La procureure générale du pays a annoncé des interpellations « dans le cadre d’une enquête pour atteinte à la sûreté de l’Etat », sans donner plus de précisions sur les motivations.
Le parquet malgache a annoncé avoir déjoué une tentative d’assassinat du président de la République de Madagascar, Andry Rajoelina, et arrêté plusieurs personnes « étrangères et malgaches ». Parmi ces personnes arrêtées figurent deux Français, selon des sources diplomatiques.
« Plusieurs ressortissants étrangers et malgaches ont été interpellés mardi dans le cadre d’une enquête pour atteinte à la sûreté de l’Etat », a déclaré, mercredi soir, la procureure générale, Berthine Razafiarivony. « Selon les preuves matérielles en notre possession, ces individus ont échafaudé un plan d’élimination et de neutralisation des diverses personnalités malgaches, dont le chef de l’Etat », a précisé la procureure, sans autre précision ni sur le plan échafaudé ni sur les circonstances de ces arrestations.
Le ministre de la sécurité publique, Fanomezantsoa Rodellys Randrianarison, a précisé jeudi que six personnes avaient été arrêtées – « un étranger, deux binationaux et trois Malgaches » – et que « la police avait des renseignements sur cette affaire depuis plusieurs mois ». « Des armes et de l’argent ont été saisis » lors des interpellations simultanées, « mais à des endroits différents », ainsi que « des documents officiels qui prouvent leur implication », a-t-il insisté. « L’étranger, a-t-il ajouté sans l’identifier, a caché derrière son activité économique ses projets malsains », a-t-il accusé.
Anciens officiers
L’opposition a condamné « toute tentative d’assassinat, que ce soit contre les dirigeants ou contre quiconque », a réagi Rivo Rakotovao, ancien président par intérim du pays, interrogé par l’Agence France-Presse (AFP). « Il ne faut pas profiter de cette situation pour mettre à mal la démocratie à Madagascar », a-t-il aussitôt mis en garde alors que le président actuel a la mainmise sur tous les leviers politiques et fait l’objet de critiques concernant notamment la liberté de la presse.
Sur l’identité des deux Français arrêtés, dont les épouses ont également été placées en garde à vue, il s’agirait d’anciens officiers. Le ministère des affaires étrangères français a confirmé à l’AFP avoir été « informé » de leur arrestation, mais n’a pas souhaité en dire davantage.
Selon le fichier des entreprises à Madagascar, Philippe F. dirige une société d’investissement et de conseil pour les investisseurs internationaux à Madagascar. Cet ancien colonel de l’armée française se serait installé sur l’île au début de 2020, selon plusieurs sources.
Paul R., un Franco-Malgache, connaît bien le président Rajoelina, dont il a été un conseiller diplomatique jusqu’en 2011. Il se présente sur Internet comme un conseiller de l’archevêché d’Antananarivo qui a pris ses distances, affirmant ne pas être « responsable de personnes utilisant [s]on nom sans un mandat exprès ». Né en 1963, il était capitaine lorsqu’il a quitté la gendarmerie en 1994, selon une source au sein de la gendarmerie française.
A la fin de juin, une tentative d’assassinat du secrétaire d’Etat chargé de la gendarmerie et bras droit du président malgache, le général Richard Ravalomanana, avait déjà été annoncée.
Pressions, intimidations et menaces
Pays parmi les plus pauvres du monde, Madagascar connaît depuis vingt ans de nombreuses et graves crises politiques. La grande île est quasi verrouillée depuis la pandémie de Covid-19, et la famine sévit dans une région du sud du pays.
En 2009, le président Marc Ravalomanana, lâché par l’armée, avait été contraint de transférer les pleins pouvoirs à un directoire militaire, qui les a remis à Andry Rajoelina. La communauté internationale avait dénoncé un « coup d’Etat ». Après de nombreux autres épisodes, la justice validait en janvier 2019 la victoire de M. Rajoelina à la présidentielle.
Surnommé « TGV » pour son côté fonceur, ce patron de sociétés publicitaires, jusque-là connu surtout comme organisateur de soirées, est apparu en politique en 2007 en remportant la mairie d’Antananarivo. Il s’est assuré le contrôle exclusif sur l’ensemble des leviers politiques en décembre, en remportant une victoire aux élections sénatoriales, boudées par l’opposition.
Pressions, intimidations et menaces se sont multipliées ces derniers mois contre les journalistes, notamment autour de la pandémie et de la famine actuelle dans le Sud, a dénoncé Reporters sans frontières (RSF).