Le président Mahamat Idriss Déby Itno a gracié, lundi, par décret présidentiel, 259 manifestants. Lors d’un procès de masse à huis clos, 262 personnes avaient été condamnées à de la prison ferme pour avoir manifesté en octobre contre la prolongation du mandat du général Déby.
Trois jours après avoir gracié 380 rebelles condamnés à la prison à vie, le président tchadien Mahamat Idriss Déby Itno a récidivé. Il a gracié, lundi 27 mars, 259 des 262 manifestants condamnés à de la prison ferme après une manifestation contre le pouvoir, selon un décret consulté par l’Agence France-Presse (AFP).
Ces manifestants avaient écopé de deux à trois ans de prison ferme pour des “faits d’attroupement non autorisé, de destruction des biens, incendie volontaire, violence et voie de fait, coup et blessures volontaires, troubles à l’ordre public […]”.
Ces hommes, des jeunes pour l’essentiel, avaient répondu à l’appel à manifester de l’opposition contre la prolongation de deux ans au pouvoir du général Déby en octobre.
Cette grâce présidentielle “est un geste de pardon pour permettre à tous les fils et filles du Tchad de bâtir leur pays sur des nouvelles bases”, a déclaré à l’AFP le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Aziz Mahamat Saleh.
“Ces personnes vont retrouver leur liberté, leur famille et reprendre le cours de leur vie”, s’est réjoui le coordinateur du collectif de leurs avocats, Frédéric Dainonet, qui voit dans cette initiative une volonté du gouvernement “d’apaiser les tensions”.
L’instruction se poursuit
Mais l’instruction n’est pas encore terminée pour un autre groupe, dont “certains” détenus “se trouvent encore dans la prison de Koro Toro”, a-t-il affirmé à l’AFP.
L’enquête est toujours en cours pour une “vingtaine” de personnes détenues à N’Djamena, et une “centaine” d’autres dans la prison de Koro Toro, a déclaré Laguerre Ndjerandi, le bâtonnier de N’Djamena.
Selon le gouvernement, 621 personnes avaient été arrêtées lors de la manifestation dans la capitale, puis acheminées à Koro Toro, une prison de haute sécurité en plein désert à 600 kilomètres au nord de N’Djamena, où elles avaient ensuite été jugées dans un procès de masse, sans avocats, ni médias indépendants, après un mois et demi de détention.
Les autorités avaient d’abord annoncé qu’une cinquantaine de personnes avaient péri lors de ce “Jeudi noir”, essentiellement des jeunes tués par balles dans la capitale par les forces de l’ordre, avant de réévaluer ce bilan à 73 morts. Des ONG avaient cependant dénoncé des chiffres sous-évalués.
L’ONG Human Rights Watch (HRW) avait notamment dénoncé dans un rapport fin janvier des “meurtres”, des “décès en détention”, des “disparitions forcées” et des “actes de tortures” liés à la répression des manifestations par les autorités.
Deuxième grâce présidentielle
C’est la deuxième grâce présidentielle accordée en trois jours. Samedi, un groupe de 380 rebelles du Front pour l’Alternance et la Concorde au Tchad (FACT), condamnés à la prison à vie pour leur implication dans la mort de l’ancien président Idriss Déby Itno, a bénéficié d’une même décision du chef de l’État.
Ils avaient également été reconnus coupables d'”acte de terrorisme, mercenariat, et atteinte à la sécurité du territoire national”.
Au printemps 2021, le FACT, le plus puissant alors des groupes rebelles, avait lancé à partir de ses bases arrières en Libye, une offensive en direction de la capitale N’Djamena.
Le 20 avril, l’armée annonçait que le maréchal Déby, qui dirigeait le Tchad depuis plus de trente ans d’une main de fer, avait été tué au front par les rebelles et nommait un de ses fils, le jeune général Mahamat Idriss Déby Itno, président de la République pour une période de transition, à la tête d’une junte militaire de 15 généraux.
Mais à l’issue de la période de transition en octobre, il a prolongé sa présidence sur recommandation d’un “Dialogue de réconciliation nationale” boycotté par la grande majorité de l’opposition politique et de plusieurs groupes rebelles armés parmi les plus importants.