pour ses partenaires, l’Alliance du Sahel était cette assurance lors de son lancement en 2017 par des états européens dont l’Allemagne, la Belgique, la France, l’Italie, l’Espagne plus le Royaume Uni, le Canada, les Etats Unis et des institutions telles la BEI, la BM, la BAD, le PNUD.
Son programme et ses objectifs répondent aux priorités d’un Sahel affecté par de multiples crises qui sont à la base des diverses insécurités que la région vit depuis la décennie passée. Ce programme inclue l’éducation et l’emploi des jeunes, les questions d’énergie et du climat. Les politiques pour les zones les plus fragiles constituaient la base des 1200 projets valant 26.5 Mds d’Euros.
Un Sahel déstabilisé par ses structures administratives qui ne cessent de s’affaiblir dans l’indifférence de tous y compris de ses partenaires extérieurs. Ces derniers sont eux-mêmes soumis à des chantages d’une autre époque. Très souvent condamnés au silence sous peine d’être accusés de ‘’velléités colonialistes.’’ Les déficits des services publics, particulièrement en ressources humaines qualifiées, sont tels que, devenus la règle, les gouvernements nationaux ne peuvent les reconnaitre et donc l’admettre pour y trouver des remèdes. De leur côté les partenaires extérieurs se voient contraints de faire l’impasse sur ce point, essentiel à la sécurité et au développement, mais dit de gouvernance et de souveraineté nationale soit le ‘’domaine réservé’’ des Présidents.
Renouveau des effets d’imitations.
Les coups d’états se multiplient au Sahel par effet d’imitation disent certains observateurs or la recherche d’une voie de sortie pensent d’autres. Mais sans doute aussi comme conséquences logiques des mauvaises gouvernances. Qui, elles se multiplient et s’affirment au nom de la souveraineté nationale pour éviter toute condamnation extérieure.
Avec cette standardisation des mauvaises gestions, les guerres civiles, les commerces illicites, dont les trafics en particulier de drogues venant d’Amérique Latine et destinées aux marchés européens et moyen orientaux, prospèrent. Les flux migratoires, toujours vers l’Europe et les ventes massives d’or vers le Moyen orient, explosent pour le bonheur de fonctionnaires locaux sous-payés et qui assistent à la corruption impunie de leurs supérieurs. La régénération continue et le renforcement constant de ces trafics restent inséparables. Ils consolident les mouvements terroristes soit in fine la fragilisation d’états de plus en plus ‘’retribalisés.’’ Plus récemment, face à cette ‘’retribalisation’’ qui revigore la généralisation des délits financiers et ‘’une corruption glorieuse’’, les terroristes sont de plus en plus perçus en justiciers et moins rejetés qu’auparavant.
C’est à ce niveau que se situe la tragédie de la région. C’est à ce niveau aussi que se trouvent les vraies origines des afflictions que vivent le Mali, le Burkina Faso et le Soudan. Avec le Niger, dernier régime à tomber ce 26 juillet, d’autres états se trouvent sur la liste d’attente. Leurs économies, plus patrimoniales que jamais et plus informelles que par le passé, génèrent moins de revenus pour les citoyens et pour les états.
De surcroit, la coopération avec les démocraties, boucs émissaires de premier choix, en pâtissent. Au Sahel, plus que dans les ex colonies européennes d’Asie et d’Amérique latine, les ex métropoles continuent d’être présentées comme l’unique cause des divers déboires des pays. Plus de soixante ans après les indépendances, soit plus que la durée de la colonisation elle-même, l’argument reste de mode!
Pendant ce temps de rhétorique gouvernementale, et pour prouver, eux, leurs capacités d’adaptation aux changements sur le terrain, les djihadistes, se réorganisent. Ainsi au Mali, un nouveau groupe dénommé ‘’Wahdat Al – Mouslimine,’’ ou l’Union des Musulmans, s’est-il signalé sur les réseaux sociaux. Il demande l’arrêt sans délai des conflits au Sahel entre le JNIM (lié à AlQaeda) et l’EI, lié à Daesh) ‘’afin de préserver le sang des musulmans ordinaires et de réaliser leur unité et leur guérison.’’ L’appel déclare vouloir assurer l’unité des deux entités pour la ‘’lutte contre le front commun établi par les gouvernements avec les Groupes – Dozos, Volontaires de la Paix et Wagner’’. En d’autres termes, les terroristes sont appelés à unifier leurs efforts contre les armées des pays et à cesser les combats entre eux. Cet appel, qui reste à authentifier, vise à organiser un front uni des diverses rebellions pour tirer avantage des vides militaire, économique et diplomatique liés aux retraits des troupes françaises et onusiennes des pays. Avec des dirigeants djihadistes optant pour plus de pragmatisme sur le terrain, la portée de cet appel sera déterminante.
Dans un Sahel toujours plus incertain et où le changement climatique affecte élevage et agriculture, bases de revenus des populations, et où l’urbanisation explose et la corruption siphonne les revenus de l’Etat, les migrations vers l’Europe devraient progresser. Les tensions et crises entre les deux régions devraient s’en suivre. Pour le plus grand bonheur des mouvements violents terroristes mais pas qu’eux.
In fine, In fine, l’Alliance pour le Sahel et d’autres programmes de coopération restent nécessaires et devraient se poursuivre. Plus qu’une simple continuité, le renforcement des relations Sahel – Union Européenne, demeure essentiel pour toutes les parties. Et au-delà, pour bien d’autres états.
Combattre la corruption qui détruit la crédibilité des états et la confiance des peuples en leurs Leaderships est essentiel autant que la condamnation de coups d’états ou des élections truquées, une autre forme de putsch.