Alors que les États-Unis ont décidé de suspendre leurs financements en faveur du Niger, le projet de route entre le pays et le Bénin, qui devait faciliter l’accès des marchandises nigériennes au marché international et fluidifier les importations, est remis en question.
Acteur majeur de la diplomatie économique américaine sur le continent, le Millenium Challenge Corporation (MCC) a annoncé suspendre ses financements au profit du Niger, en raison de « la destitution du gouvernement démocratiquement élu ». La décision de l’agence publique américaine compromet le développement du corridor routier Niamey-Cotonou.
En septembre 2022, l’organisme américain avait approuvé son premier Compact (« accord de don ») régional à destination du Niger et du Bénin. D’un montant de 504 millions de dollars, ce don visait à « réduire les coûts du transport dans le corridor allant du port de Cotonou, au Bénin, à Niamey, la capitale du Niger ».
« Une manne financière perdue »
Dans le cadre de ce pacte régional, le Niger devait bénéficier de 302 millions de dollars, contre 202 millions de dollars pour le Bénin. Les deux pays s’étaient également engagés à mobiliser 15 millions de dollars chacun pour renforcer le commerce régional et ainsi accélérer « la croissance économique inclusive dans la région à travers le corridor routier Niamey-Cotonou ».
Dévolue à la lutte contre la pauvreté dans les pays en développement, l’agence américaine ne reconnaît pas la légitimité des nouvelles autorités du Niger. « Le Millennium Challenge Corporation continue d’être sérieusement préoccupé par les actions de l’armée nigérienne contre le gouvernement démocratiquement élu du Niger, souligne l’agence dans un communiqué. Ces actions contredisent l’engagement du MCC envers la gouvernance démocratique et le respect de l’État de droit, principes qui sous-tendent les critères rigoureux de sélection de l’agence. »
Depuis 2006, le MCC a signé des programmes de subventions avec le gouvernement du Niger pour un total de plus de 750 millions de dollars. Ces programmes ont cherché à améliorer l’alphabétisation des femmes, à étendre l’irrigation, à réhabiliter les routes et à accroître la productivité agricole. « Une véritable manne financière devait arriver dans le pays – car l’Occident misait gros sur Niamey », analyse un économiste ouest-africain qui préfère conserver l’anonymat.
L’édification du barrage de Kandadji suspendue
Au lendemain du coup de force au Niger, des bailleurs bilatéraux, comme la France et les États-Unis, et multilatéraux, telles la Banque mondiale et l’Union européenne, ont annoncé la suspension de leur soutien financier à Niamey. « Le Niger est actuellement en très mauvaise posture car des projets stratégiques, publics et privés, seront rapidement à l’arrêt », poursuit notre interlocuteur.
Affaiblie par le blocus économique et financier imposé par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), la junte du général Tiani a vu le projet stratégique du barrage hydroélectrique de Kandadji suspendu. Le groupe de BTP chinois Gezhouba a affirmé, mi-août, être contraint d’arrêter l’ensemble de ses activités de construction pour « cas de force majeur ».
Situé dans la zone « des trois frontières », le barrage hydroélectrique de Kandadji, dont les coûts de construction s’élèvent à plus d’un milliard d’euros, aurait changé la donne en matière de sécurité alimentaire et énergétique dans le pays. Par ailleurs, le putsch des militaires compromet également l’entrée en service – prévue en octobre prochain – du pipeline entre le Niger et le Bénin. Opéré par la China National Petroleum Company (CNPC), il est censé multiplier par six la capacité d’exportation d’or noir de Niamey – qui est de 20 000 barils par jour actuellement – via le port de Seme, au Bénin.