Une nouvelle tuerie attribuée à une milice communautaire a fait au moins 46 morts, dont de nombreux enfants, dans la nuit de dimanche à lundi dans un camp de déplacés du nord-est de la RDC, région où les exactions contre les civils se multiplient.
Selon le Baromètre sécuritaire du Kivu (KST), réseau d’analystes basés dans l’est de la République démocratique du Congo, “au moins 46 civils ont été tués” dans le camp de déplacés de Lala, en territoire de Djugu, dans la province aurifère d’Ituri, à la suite d’une “incursion des Codéco”. Un responsable de la société civile locale, Désiré Malodra, a avancé le même bilan de 46 morts, précisant que 23 étaient des enfants et que ce chiffre était provisoire.
Dans un communiqué diffusé dans l’après-midi, la Mission de l’ONU en RDC (Monusco), condamnant une “attaque ignoble”, a quant à elle évoqué “plus de 45 morts et une dizaine de blessés”. Richard Dheda, responsable de la “chefferie” (entité administrative) de Bahema Badjere, où se trouve le camp attaqué, avait auparavant parlé de 41 morts et désigné lui aussi des miliciens Codéco comme les auteurs de ce massacre.
“Les miliciens ont attaqué dans la nuit, entre 01H00 et 02H00, pendant que les gens dormaient”, a précisé le responsable de la chefferie. “Ils ont commencé à tirer des coups de feu, beaucoup de gens sont morts brûlés dans leurs maisons, d’autres ont été tués à la machette”, a précisé de son côté Désiré Malodra.
La Codéco (“Coopérative pour le développement du Congo”) est une milice de plusieurs milliers d’hommes affirmant protéger la tribu Lendu face à une tribu rivale, les Hema, défendus par une autre milice, les “Zaïre”. Une attaque des Codéco contre une position de l’armée avait fait samedi en Ituri sept morts parmi les civils. Début 2022, la même milice avait été accusée d’avoir massacré plus de 60 civils dans un autre camp de déplacés, Plaine Savo, dans le territoire de Djugu, en proie à un cycle infernal de violences et de représailles.
Base de l’ONU
Le site de Lala est situé à 3 km d’une position de l’armée, 5 km de Bule-centre et à une dizaine de km d’une base de Casques bleus de l’ONU. En visite récemment en RDC, Jean-Pierre Lacroix, secrétaire général adjoint des Nations unies chargé des opérations de paix, s’était lui-même rendu dans un camp de déplacés en Ituri.
A son retour à Kinshasa, il avait souligné mercredi dernier devant la presse que la force de l’ONU présente dans le pays depuis plus de 20 ans avait vocation à partir, mais que ce départ devait se faire de manière “graduelle et responsable”. Il y a des centaines de milliers de déplacés “protégés quasi exclusivement” par des Casques bleus, avait-il relevé, estimant qu’un “vide sécuritaire” leur serait “fatal”. “La Monusco réaffirme son engagement (…) pour renforcer les patrouilles conjointes afin de protéger les populations civiles et les sites de déplacés”, a-t-il assuré lundi.
Après une décennie d’accalmie, le conflit meurtrier en Ituri entre Hema et Lendu a repris depuis fin 2017, provoquant la mort de milliers de civils et la fuite de plus d’un million et demi de personnes. Le précédent conflit entre milices communautaires avait fait des milliers de morts entre 1999 et 2003, jusqu’à l’intervention d’une force européenne, l’opération Artémis, sous commandement français.
Par ailleurs, des sources locales ont signalé lundi une nouvelle attaque de village attribuée aux ADF, rebelles affiliés au groupe État islamique, qui aurait fait au moins huit morts dimanche soir dans la province voisine du Nord-Kivu, à Kasindi, dans le territoire de Beni.
Jeudi dernier, une précédente attaque de village par les ADF avait fait 12 morts, hommes, femmes et enfants, selon la société civile. Selon l’ONU, plus de 50 civils auraient été tués rien que durant le mois de mai dans le territoire de Beni.
Les provinces de l’est de la RDC sont en proie depuis près de 30 ans aux violences de multiples groupes armés, locaux et étrangers, hérités pour beaucoup de guerres régionales dans les années 1990-2000.