Des milices janjawids à la mainmise sur les mines d’or, en passant par la guerre du Yémen et la chasse aux migrants, l’ancien chef de guerre devenu numéro deux de la junte au pouvoir incarne l’histoire récente du Soudan.
Depuis le 15 avril, les combats font rage au Soudan, notamment dans la capitale, fait inédit dans l’histoire récente de ce pays pourtant déchiré par trois décennies de guerres civiles, qui ont affecté les régions périphériques en épargnant la capitale. La guerre, cette fois, n’oppose pas le centre aux périphéries, mais a éclaté au sommet de l’Etat. Le conflit met aux prises les deux hommes forts de la junte militaire arrivée au pouvoir après un coup d’Etat, en octobre 2021, qui mettait fin à une transition démocratique instaurée après la chute de la dictature d’Omar Al-Bachir (1989-2019). Ce dernier avait été déposé à la suite d’un soulèvement populaire massif et pacifique. Après avoir écarté, dans un second temps, le gouvernement de transition associant civils et militaires, en 2021, les deux généraux s’étaient installés à la tête du Soudan, codirigeant le conseil de souveraineté, mais incapables de contenir leurs antagonismes.
D’un côté, le général Abdel Fattah Abdelrahman Al-Bourhane, à la tête des forces armées soudanaises (FAS), l’armée régulière, est issu, comme la majeure partie de l’élite militaire soudanaise, de la vallée du Nil. De l’autre, le général Mohammed Hamdan Daglo, dit « Hemetti » (« qu’il nous protège »), est originaire d’une tribu dite « arabe » (appartenant au groupe des Rizeigat) de la région du Darfour (ouest du Soudan) et commande les Forces de soutien rapide (FSR), l’unité paramilitaire la plus puissante du pays. Son parcours singulier – du commerce de chameaux, à la frontière entre Soudan et Tchad, au commerce de l’or, de la guerre au Darfour aux liens avec la Russie et avec les Emirats arabes unis – est emblématique des événements géopolitiques qui ont marqué le pays au cours des dernières décennies.