Le Conseil de sécurité de l’ONU divisé sur la situation au Soudan, la Russie retarde une résolution

Le Conseil de sécurité de l’ONU divisé sur la situation au Soudan, la Russie retarde une résolution

Si l’Union africaine, l’Union européenne et le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres ont tous condamné la prise de pouvoir par les militaires au Soudan, il reste un grand silencieux : le Conseil de sécurité. Les 15 membres peinent à s’entendre sur le contenu d’une déclaration depuis plus de deux jours.

Les diplomates ne comptent même plus le nombre d’allers et retours, ou de versions du texte de cette déclaration qui est négociée depuis lundi 25 octobre, jour du coup d’État. À plusieurs reprises, la Russie a empêché que le Conseil s’exprime pour l’instant, rapporte notre correspondante à New York, Carrie Nooten. Chine et Russie ont fait savoir leur opposition de principe à une telle expression, car elle touche à la « souveraineté » des États. Mais surtout, la mission russe s’est farouchement opposée à ce que le Conseil condamne le coup d’État.

C’est d’ailleurs plus souvent l’expression « événements » que celle de « coup d’État » qui est utilisé dans la presse, relate notre correspondante à Moscou, Anissa El Jabri. Ce qui n’est pas très loin, en réalité, de la ligne officielle de la Russie, détaillée par l’agence de presse pro-gouvernementale RIA Novosti. « C’est aux Soudanais de décider si c’est un coup d’État ou non », déclare l’ambassadeur adjoint de la Russie à l’ONU.

Plusieurs sujets expliquent que Moscou fait traîner les discussions. Nezavissimaïa Gazeta souligne que « la question de l’installation d’une base navale russe au Soudan reste ouverte ». « La Russie a passé plus d’une décennie à établir des relations de qualité avec ce pays. Mais maintenant, un certain nombre de projets russes sont menacés d’échec », analyse le journal indépendant Novaïa Gazeta. La base militaire est un sujet de préoccupation à Moscou, mais c’est loin d’être le seul : il y a aussi l’extraction d’or ou le développement de gisements d’uranium. Selon les dernières estimations, le groupe Wagner compterait 300 mercenaires au Soudan.
Un Conseil à la peine, l’UA sans ambiguïté

Le Conseil pourrait finalement se dire « profondément préoccupé » si la dernière version est validée par Moscou ce jeudi. Il appellerait aussi à restaurer la transition, à la retenue dans la gestion des manifestants et au respect des droits de l’homme. Pour un des membres du Conseil, ce texte est tellement dilué qu’il l’imagine mal avoir un quelconque effet sur les militaires de Khartoum.

Finalement, comme après les coups au Mali, en Birmanie, en Guinée de ces derniers mois, le Conseil peine à gronder. Dans le même temps, l’Union africaine, mercredi 28 octobre, a été sans ambiguïté : le Soudan est suspendu de ses instances jusqu’au retour au pouvoir des civils. Le coup d’État est jugé « inacceptable » et « inconstitutionnel ». Et un émissaire doit être dépêché à Khartoum pour le dire au chef de l’armée.
Al-Burhan isolé diplomatiquement ?

La marge de manœuvre du général al-Burhan se rétrécit donc. La Banque mondiale a gelé son aide, ainsi que les États-Unis et l’Allemagne. Les ambassades occidentales disent continuer de reconnaître Abdalla Hamdok et son cabinet comme « les dirigeants constitutionnels du gouvernement de transition ». Et ils lui ont même rendu visite, mercredi, quelques heures après l’avoir exigé des putschistes.

À Khartoum, il semble bien que des discussions sont en cours en coulisses. Le chef de la mission locale de l’ONU, l’Allemand Volker Perthes, a fait la navette entre Abdallah Hamdok et le général al-Burhan. Tandis que le Conseil de sécurité de l’ONU doit de nouveau se réunir ce jeudi soir, le secrétaire d’État américain Anthony Blinken a pris langue mercredi avec la ministre des Affaires étrangères du gouvernement soudanais déchu, mais aussi avec la Russie et l’Arabie saoudite, ainsi qu’avec le président congolais Félix Tshisekedi, qui préside l’UA.

Si certains ont évoqué une certaine complaisance des monarchies du Golfe envers le coup d’État, Washington s’est tout de même dit d’accord avec Riyad pour le « condamner », selon un porte-parole, et s’inquiéter « des risques qu’il fait peser sur la stabilité du Soudan et de la région ».