Une haute responsable des Nations Unies a prévenu lundi le Conseil de sécurité que la situation sécuritaire dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) a continué de se détériorer au cours des trois derniers mois dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu, malgré une accalmie des affrontements armés entre les rebelles du M23 et les Forces armées de RDC (FARDC).
« Jusqu’à présent, le cessez-le-feu entre le M23 et les FARDC a relativement tenu et a contribué à certains gains de sécurité. Le calme relatif dans le territoire de Rutshuru, par exemple, a permis à plus de 45.000 personnes du groupe Bishusha de rentrer chez elles », a observé la Sous-Secrétaire générale des Nations Unies pour l’Afrique, Martha Pobee, lors d’une réunion du Conseil consacrée à la situation en RDC.
Elle a toutefois noté que le retrait du M23 des zones occupées a été « fragmentaire, tactique et politique », alors que groupe armé contrôle toujours une grande partie des territoires de Masisi et de Rutshuru ainsi que la circulation des personnes et des biens dans ces zones. De plus, son repositionnement offensif ces dernières semaines fait craindre que les hostilités ne reprennent à tout moment.
Désarmer le M23
Dans ce contexte, la haute responsable de l’ONU a salué les efforts des dirigeants régionaux pour amener les parties concernées à mettre en œuvre les décisions de la feuille de route de Luanda et du processus de Nairobi. Elle a réitéré la disponibilité de la Mission des Nations Unies en RDC, la MONUSCO, à accompagner les autorités congolaises dans le pré-cantonnement et le désarmement du M23.
À cette fin, elle s’est dit heureuse de noter que la semaine dernière, la MONUSCO, la Force régionale de la Communauté de l’Afrique de l’Est et le mécanisme conjoint de vérification élargi ont entrepris une mission de reconnaissance à la base de Rumangabo, afin d’évaluer les conditions du pré-cantonnement du M23. « Pour que ces efforts portent leurs fruits, il est urgent que le M23 se retire complètement des territoires occupés, dépose les armes sans condition et rejoigne le Programme de démobilisation, désarmement, relèvement et stabilisation communautaire », a-t-elle ajouté.
Martha Pobee a noté que les acquis sécuritaires relatifs au Nord-Kivu sont fragiles et éclipsés par la détérioration de la situation en Ituri. Cette province a souffert du vide sécuritaire créé par le redéploiement des FARDC au Nord-Kivu. Plus de 600 personnes ont été tuées par des groupes armés au cours des trois derniers mois, la CODECO, la milice zaïroise et les ADF étant les principaux auteurs de ces atrocités.
La haute responsable de l’ONU a exhorté tous les groupes armés « à cesser les hostilités » et a appelé au redéploiement des forces de sécurité nationales, notamment en Ituri, pour restaurer l’autorité de l’État dans cette zone.
En réponse à l’insécurité persistante dans l’est de la RDC, la MONUSCO continue « de faire tout son possible pour remplir son mandat de protection des civils ». À Beni, Bunia, Bukavu et Goma, des ateliers soutenus par la Mission ont permis d’apaiser les tensions et de renforcer les capacités locales pour mieux répondre aux problèmes de sécurité, y compris la désinformation. Parallèlement, la Mission a fourni une protection physique directe à la population civile. A ce jour, entre 50.000 et 70.000 personnes déplacées sont sous la protection physique directe de la MONUSCO dans le site de Roe, situé en territoire de Djugu, en Ituri.
Une crise humanitaire souvent ignorée
L’insécurité dans l’est de la RDC a continué d’alimenter une crise humanitaire de longue date souvent ignorée par la communauté internationale. Environ 6,3 millions de personnes ont été déplacées dans le pays et depuis mars 2022, plus de 2,8 millions de personnes ont récemment fui leur foyer dans les provinces de l’Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu en raison de l’insécurité. Actuellement, 28% de la population du Nord-Kivu et 39 % de l’Ituri sont déplacés.
