L’offensive n’a pas été revendiquée, mais tous les regards se tournent vers les djihadistes du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, déjà à l’origine d’une dizaine d’attaques dans le pays.
Le nord du Togo a été une nouvelle fois endeuillé suite à une attaque ayant provoqué la mort d’au moins douze militaires, lundi 17 juillet. Selon plusieurs médias, celle-ci serait survenue alors que les soldats des Forces de défense et de sécurité (FDS) circulaient vers midi à bord de six Jeep dans le village de Sankortchagou, situé dans la préfecture de Kpendjal, à une dizaine de kilomètres de la frontière avec le Burkina Faso. Les militaires auraient été pris en embuscade par des combattants lourdement armés. Des blessés graves, sans que leur nombre ne soit précisé, ont été évacués vers le centre hospitalier régional de Dapaong.
L’offensive n’a pas été revendiquée, mais tous les regards se tournent vers les djihadistes du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM). Depuis janvier, ce groupe, filiale d’Al-Qaïda au Sahel, a reconnu être à l’origine de dix attaques sur les quatorze qui ont été menées au Togo, les quatre dernières n’ayant pas été revendiquées et leurs auteurs jamais identifiés. Elles se sont toutes produites dans la région des Savanes et ont entraîné la mort de 64 personnes, selon Armed Conflict Location & Event Data Project (Acled), une ONG spécialisée dans le recueil d’informations et l’analyse de données dans les zones de conflit.
Le 17 novembre 2022, Sankortchagou avait été ciblé une première fois par le GSIM. Huit personnes (six militaires et deux assaillants) avaient alors été tuées. « Le GSIM avait revendiqué l’offensive et déclaré avoir récupéré trois fusils AK, dix chargeurs et sept motos », selon Acled.
Opération « Koundjoaré »
Pourtant, « Le Togo n’apparaît pas comme une cible prioritaire pour le GSIM, explique un expert ayant travaillé dans la région. Contrairement au nord du Bénin, abandonné par les autorités pendant plusieurs années, cette partie du Togo n’est pas un terreau favorable à l’extension des groupes djihadistes, car il y a assez peu de frustrations à exploiter et moins de tensions intercommunautaires. La frontière, qui ne fait qu’une centaine de kilomètres, est étroite et donc relativement simple à surveiller. Sur le plan sécuritaire, enfin, cette région du nord, d’où est originaire le président Faure Gnassingbè, est une priorité pour l’armée togolaise. »
La région bénéficie également du soutien de la communauté internationale. Les Etats-Unis ont annoncé le 10 juillet une contribution de 2,6 millions d’euros à un programme d’urgence lancé par les autorités. « Le gouvernement a déjà fait beaucoup d’efforts pour soutenir la région des Savanes grâce à différents programmes destinés aux populations locales, mais aussi en délocalisant certaines réunions interministérielles, par exemple, confirme une source locale. Le problème est qu’elle est faiblement peuplée et donc que la remontée du renseignement fonctionne assez mal malgré une forte présence militaire. »
Une observatrice etrangère explique par ailleurs que « le GSIM n’a pas intérêt à déstabiliser le nord du Togo qui se situe sur la voie d’écoulement des trafics. L’or, le bétail et la drogue, qui financent les groupes armés, transitent par la région des Savanes avant d’être acheminés vers le port de Lomé et d’être exportés. »
Depuis août 2022, le gouvernement et l’armée ne communiquent plus sur la situation sécuritaire dans le nord du pays. Mais dans une allocution télévisée donnée à l’occasion du 63e anniversaire de l’indépendance du Togo, le 28 avril, Faure Gnassingbè, président depuis 2005, a déclaré qu’environ 100 civils et 40 militaires avaient été tués depuis les premières attaques djihadistes, fin 2021. Le chef de l’Etat a également expliqué les stratégies mises en place pour lutter contre les groupes armés et livré quelques détails sur l’opération « Koundjoaré », commencée en septembre 2018 dans la région des Savanes. « Celle-ci avait d’abord une posture préventive, a expliqué Faure Gnassingbè. Elle a ensuite été défensive et maintenant, de temps en temps, nous sommes aussi à l’offensive. »
Des éleveurs peuls arrêtés
L’attaque de Sankortchagou ne semble toutefois pas être une riposte à une opération de l’armée. « Les offensives se produisent généralement dans des villages situés à une dizaine de kilomètres au sud de la frontière burkinabée. Les assaillants terrorisent les populations afin d’occuper une bande de territoire qui leur permettra de circuler librement du Bénin au Ghana, confiait au Monde Christian Eninam Trimua, porte-parole du gouvernement, en juillet 2022. Ils profitent aussi des attaques pour récupérer du bétail et de la nourriture. »
Selon plusieurs observateurs, l’attaque du 17 juillet pourrait être liée à la fermeture de couloirs de transhumance entre le Togo et le Burkina, en proie à des insurrections djihadistes, et aux arrestations massives d’éleveurs nomades, souvent issus de la communauté peule, comme un bon nombre de membres du GSIM. « L’hypothèse d’un coup de semonce décidé en conséquence de cette politique hostile aux éleveurs peuls semble pour l’heure la plus probable, estime l’expert régional. Mais elle pourrait aussi correspondre à un avertissement adressé au gouvernement togolais afin qu’il n’expulse pas de réfugiés burkinabés, comme l’a fait récemment le Ghana. »
Mi-juillet, plus de 500 citoyens du Burkina Faso, dont de nombreuses femmes avec leurs enfants, ont été refoulés du territoire ghanéen, provoquant l’inquiétude du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Près de 27 000 personnes, en majorité burkinabées, ont trouvé refuge au Togo ces dernières années.