Au Mali, cela fait tout juste un an, en ce début du mois de mars 2023, que la branche sahélienne du groupe État islamique a lancé son offensive dans le Nord-Est du Mali, principalement dans la région de Ménaka. Une succession de massacres qui se poursuivent jusqu’à aujourd’hui, à l’origine de centaines de morts et de dizaines de milliers de déplacés et de réfugiés.
8 mars 2022, Tamalat : 145 morts. 10 mars 2022, Anderamboukane : 213 morts. Inwelane, Anchawadje, Talataye… Selon les bilans cumulés des communautés locales, plus de 900 Maliens, essentiellement Touaregs, ont été massacrés depuis un an dans les attaques du groupe État islamique, qui tente de s’imposer dans cette partie du territoire qui échappe largement au contrôle de l’État et jusqu’ici dominée, selon les zones, par les groupes armés locaux signataires de l’accord de paix de 2015, ou par les jihadistes rivaux du Jnim, le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans, lié à al-Qaida.
Cette femme est originaire de Talataye, localité aujourd’hui vidée de sa population. Elle vit à Gao et décrit l’enfer vécu par les habitants. Par précaution et pour sa sécurité, nous ne donnons pas son nom et nous modifions sa voix :
« Ils ont tué tous les hommes qu’ils ont vu, ils ont enlevé tous les animaux qu’ils ont vus, ils ont détruits tous les biens qu’ils n’ont pas emportés, ils ont tué les hommes devant leurs femmes, ils ont brûlé les enfants, ils ont violé les femmes, ils ont mis les femmes en situation de veuvage, ils les ont obligé de se déplacer… Aujourd’hui, le territoire est complètement vidé des populations et de leurs biens. »
Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) dénombre actuellement près de 90 000 déplacés internes à Ménaka, Gao et Kidal, sans compter tous ceux qui ont trouvé refuge en Algérie, au Niger ou en Libye. À Gao, les familles déplacées s’entassent dans les maisons et dans les cours de leurs proches, ou dans des tentes installées au bord du goudron et aux alentours de la ville, souvent sans accès à l’eau ni à des latrines.
« Les populations ne sont pas prises en compte par le gouvernement. Le gouvernement n’a pas même donné un endroit pour que les familles déplacées soient en sécurité et que les ONG puissent aussi avoir des conditions de sécurité permettant de les prendre en charge. Les femmes et les enfants ont besoin d’un appui pour la santé, l’éducation, l’eau potable et la nourriture, qui est la priorité », poursuit notre interlocutrice de Talataye.
Le 26 février 2023, la communauté touareg idaksahak déplorait encore neuf civils tués et une centaine d’animaux emportés par le groupe État islamique à Intiklatene, région de Ménaka.