Le coup d’Etat du 26 juillet au Niger pourrait influer sur les efforts consacrés à la lutte contre le djihadisme au Sahel.
Après l’annonce officielle hier soir à la télévision nationale du coup d’Etat au Niger par un groupe de militaires, des inquiétudes sont soulevées quant à la suite à donner à la lutte contre le djihadisme dans le Sahel.
Le Niger étant le dernier repli du dispositif militaire et logistique occidental déployé dans la zone Sahélo saharienne.
Bazoum, le dernier rempart des Occidentaux ?
Considéré comme un allié clé de l’Occident dans la lutte contre le djihadisme en Afrique de l’Ouest, le président déchu Mohamed Bazoum a peut-être été le dernier rempart pour sauvegarder la paix et la sécurité dans le Sahel.
Après la brouille entre la France, le Burkina Faso et le Mali, Mouhamed Bazoum avait accueilli les troupes et l’arsenal de guerre du pays colonisateur sur son territoire. Une partie des forces françaises de Barkane ont été redéployés au Niger.
Les soldats de l’opération Sabre indésirables au Burkina Faso ont été eux aussi redéployés au Niger.
Les Etats-Unis disposent d’une base militaire à Agadez, où sont déployés quelques 800 militaires pour des rotations de six mois. La 201 Air Base dispose d’un Centre de surveillance du Sahel et est équipée d’une importante flotte de drones.
Selon Seddik Abba, analyste politique, ce coup d’Etat au Niger peut constituer une “surprise” à plusieurs égards.
“Cela peut constituer une surprise compte tenu de la relative stabilité politique que le pays a affiché après l’élection du président et aussi des résultats plus réjouissants que le Niger a obtenus sur le plan sécuritaire”, a indique M. Abba.
“Par rapport à ses deux voisins que sont le Burkina et le Mali, le Niger a affiché une certaine résilience. Ces deux facteurs mis ensemble ne laissaient pas présager un coup d’Etat de sitôt au Niger et on peut considérer ça comme une relative surprise”, affirme-t-il.
Démocratiquement élu en mars 2021 avec 55,75% des voix à l’issue du second tour, Mohamed Bazoum, remportait ainsi une présidentielle qui marquait la première transition entre deux présidents élus au Niger. Ce pedigree ne pouvait faire de l’ancien président qu’un allié potentiel des Occidentaux.
D’ailleurs, le 16 mars 2023, il accueillait pour la première fois à Niamey un secrétaire d’Etat américain, en la personne d’Antony Blinken. Si bien que les échanges avaient porté sur la démocratie, la diplomatie et le développement, la menace terroriste était au cœur des échanges.
Quelle est la situation au Sahel ?
La situation sécuritaire s’est détériorée dans le Sahel avec plus d’un million de personnes civiles déplacées au Burkina Faso. La France, qui avait déployé ses soldats au Sahel dans le cadre de l’opération Serval depuis 2013, avait perdu 51 hommes en janvier 2021.
Ce départ s’est effectué dans un contexte de cvrises diplomatiques entre Paris et Bamako. Plus tard, le 17 février 2022, le président français Emmanuel Macron annonçait le retrait du Mali de Barkhane et Takuba.
Par la suite, le 16 mai 2022, le Mali annonce son retrait du G5 Sahel africain et de sa force militaire de lutte contre le terrorisme, en prostestation du refus qui lui est opposé d’assurer la présidence de cette organisation régionale.
Ce retrait semble quelque peu avoir paralysé le G5 Sahel qui regroupait le Mali, le Niger, le Burkina Faso, la Mauritanie et le Tchad, qui sont pour la plupart confrontés à la menace djihadiste et au crime organisé.
Applaudis à leur arrivée, les derniers soldats français de Barkhane ont quitté le Mali le lundi 15 août 2022 après neuf années d’opérations.
La MINUSMA sera aussi forcée à quitter le Mali après la fin de son mandat le 30 juin 2023, sur la demande des autorités maliennes.
Le ministre malien des affaires étrangères, Abdoulaye Diop, a accusé la mission de l’ONU de “faire de graves allégations qui nuisent à la paix, à la réconciliation et à la cohésion naturelle au Mali”.
En mai, l’ONU a publié un rapport affirmant que lors d’une opération anti-jihadiste dans le centre du Mali en mars 2022, les troupes de l’armée malienne et des mercenaires étrangers ont tué 500 civils.
A quoi peut-on s’attendre pour la lutte contre le djihadisme au Sahel, avec 3 régimes militaires au Mali, au Burkina et maintenant au Niger
Le Colonel Amadou Adramane a signalé à la télévision que leur décision est motivée par “la détérioration continue de la situation sécuritaire et à la mauvaise gouvernance économique et sociale.”
L’avènement des militaires à la tête du Mali et du Burkina Faso n’a pas mis fin aux attaques djihadistes sur leur sol, loin s’en faut.
Pour contenir celles-ci, le Mali a fait récemment l’objet d’accusations par Human Rights Watch d’atrocités commises par l’Armée malienne et des forces étrangères; ce que réfute Bamako.
Le Mali n’a toujours pas officiellement reconnu la présence du groupe Wagner aux côtés des Forces armées maliennes.
Au Burkina voisin, une campagne de circonscription pour intégrer le corps des Volontaires pour la défense de la patrie, a permis d’engager des dizaines de milliers de Burkinabè, mais les attaques continuent toujours avec leur corollaire de victimes et de déplacés.
Mohamed Maiga, ingénieur des politiques sociales et directeur du cabinet Aliber Conseil, estime qu'”après le coup d’Etat au Niger, il faut souligner d’abord que c’est la question sécuritaire qui fonde les coups de forces.”
Pour se projeter dans l’avenir au niveau de la région du Sahel avec déjà les trois régimes militaires en place au Burkina, au Mali et au Niger, le spécialiste des questions socio-politiques et sécuritaires explique qu’il faut s’attendre à quatre scénarios :
- Une militarisation forte de ces 3 pays. Comme dans le cas du Mali.
- Des logiques de partenariats nouvelles avec un refus de continuer certains accords, notamment sur la problématique sécuritaire.
- Une méfiance de l’occident et de la démocratie – un impact russe sur le Sahel.
- Des transitions politiques plus longues avec des révisions constitutionnelles (changement de régimes).