Le calme semble revenir dans les collines verdoyantes du Masisi, un territoire dans l’est de la République démocratique du Congo, théâtre d’intenses combats entre l’armée congolaise et les rebelles du M23 il y a quelques mois. Dans cette région, l’atrocité des récits des habitants et déplacés qui ont croisé la route des rebelles laisse sans voix.
Jean-Bosco Sengiyunva s’est réfugié ici après avoir fui son village de Kishishe, où les Nations-Unies accusent le M23 d’avoir commis un massacre de 170 civils. Ce père de 7 enfants a miraculeusement survécu à une attaque du M23. Une balle lui a effleuré la tête et emporté son oreille droite.
” C’était au milieu de la nuit quand ils sont venus me prendre. Ils m’ont sorti des toilettes et ne m’ont même pas laissé le temps de m’habiller. Après ils m’ont mis à genoux et ont tiré une balle en me demandant de l’argent “, témoigne-t-il au micro de la RTBF.
Comme lui, Odette vit avec le traumatisme du meurtre de son mari. Elle doit maintenant, toute seule élever ses enfants dans la cité de Kilolirwe à Masisi, où elle a trouvé refuge.
” Mon mari était professeur à Karenga et directeur des études à l’école où il travaillait. Ils l’ont tué et il m’a laissé 9 orphelins “, dit-elle.
“Ils torturent sans pitié”
À Bunagana, la population a vécu les 10 derniers mois sous occupation du M23. ” Au début, ils étaient très cruels, ils ont instauré un régime de terreur “, affirme un jeune qui a souhaité cacher son nom et son visage.
” Ils ont une prison dans les locaux de la DGM (Direction générale de migration) et de l’ANR (Agence nationale des renseignements). Ils y enferment les civils et les torturent énormément. Ils torturent sans pitié “, s’alarme ce jeune qui montre des traces de blessures sur son dos et cuisses.
Des récits, que ces civils n’ont toujours pas l’occasion de raconter aux journalistes. Pour la première fois, sous escorte militaire et minutieusement surveillés, des médias ont été autorisés à se rendre dans les zones que le M23 cède à la force régionale de la Communauté d’Afrique de l’Est afin de constater le déploiement effectif de la force régionale.
Le M23 est un groupe rebelle accusé d’être soutenu par le Rwanda, qui a repris les armes fin 2021 et a conquis de larges parties de territoire congolais depuis juin dernier. Le mouvement revendique un dialogue direct avec Kinshasa pour la fin de la crise. Le gouvernement refuse de négocier avec un groupe qualifié de ” terroriste “.
” Nous travaillons sur le front judiciaire, parce que nous pensons que si la justice n’est pas faite, nous n’aurons pas de garantie de non-répétition de la crise dans l’Est de de la RDC “, rappelle Patrick Muyaya, ministre de la communication et porte-parole du gouvernement congolais dans une conférence de presse tenue le 17 avril à Goma. Le Rwanda dément tout soutien au M23, qui nie à son tour avoir commis d’exactions.
En une année, plus d’un million de civils ont dû abandonner leurs villages suite aux affrontements qui pour la plupart ont été violents. 800.000 de ces déplacés s’entassent dans des camps de fortune autour de Goma, la capitale provinciale située entre le Rwanda à l’est, le lac Kivu au sud et le parc des Virunga au nord.
Dans le camp de Kanyaruchinya au pied du volcan Nyiragongo, plusieurs déplacés ont croisé la route des rebelles et les perspectives d’un retour dans leurs villages semblent s’éloigner de jour en jour. Le déploiement d’une force régionale composée des armées du Kenya, du Burundi, de l’Ouganda et du Sud Soudan ne les rassure pas.