Le Conseil d’Etat français a validé vendredi l’extradition de François Compaoré vers le Burkina Faso, où ce frère du président déchu Blaise Compaoré est mis en cause dans l’enquête sur l’assassinat d’un journaliste, une affaire qui a meurtri ce pays.
Le Conseil d’Etat, plus haute juridiction administrative française, a rejeté vendredi le recours formé par François Compaoré contre le décret d’extradition signé en mars 2020 par le Premier ministre français de l’époque, Edouard Philippe.
“La requête de M. Compaoré est rejetée”, indique la décision du Conseil d’Etat, rappelant que le décret “accorde l’extradition de M. Compaoré aux autorités burkinabè pour des faits d’incitation à assassinats qui ne présentent pas un caractère politique”.
“Il ne ressort pas des éléments versés au dossier que l’extradition aurait été demandée par les autorités burkinabè dans un but autre que la répression, par les juridictions burkinabè, des infractions de droit commun qui sont reprochées à l’intéressé”, fait valoir cette juridiction française.
M. Compaoré n’est “pas fondé à soutenir que son extradition aurait été demandée dans un but politique”, conclut-elle.
François Compaoré est le frère cadet de Blaise Compaoré, chassé par la rue en octobre 2014 après 27 ans au pouvoir.
Journaliste d’investigation reconnu et directeur de l’hebdomadaire “L’Indépendant”, Norbert Zongo, 49 ans, avait été assassiné le 13 décembre 1998, alors qu’il enquêtait sur le meurtre du chauffeur de François Compaoré. Sa mort avait provoqué une profonde crise politique au “pays des hommes intègres”.
Le journaliste, auteur de plusieurs enquêtes retentissantes dénonçant une mauvaise gouvernance sous le régime Compaoré, avait été tué avec trois de ses compagnons. Les quatre dépouilles avaient été retrouvées calcinées dans le sud du Burkina Faso.
- “Prêt à faire face à la justice” –
En juin 2019, la Cour de cassation française avait déjà rejeté le pourvoi de M. Compaoré contre son extradition vers Ouagadougou, où le dossier de l’assassinat du journaliste, classé en 2006 après un “non-lieu” en faveur du seul inculpé, a été rouvert à la faveur de la chute de Blaise Compaoré.
François Compaoré avait été arrêté à l’aéroport parisien de Roissy en octobre 2017, en exécution d’un mandat d’arrêt émis par son pays.
Interrogé par l’AFP, Me François-Henri Briard a précisé que son client était “actuellement en France, soumis à un contrôle judiciaire qu’il observe strictement”.
A ce jour, François Compaoré n’est pas inculpé dans son pays, à la différence de trois ex-soldats du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), l’ancienne garde prétorienne de Blaise Compaoré.
Dans un communiqué, ses avocats, Maîtres Briard et Pierre-Olivier Sur, indiquent que leur client “prend acte” de la décision. François Compaoré “est prêt à faire face, dans la dignité, dans l’honneur et avec responsabilité, à la justice burkinabè”, ajoutent-ils.
Ses avocats ont néanmoins saisi la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) “afin qu’elle fasse échec à l’extradition envisagée” et qu’elle “sanctionne” ce qu’ils considèrent être des “manquements de la France à le protéger”, ont-ils précisé.
Me Briard a indiqué à l’AFP avoir reçu vendredi après-midi un courriel du ministre français de la Justice Eric Dupond-Moretti lui indiquant qu’il “n’exécuterait pas le décret tant que la procédure d’urgence devant la CEDH ne serait pas jugée”.
M. Compaoré regrette que “la décision du Conseil d’Etat ne s’inscrive pas dans la ligne des précédents jurisprudentiels qui excluent toute mesure d’extradition à caractère politique ou qui expose la personne concernée à des risques de torture, de traitements inhumains et dégradants et de violations du droit à un procès équitable”, selon le communiqué.
M. Compaoré est “assurément exposé à de tels risques s’il était remis au Burkina Faso”, affirment ses conseils.
De son côté, le Conseil d’Etat indique que dans des lettres datant de 2017 et 2019, le “ministre de la Justice du Burkina Faso a pris des engagements sur le lieu et les conditions de détention de M. Compaoré”.
Les autorités burkinabè ont “fait connaître les dispositifs de contrôle (…) de nature à garantir que M. Compaoré ne soit pas soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants”, ajoute le Conseil d’Etat.