Le président de Guinée-Bissau, qui assure aussi la présidence de la Cédéao, doit relever plusieurs défis dans une région secouée par de nombreuses crises.
Contrairement à plusieurs chefs d’Etat de la Cédéao, le président Umaro Sissoco Embalo n’est pas du genre à jouer au diplomate pour résoudre les problèmes qui se posent dans la sous-région.
Sur la question de la gestion de la transition au Mali, au Burkina Faso et en Guinée, par exemple, le président bissau-guinéen demande aux militaires d’organiser des élections et de rendre rapidement le pouvoir.
Une diplomatie de réseau
L’ancien général de brigade, qui dirige la présidence tournante de la Cédéao depuis juillet 2022, a pourtant, avec la médiation togolaise, participé à dénouer la crise entre la Côte d’Ivoire et le Mali, dans l’affaire des 49 soldats ivoiriens emprisonnés, rappelle le chercheur et anthropologue bissau-guinéen, Mamadou Jao.
“Je pense qu’il y a beaucoup d’efforts qui sont faits et qui ont donné un certain résultat. Lorsqu’on regarde la situation des militaires ivoiriens qui étaient retenus au Mali, on voit que c’est déjà un résultat”, dit le chercheur.
Mais, les déclarations parfois fracassantes, du président Embalo sur les crises politiques qui secouent la région ouest africaine, sont mal vécues par certains acteurs politiques.
Ainsi, pour Bah Oury, président de l’Union des démocrates pour la renaissance de la Guinée, le président Umaro Sissoco Embalo aurait un parti pris dans la gestion de la transition en Guinée.
“On espérait d’Embalo, comme il est jeune et direct, qu’il contribue à l’amélioration de la situation. Mais il y a un parti pris flagrant qui ne contribue pas à améliorer les relations entre Conakry et la Cédéao. Ce qui est dommage.”
Un avis que ne partage pas l’ancien Premier ministre guinéen, Sidya Touré, qui estime que le président bissau-guinéen a plutôt donné à la Cédéao un nouveau leadership, comme en témoigne sa dernière visite en Tunisie, après le tollé suscité par les propos du président Kais Saied visant les ressortissants subsahariens.
“Je trouve qu’il fait un très bon travail. Il rend la Cédéao de plus en plus visible. Il essaie de se faire entendre, il est très actif. Il essaie de défendre les ressortissants de la communauté, notamment en Tunisie. Quand vous avez des situation comme ça, le mieux c’est que les gens voient quelqu’un de leur région venir au moins parler d’eux.”
Mais est-ce que les déclarations du président bissau-guinéen cachent des ambitions politiques sur le continent, notamment au sein de l’Union africaine ?
“Mais quel mal y aurait-il à cela ? Tant mieux, justement ça veut dire que la renaissance se fait dans de bonnes conditions”, répond Sidya Touré.
Liens avec les nacotrafiquants
Mais celui qui a placé au coeur de son programme politique la lutte contre la corruption qui ronge son pays est aussi accusé d’avoir bénéficié du soutien des narcotrafiquants pour accéder au pouvoir. Notamment le soutien du général Antonio Indjai, recherché par les Etats-Unis et auteur du “coup d’Etat de la cocaïne en 2012.”
Un pouvoir qu’il a failli toutefois perdre lors d’une tentative de coup d’Etat le 1er février 2022, menée, selon Bissau, par l’ancien chef de la marine bissau-guinéenne Bubo Na Tchuto, qui a fait quatre ans de prison aux Etats-Unis pour trafic de drogue, avant d’être libéré.
Selon Transparency International, en 2018, la Guinée-Bissau possédait l’un des secteurs publics les plus corrompus au monde. Au prétexte de vouloir combattre ce fléau, Umaro Sissoco Embalo a placé des caméras de surveillance “dans tous les quartiers de Bissau.”
A noter que l’ex-président François Bozizé vit désormais à Bissau. Cet ancien chef de la rébellion centrafricaine a quitté le Tchad où il était exilé pour s’installer en Guinée-Bissau qui a accepté de l’héberger.
Le 17 février dernier, les pays membres de la Cédéao ont décidé de maintenir les sanctions et d’imposer des interdictions de voyage aux membres du gouvernement du Mali, du Burkina Faso et de la Guinée.
Un communiqué signé par le chef de l’Etat bissau-guinéen, Umaro Sissoco Embalo, qui reste intransigeant sur le retour des civils au pouvoir dans ces trois pays dirigés par une junte. Mais la ligne dure du président bissau-guinéen raidit les relations entre la Cédéao et ces pays.