Crise. Le Tchad débordé par l’afflux des réfugiés soudanais

Crise. Le Tchad débordé par l’afflux des réfugiés soudanais

Le conflit entre généraux au Soudan voisin a provoqué l’arrivée au Tchad d’au moins 116 000 exilés supplémentaires, selon le HCR, l’organe de l’ONU, qui célèbre ce 20 juin la Journée mondiale des réfugiés. Mais le pays, qui accueillait déjà près de 600 000 personnes exilées, manque cruellement de moyens, raconte “Tama Media”.

Depuis la guerre du Darfour en 2003, le Tchad est la terre de refuge privilégiée des Soudanais. Premièrement pour sa proximité ; deuxièmement pour les liens qui existent entre les ethnies habitant des deux côtés de la frontière. Et troisièmement pour la porosité des frontières. Le Tchad et le Soudan partagent [plus de] 1 000 kilomètres de frontière.
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Avec les affrontements qui ont éclaté le 15 avril 2023 à Khartoum et dans d’autres États du Soudan entre l’armée [menée par le général Abdel Fattah Al-Burhan] et les Forces de soutien rapide [paramilitaires dirigées par son rival, Mohamed Hamdane Daglo, dit “Hemeti”], plusieurs centaines de milliers de Soudanais ont trouvé refuge dans des pays voisins. Selon les Nations unies, la guerre a fait déplacer en interne quelque 1 670 000 personnes, tandis que plus de 400 000 ont fui le pays en direction des pays voisins.

Les destinations privilégiées de ces réfugiés sont l’Égypte, le Tchad et le Soudan du Sud. Au Tchad, ce sont quelque 117 000 nouveaux réfugiés soudanais qui sont dénombrés par les services du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et ses partenaires [depuis la crise de mi-avril ; ils s’ajoutent aux plus de 400 000 réfugiés soudanais déjà accueillis dans le pays].

Installés dans l’est du Tchad, précisément dans les provinces du Sila, de Wadi Fira et du Ouaddaï, ces réfugiés sont pris en charge par le HCR, la Commission nationale d’accueil et de réinsertion des réfugiés (Cnarr) et leurs partenaires.

Depuis la crise qui a éclaté mi-avril, quelque 116 000 Soudanais ont trouvé refuge au Tchad. Pays qui accueillait déjà près de 600 000 exilés, dont plus de 400 000 Soudanais.

Besoin de financement

Pour continuer à intensifier ses interventions et sauver des vies tout en préservant la coexistence pacifique, la sécurité et la stabilité, le HCR dit avoir un besoin urgent de financement. Quelque 214,1 millions de dollars [196 millions d’euros] sont ainsi demandés pour fournir une protection et une assistance vitales aux personnes déplacées de force au Tchad, dont 72,4 millions de dollars [66,2 millions d’euros] sont nécessaires pour la réponse d’urgence aux réfugiés fuyant le conflit au Soudan.

Malheureusement, les besoins du HCR pour le Tchad ne sont actuellement financés qu’à hauteur de [24 %], fait savoir le service de communication de l’agence du Tchad. Les États-Unis, qui sont déjà le principal donateur d’aide humanitaire au Soudan, ont décidé [mi-mai] de fournir une enveloppe supplémentaire de 246 millions de dollars [225 millions d’euros] pour soutenir la population de ce pays ainsi que celle du Tchad, de l’Égypte, du Soudan du Sud et de la République centrafricaine. Ces pays ont été affectés par les violences généralisées qui ont éclaté chez leur voisin le 15 avril. Sur les 246 millions de dollars décaissés par les États-Unis, une enveloppe de 17 millions [15,5 millions d’euros] est notamment octroyée à l’État tchadien.
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“Malgré les besoins énormes, la réponse humanitaire à ces crises graves et complexes reste sous-financée. Des réfugiés vulnérables restent privés d’une aide vitale et s’enfoncent dans la pauvreté et la faim, ce qui accroît leur vulnérabilité”, s’alarme le HCR.

Le 7 juin, la situation a été au centre d’une réunion présidée par le ministre tchadien de la Prospective économique et des Partenariats internationaux, Moussa Batraki. L’objectif était de solliciter de la part des partenaires techniques et financiers du Tchad un appui financier pour la prise en charge des nouveaux réfugiés soudanais et des rapatriés de la Centrafrique.

Saison des pluies

“Nous avons travaillé sans relâche pour fournir accueil et protection, notamment une assistance spécifique aux survivants de violences et aux enfants en situation de risque. Nous avons construit des puits, installé des latrines d’urgence, mis en place des cliniques mobiles et organisé des convois de réinstallation, en augmentant la capacité des camps pour accueillir les réfugiés nouvellement arrivés dans les camps de réfugiés existants […] et en commençant à construire de nouveaux camps”, a déclaré Laura Lo Castro, représentante du HCR au Tchad, dans un communiqué daté du 1er juin.

Avec le début de la saison des pluies, le HCR redoute le pire et une dégradation des conditions de vie des déplacés. “La saison des pluies arrivant dans les prochaines semaines, nous avons besoin de moyens logistiques d’ampleur pour déplacer les réfugiés des zones frontalières vers des lieux sûrs, poursuit le communiqué. Nous devons établir immédiatement de nouveaux camps et étendre les camps existants ; continuer à fournir une assistance humanitaire à la frontière et une fois que les réfugiés sont installés. Les populations d’accueil étant gravement affectées par la situation au Soudan, l’assistance devra être étendue aux plus vulnérables parmi la population hôte. Pour les familles déracinées par la crise, l’aide humanitaire est une lueur d’espoir.”

Et Laura Lo Castro, du HCR, de lancer un appel :

“Nous comptons sur la compassion et la générosité de nos partenaires pour qu’ils se mobilisent afin de garantir une protection essentielle et une aide vitale.”

Solidarité

Le Tchad accueillait déjà environ 588 770 réfugiés, dont 409 819 Soudanais fuyant le conflit au Darfour avant mars 2023. Ainsi que 127 846 réfugiés de la République centrafricaine, 21 287 Nigérians fuyant les violences de Boko Haram dans la région du lac, 28 311 Camerounais affectés par des tensions intercommunautaires et 1 507 réfugiés d’autres nations, dit encore le HCR.
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“Nous félicitons le Tchad d’avoir fait preuve de solidarité en accueillant les réfugiés chaleureusement”, a déclaré Raouf Mazou, haut-commissaire assistant en charge des opérations du HCR, lors de sa visite le 22 mai 2023 dans les camps des réfugiés au Tchad.