Interview avec l’initiateur de l'”Appel du 20 février pour sauver le Mali”, Issa Kaou N’Djim.
La Maison de la presse du Mali a été saccagée lundi [20.02.23], à Bamako. Un groupe de personnes est intervenu pour interrompre une conférence de presse initiée par Issa Kaou N’Djim.
Le gendre de l’imam Dicko, ancien vice-président du Conseil national de transition désormais passé dans l’opposition, était en train de présenter un nouveau mouvement politique : L’appel du 20 février pour sauver le Mali. Il revient sur les événements de lundi et nous explique le pourquoi de cette nouvelle plateforme. Celle-ci s’oppose notamment au référendum constitutionnel prévu en mars au Mali.
Issa Kaou N’Djim dénonce un climat de “terreur” et dit entrevoir “les germes” d’une dictature dans le pays.
Ecoutez ci-contre l’interview d’Issa Kaou N’Djim
DW : Pourquoi lancer maintenant une nouvelle plateforme d’opposition au Mali ?
Nous estimons, nous les partis politiques et regroupements de partis politiques et membres de la société civile et surtout aussi des regroupements et structure de magistrats, des avocats et d’autres personnalités importantes, qu’il faut se mettre ensemble pour atteindre ces deux objectifs : demander aux autorités de transition de renoncer à leur projet de quatrième République à travers une Constitution qui n’est ni légitime ni légale et, deuxièmement, de leur demander de respecter leurs engagements. Il faut organiser les élections pour que les militaires retournent dans les casernes et s’occupent de leur mission qui est de sauvegarder la vie des personnes et aussi de défendre le territoire. Chacun son rôle. Je pense que le Mali doit rester démocratique, laïc et républicain et pour ce faire, il est nécessaire de revenir vraiment à l’ordre constitutionnel.
DW : Issa Kaou N’Djim, vous avez donc cofondé le mouvement M5 qui a destitué le président Ibrahim Boubacar Keïta et ensuite vous avez soutenu le colonel Assimi Goïta. Vous avez même été vice-président du Conseil de transition. Pourquoi ce revirement?
Je pense qu’après le départ de IBK, j’ai cru à ce discours tenus par les militaires à travers le Comité national pour le salut du peuple (CNSP). Peu après, ils ont fait leur première déclaration pour dire qu’ils étaient venus parachever la lutte du peuple et pour dire qu’ils étaient venus pour éviter un bain de sang entre les différents fils de ce peuple.
Mais malheureusement, quand il y a eu l’arrivée de l’actuel Premier ministre, je pense qu’il y a eu d’autres voies et d’autres chemins que la transition a voulu emprunter qui n’étaient pas ma compréhension de la lutte et aussi du couronnement de cette lutte-là,.
Je crois que c’est à partir de cet instant qu’ils ont estimé que je devenais encombrant pour eux. Ils m’ont destitué, ils m’ont mis en prison pour mes opinions et cela m’a moi-même convaincu que, s’ils ont pu faire ça, je le danger de la dictature a montré ses germes et il fallait vraiment prendre du recul et aller sur de nouvelles bases, sauver l’essentiel qui va nous sauver tous, c’est-à-dire l’Etat de droit, la démocratie, la bonne gouvernance à travers le retour des civils aux affaires et que les militaires regagnent leurs casernes, que l’autorité militaire soit soumise à l’autorité politique.
Je pense que ceux qui ont prétendu venir parachever la lutte sont en train de confisquer le pouvoir du peuple et qu’il ne faut pas l’accepter.
DW : Que s’est-il passé pendant votre présentation à la Maison de la Presse de Bamako?
Ce qui s’est passé, c’est une volonté d’étouffer cette plateforme, de nous dissuader pour nous montrer que de toute façon, qu’on le veuille ou non, [les militaires au pouvoir] vont faire ce qu’ils veulent. Parce que c’est ça le caractère de la dictature. Sinon, la Maison de la presse est sacrée.
Nous sommes des partis politiques, nous sommes des regroupements de partis politiques, nous avons des organisations, des magistrats, nous avons des avocats, nous avons aussi des membres de la société civile, nous comptons dans nos rangs des personnalités et parmi tous ces responsables connus, certains sont des anciens procureurs de la Cour d’appel, certains sont des juges d’instruction, d’autres ont été procureurs. Au-delà de cela, il y a des anciens ministres. Nous-mêmes, nous étions aux affaires avec les membres du CNSP… alors venir vous voir, nous vandaliser avec des gens qui sont sortis de nulle part !
Je pense que les autorités de transition ont les moyens de savoir qui a fait quoi puisque nous savons que toutes les organisations, toutes les manifestations, l’Etat a les moyens, y compris légaux, de savoir tout ce qui se passe.
Nous sommes en train de préparer un communiqué non seulement pour condamner cet acte, mais aussi pour demander aux autorités de transition que la loi poursuive les présumés responsables et leurs commanditaires de ce qui s’est passé.
DW: Votre mouvement s’appelle l'”Appel du 20 février pour sauver le Mali”. Mais de quoi est-ce que vous voulez sauver le Mali?
Ce que nous voulons aujourd’hui, c’est de sauver notre pays des germes de la dictature.
Faire en sorte que le peuple malien, en rangs serrés démocratiquement, contraigne les autorités militaires qui aujourd’hui veulent imposer l’ordre kaki. De le refuser et de [renvoyer les militaires] à leurs casernes s’occuper de la sécurité du pays et des personnes, de leurs biens et d’organiser des élections .
Nous voulons sauver aussi tout simplement les principes démocratiques et républicains laïcs de notre pays.
On a l’impression que l’on fait croire à l’opinion nationale et internationale que tous le peuple soutient cette transition, ce qui n’est pas le cas.
C’est la terreur, c’est la prison et ce qui s’est passé au lancement de cette plateforme qui est l’Appel du 20 février pour le retour à l’ordre constitutionnel et le renoncement de la Constitution est ce que les militaires veulent imposer au peuple malien.