Dernier épisode de notre série consacrée aux influences russes en Afrique. Ce vendredi, nous nous intéressons aux influenceurs, comme Nathalie Yamb, Franklin Niamsy ou Kémi Seba. Des millions d’abonnés sur les réseaux sociaux où ils partagent leur haine contre l’Occident. Depuis quelques années, ces personnalités encensent aussi Moscou et sa politique de conquête menée en Afrique. Kemi Seba aurait même noué un partenariat avec le patron du groupe paramilitaire Wagner.
Kemi Seba aurait touché plus de 400 000 € de Prigojine pour renforcer son influence en Afrique. En avril 2023, sur Youtube, l’intéressé confirme un partenariat avec les Russes. « “Kemi Seba a travaillé avec Prigojine”… Je suis obligé de rigoler. Je l’ai dit devant des millions de gens en Afrique francophone en 2019 ou en 2020, je ne sais plus. Sans aucun tabou, il veut nous soutenir parce qu’ils savent qu’on a les mêmes adversaires. Pousser, faire reculer l’Occident. Si on veut parler avec Wagner, on parle avec Wagner si on veut parler avec la Russie, on parle avec la Russie. Il y a quoi ? »
En Afrique, ces dernières années, au fil des guerres et des coups d’État, des gouvernements pro-russes ont pris le pouvoir. En République centrafricaine, au Mali, les mercenaires de Wagner occupent aujourd’hui le terrain, demain peut-être au Burkina Faso. À Bobigny, ce jour-là, Kemi Seba assure même y avoir joué un rôle : « Vous avez vu qu’au Mali ça a bougé, on y a grandement contribué. »
Et menace directement les autres alliés de la France, comme le président ivoirien : « Bientôt Alassane Ouattara… » Ou encore celui du Sénégal : « bientôt Macky Sall. Je vais dans quelques jours en Russie. »
Ce lien que Moscou a noué avec Kemi Seba comme avec d’autres influenceurs, n’est pas le fruit du hasard. En Afrique, la stratégie de la conquête russe repose sur deux piliers portés par Evgueni Prigojine, la sécurité avec la milice armée Wagner et l’information, ou plutôt la désinformation. C’est là qu’interviennent ces influenceurs. En une dizaine d’années, ils ont réussi à convertir une partie de l’opinion africaine au bien-fondé de l’arrivée de Moscou dans le pré carré français.
« En Afrique de l’Ouest, les gens avaient cette image extrêmement péjorative de la Russie comme un pays où lorsqu’on a la peau noire, on risque sa vie. Et en l’espace de quelques années, l’image de la Russie a complètement changé », explique Kevin Limonier, spécialiste du cyberespace russophone.
« Les Russes sont venus se fixer sur un certain nombre de malaises de mal-être des sociétés africaines qu’ils ont réussi de manière strictement opportuniste à amplifier. Et c’est à partir de ce moment-là que l’on va avoir un certain nombre de personnes, des gens comme Kemi Seba qui vont surfer sur cette image positive que la Russie avait réussi à se construire sur les réseaux sociaux pour y rajouter du récit géopolitique, c’est-à-dire l’idée de dire que la Russie est la dernière grande puissance anticoloniale. C’est ça le récit tel qu’il a été construit. »