Alors que les situations sécuritaire et humanitaire au Mali ne cessent de se détériorer, en particulier dans les régions de Ménaka et du Centre, la Mission des Nations Unies dans ce pays (MINUSMA) se heurte à des difficultés pour s’acquitter de son mandat, a prévenu mercredi l’envoyé de l’ONU lors d’une réunion du Conseil de sécurité.
Venu présenter le dernier rapport en date du Secrétaire général sur la situation dans ce pays, le Représentant spécial du Secrétaire général pour le Mali, El-Ghassim Wane, s’est dit « bouleversé » par la détresse des personnes déplacées qu’il a rencontrées il y a trois semaines à Ménaka, dans l’est du Mali.
Cette région est l’épicentre des affrontements que se livrent les organisations terroristes État islamique du Grand Sahara (EIGS) et Jama’a Nusrat ul-Islam wa al-Muslimin (JNIM) pour le contrôle des voies d’approvisionnement. Sur place, le chef de la MINUSMA a pu mesurer l’impact « dévastateur » des déplacements de populations qui l’ont supplié de leur donner de l’eau potable.
Avec plus de 30.000 personnes déplacées vers Ménaka depuis le début 2022 et environ 2.400 autres réfugiées au nord du camp de la MINUSMA à Ménaka, la situation est « catastrophique », selon El-Ghassim Wane.
Capacités limitées
Dans cet environnement de plus en plus complexe, la MINUSMA, « avec ses capacités limitées », continue de contribuer à la protection des civils, en coordination avec les Forces de défense et de sécurité maliennes, dans un rayon de 15 kilomètres en dehors de Ménaka. À leurs patrouilles de nuit et de jour, s’ajoutent des activités de réconciliation et de cohésion sociale visant à désamorcer des tensions intercommunautaires croissantes dans la région, a relevé M. Wane.
Outre Ménaka, les régions du Centre et de Gao demeurent des zones à risque, avec plus de 61.000 personnes déplacées depuis l’année dernière, là aussi en raison des violences entre l’EIGS et JNIM, de même qu’entre l’EIGS et des mouvements signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, sans compter les affrontements armés en cours dans les régions de Mopti et de Ségou.
Sous pression des Forces de défense et de sécurité maliennes, les groupes extrémistes y ont accru leur recours à des engins explosifs improvisés, tout en menant des attaques surprises contre plusieurs postes de police le long des principaux axes d’approvisionnement.
Il importe cependant, a observé M. Wane, que les autorités maliennes conduisent leurs opérations militaires dans le respect du droit international humanitaire et des droits de l’homme. Le Représentant spécial a été suivi sur ce point par plusieurs membres du Conseil, notamment la France, la Suisse, le Royaume-Uni ou encore l’Albanie, cette dernière corrélant la hausse des violations perpétrées par les forces maliennes à leur association avec le groupe Wagner.
Droits humains
Le Mali a au contraire estimé que les violations étaient essentiellement le fait des groupes armés terroristes. Opposée comme la Chine à toute « instrumentalisation » des droits humains « à des fins politiques ou de déstabilisation », la délégation a rejeté les accusations de la France dans le massacre de Moura, commis il y a un an. Elle a rétorqué que la Commission d’enquête internationale pour le Mali avait imputé aux forces armées françaises des exactions, notamment à Bounty, où un mariage se serait transformé « en tragédie nationale », ce qu’a contesté la France.
La Fédération de Russie a fait valoir, pour sa part, que l’aide militaire bilatérale qu’elle fournit à Bamako répond à une demande des autorités maliennes, qui ont pu ainsi renforcer leurs capacités de lutte antiterroriste.
Afin de garantir la sécurité de ses convois, la Mission utilise des hélicoptères et des drones le long des routes de réapprovisionnement. Or, environ 24,1% des autorisations pour ce type de vols ont été refusées, alors qu’elles figurent au nombre des paramètres essentiels à l’exécution du mandat de la MINUSMA : outre la liberté de circulation, « y compris pour les moyens de renseignement, de surveillance et de reconnaissance essentiels à la sûreté et à la sécurité des soldats de la paix », figurent l’avancement de la transition politique et les progrès accomplis dans l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation, marquée au cours de la période à l’examen par une « paralysie persistante ».
« Contrairement à ce qui est véhiculé, il n’existe aucune volonté de restriction des mouvements de la MINUSMA, car les demandes non autorisées ne respectaient pas la procédure convenue » avec le pays hôte, s’est justifiée la délégation malienne, en invitant la Mission à travailler plus étroitement à l’avenir avec les autorités.
Expiration du mandat en juin
À l’approche de l’expiration du mandat de la MINUSMA, en juin prochain, plusieurs membres du Conseil se sont donc interrogés sur la pertinence de le modifier, compte tenu de ses difficultés à s’en acquitter. La France et l’Albanie ont proposé de s’appuyer à cette fin sur l’examen interne de la Mission mené par le Secrétaire général, dont les recommandations, « si elles devaient être endossées » par le Conseil, permettraient à la MINUSMA de mieux répondre aux attentes de son premier « client », à savoir le pays hôte.
Le Gabon, le Ghana et le Mozambique ont plaidé pour une augmentation des effectifs, un renforcement des stratégies de lutte antiterroriste, la mise à disposition de moyens de transport aérien et la levée des restrictions terrestres et aériennes. Pour le Royaume-Uni, le Conseil sera confronté en juin à des « décisions difficiles ». En l’absence de « signes visibles » de la part des autorités maliennes d’un engagement à respecter les paramètres fixés par le Secrétaire général, nous devons être prêts à adapter et à recentrer le mandat de la Mission, en examinant tout élément comportant des risques pour la crédibilité et la réputation de l’ONU, a souligné la délégation britannique.