Face à la recrudescence de l’insécurité au sahel, des pays de la région ont adopté une certaine pratique de gestion qui pourrait favoriser pourtant les groupes armés terroristes.
Au sahel, les civils et les forces de défense et de sécurité ne sont pas les seuls à faire les frais de la guerre contre les groupes armés terroristes (GAT). Des responsables gouvernementaux en sont également des victimes collatérales de l’hydre terroriste.
Dans la plupart des pays du sahel, on assiste à une propagation du virus du terrorisme alors que les États de la région ainsi que leurs partenaires multiplient les initiatives à l’aune de conjectures pour tenter de décanter la crise sécuritaire. Dans une telle situation de confusion de la part des chefs d’État de ces pays, des ministres ne cessent de payer les frais.
Sauve qui peut
Les civils ne sont pas les seuls à se sauver la peau avec la multiplication des attaques. Les chefs d’État en font de même. À la différence des populations qui fuient vers des zones plus calmes, les chefs d’État du sahel s’adonnent à une fuite en avant en faisant porter le chapeau de la recrudescence des attaques à leurs subalternes, notamment le Premier ministre ou le ministre en charge de la Défense. Une manière de sauver leur poste derrière les mots de la recherche de la stabilité.
Au Mali, depuis 2012, la crise sécuritaire ne cesse d’engloutir des chefs d’État et des ministres. On se rappelle le cas Amadou Toumani Touré, affectueusement appelé ATT. Un chef d’État qui a même été accusé de « chef rebelle ». Une situation qui a conduit à son renversement. Ibrahim Boubacar Kéïta, qui était venu en messie en 2013, à l’issue de l’élection présidentielle, s’est adonné à la même tentative. Plusieurs Premiers ministres ont payé les frais de cette crise sécuritaire. Les cas les plus emblématiques sont ceux de Moussa Mara et de Soumeylou Boubeye Maïga. Tous démis de leur fonction en raison de leur gestion de cette crise. Plusieurs ministres de la Défense en ont également payé les frais. Au final, le capitaine du bateau, malgré toutes ses tentatives, n’a pas réussi à se sauver la tête.
Revoir les copies
Au Burkina Faso, Marc Christian Kaboré s’adonne à une pratique similaire après la multiplication des attaques d’hommes armés dans le pays. Le remaniement ministériel du mercredi 30 juin dernier en est une illustration parfaite.
Alors qu’une « mobilisation massive » était prévue au Faso, les 3 et 4 juillet, à l’appel de l’opposition politique, rejoint par les organisations de la société civile et de plusieurs autres partis politiques, un nouveau gouvernement voit le jour dans lequel le chef de l’État occupe la fonction de ministre de la Défense.
À travers ces tâtonnements, les États du sahel oublient qu’ils donnent une véritable marge de manœuvre aux groupes armés terroristes qui sèment la terreur dans la région. L’instabilité institutionnelle est ce qui profite à ces groupes grâce au temps mort que ce changement de gouvernement engendre. Cela leur permet de toujours mieux affiner leurs stratégies de déstabilisation.
Il est grand temps dans cette zone que les pouvoirs publics, la majorité politique aussi bien que l’opposition voire la société civile comprennent ce paradigme des GAT pour cesser de tomber continuellement dans leur piège. Les changements dans les institutions apporteront difficilement de la stabilité tant qu’il n’y a pas une véritable cohésion sociale, une bonne gouvernance, une lutte contre l’impunité, une meilleure coordination des stratégies au niveau régional, notamment dans le partage des renseignements et le contrôle des frontières.