Cette situation a encore été aggravée par l’inflation, les épidémies et les catastrophes naturelles, y compris les inondations survenues le mois dernier dans le territoire de Kahele au Sud-Kivu, qui ont tué plus de 470 personnes et fait des milliers de disparus. Dans le même temps, près de 26 millions de personnes, soit plus d’un quart de la population, sont confrontées à l’insécurité alimentaire en RDC.
Martha Pobee s’est dit particulièrement préoccupée par le nombre croissant de femmes et de filles victimes de violence sexiste et d’exploitation sexuelle. La violence sexiste a augmenté de 23% dans tout le pays et de 73% dans la seule province du Nord-Kivu, par rapport à la même période l’an dernier. Ces violations sont liées à la prolifération des groupes armés dans les zones d’accueil des déplacés et à la violation fréquente du caractère civil et humanitaire de ces sites de déplacement. La recrudescence des violences sexuelles contre les enfants a également augmenté.
Elle a jugé nécessaire une intensification significative des services pour prévenir et répondre à la violence sexuelle dans et autour des sites de déplacement ainsi que pour assurer un meilleur accès à la nourriture, à l’eau et à des installations sanitaires sûres. Elle a appelé les autorités congolaises « à prendre des mesures plus fortes, y compris la mise à disposition de sites supplémentaires pour assister et protéger les personnes déplacées, et une meilleure sécurité dans les sites, et dans la lutte contre l’impunité ».
Selon elle, la réponse humanitaire est bien en deçà du niveau sans précédent des besoins. Elle a salué l’activation d’une intensification de la réponse à l’échelle du système dans l’est de la RDC pour une durée initiale de trois mois. Elle a encouragé l’État congolais à faciliter et soutenir cette réponse renforcée et elle a appelé la communauté des donateurs à contribuer au plan de réponse humanitaire 2023, qui, au 18 juin, était financé à 28%.
Poches d’instabilité dans l’ouest et le sud du pays
Outre les défis sécuritaires et humanitaires dans l’est de la RDC, des poches d’instabilité ont refait surface dans l’ouest et le sud du pays. La violence a persisté dans les provinces du Mai-Ndombe, du Kwilu et du Kwango, et s’est propagée à Maluku dans la province de Kinshasa, a indiqué Mme Pobee. Des tensions et des violences ont également été signalées à Kindu, Tshopo et Katanga.
Elle a exhorté les autorités à demander des comptes aux auteurs de violences et à prendre des mesures pour renforcer la cohésion sociale afin de préserver les acquis de la stabilité dans ces zones.
S’agissant des droits de l’homme, elle a jugé que la situation reste préoccupante. Elle s’est dit particulièrement alarmée par « la restriction de l’espace civique et l’augmentation des discours de haine ». Elle s’est dit également préoccupée par les informations faisant état d’une augmentation de la violence à l’encontre des femmes dirigeantes et militantes politiques. Martha Pobee a exhorté les autorités, la société civile et les acteurs politiques « à œuvrer pour promouvoir un espace civique pacifique, tolérant et inclusif, en particulier à l’approche des élections de décembre 2023 ».
Elections en décembre 2023
La MONUSCO a fournié un appui logistique à la Commission électorale et une formation aux policiers chargés de la sécurité pendant les élections. L’ONU, plus largement, fournit également une assistance technique pour le processus électoral par le biais du programme d’appui électoral du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Mme Pobee a encouragé les États membres à soutenir ce programme. Elle a aussi jugé nécessaire de renforcer les efforts de prévention de la violence électorale.
S’agissant du départ programmé de la MONUSCO, elle a estimé qu’il fallait « garder le cap pour une transition ordonnée, graduelle et responsable ». « Le départ de la MONUSCO est prévu et des premières mesures sont prises dans plusieurs domaines. Cependant, le retrait de la MONUSCO ne doit pas compromettre la protection des civils. Nous devons éviter de créer des vides sécuritaires », a-t-elle dit.
« Une transition ordonnée et responsable dépend de la capacité des forces de sécurité nationales à se déployer et à intervenir efficacement partout où la situation sécuritaire l’exige », a-t-elle insisté.