La fin du « printemps » tunisien est désormais actée avec la fuite en avant répressive du régime autocratique du président tunisien, au prix d’une réputation internationale gravement endommagée.
L’étoile avait déjà bien pâli mais, là, elle vire au sombre et, demain peut-être, à l’obscur. Que reste-t-il de l’aura de la Tunisie ? Que conserve-t-elle de son prestige alors que chaque semaine apporte son lot d’arrestations ou d’interpellations à caractère politique ? De quel rayonnement peut-elle se prévaloir après que son président, Kaïs Saïed, a jeté l’opprobre sur les immigrés subsahariens en les associant, sur un mode complotiste, à « un plan criminel » visant à « métamorphoser la composition démographique de la Tunisie » ? L’heure est aux pires inquiétudes quant à la dérive nationale-populiste et autoritaire de ce petit pays d’Afrique du Nord. Une certaine idée de la Tunisie est en train de dépérir.
Non que les autocraties passées de Habib Bourguiba (1956-1987) et de Zine El-Abidine Ben Ali (1987-2011) l’aient jamais franchement distinguée des dictatures voisines. Pourtant, sous la chape de plomb, avaient mûri durant toutes ces années des germes de modernité politique, puisés dans une longue tradition réformiste, qui ont éclos en 2011 sous les couleurs d’un printemps démocratique. Dépourvue de rente pétrolière, la Tunisie se voyait gratifiée d’une rente politique : son statut d’avant-garde. Un chantier pluraliste unique dans le monde arabo-musulman, qui lui a valu respect et même admiration sur la scène internationale.