Un mois après avoir annoncé la « transformation profonde » de la présence militaire française au Sahel, Emmanuel Macron a livré les grandes lignes du futur dispositif à ses homologues ouest-africains. Et Niamey y occupe une place centrale.
Quel sera le dispositif militaire français au Sahel après la fin annoncée de l’opération Barkhane ? De Paris à Bamako en passant par Niamey, la question a donné lieu à de nombreux débats et spéculations. Ce vendredi 9 juillet, à l’issue d’un sommet en visioconférence entre les chefs d’État du G5 Sahel et le président français, Emmanuel Macron a tranché : l’engagement de la France dans la zone sahélienne passera « d’une opération militaire à un dispositif de coopération », a-t-il affirmé depuis Paris, au cours d’une conférence de presse conjointe avec son homologue nigérien Mohamed Bazoum.
La présence de ce dernier, seul président du G5 Sahel à avoir fait le déplacement, ne devait d’ailleurs rien au hasard, tant le futur dispositif fait de Niamey le pilier principal de la stratégie sécuritaire française dans la Sahel.
Fermeture progressive
Emmanuel Macron a annoncé la fermeture progressive des bases militaires françaises dans le nord du Mali, un processus qui démarrera d’ici la fin de cette année. Les bases de Kidal, Tessalit et Tombouctou seront concernées « d’ici le début de l’année 2022 », a précisé le président français, confirmant les annonces de Florence Parly, sa ministre des Armées. La présence militaire française va en revanche s’appuyer sur une coopération militaire renforcée avec les armées nationales, notamment via la Task Force Takuba – qui aura sa base à Niamey – et le partenariat avec la mission de formation de l’Union européenne au Mali (EUTM).
La nature de notre ennemi commande une autre coopération
Cette annonce intervient un mois après celle de la fin de l’opération Barkhane. Huit ans après son lancement, en août 2014, dans la continuité de l’opération Serval au Mali, l’opération extérieure française la plus importante du XXIe siècle a enregistré des résultats plutôt mitigés, selon de nombreux observateurs.
Le président français et son homologue nigérien avaient participé, plus tôt dans la journée, à un sommet du G5 Sahel organisé par visioconférence par le Tchadien Mahamat Idriss Déby et auquel étaient présents le Burkinabè Roch Marc Christian Kaboré, le Mauritanien Mohamed Ould Ghazouani et le Malien Assimi Goïta.
« Rationalisation » de l’engagement français
« Nous ne pouvons que souscrire avec ce que la France est en train de faire, nous concevons que cette voilure soit réduite », a commenté Mohamed Bazoum. « La nature de notre ennemi commande une autre coopération », a ajouté le président nigérien, évoquant une « rationalisation » de l’engagement français avec laquelle les pays du G5 Sahel sont « absolument d’accord ».
« Niamey sera très fortement musclée. Les forces françaises présentes dans le pays vont muscler le commandement actuel de la force Takuba. Les forces qui sont associées vont être intégrées à des unités de forces spéciales », a précisé pour sa part Emmanuel Macron. « Il est important qu’on ait une connaissance du terrain dans toutes les actions de coopération et de réassurance et d’avoir des forces qui savent travailler avec les armées sahéliennes », a-t-il ajouté.
Le dispositif qui prendra la suite de Barkhane – qui compte 5 100 hommes déployés dans la zone sahélienne – représentera à terme entre 2 500 et 3 000 hommes. Il s’appuiera en outre sur les forces françaises basées en Côte d’Ivoire. Le président français a d’ailleurs insisté sur le fait que le risque terroriste « se dissémine dans l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest » et concerne désormais tous les pays du Golfe de Guinée. Les forces françaises seront donc mobilisables pour être déployées dans l’ensemble de la région, et pourront y intervenir à la demande des pays partenaires.
Il ne faut pas permettre que des militaires prennent le pouvoir parce qu’ils ont des déboires sur le front
Interrogé sur la situation au Mali, où le colonel Goïta a mené deux coups d’État, contre Ibrahim Boubacar Keïta, puis contre Bah N’Daw, Mohammed Bazoum a assuré que les chefs d’État ouest-africains avaient été « intraitables sur la mise en œuvre les dispositions prises par la Cedeao ». Et d’ajouter : « Il ne faut pas permettre que des militaires prennent le pouvoir parce qu’ils ont des déboires sur le front où ils devraient être et que des colonels deviennent des ministres et des chefs d’États. Qui va faire la guerre à leur place ? »
Dans leur communiqué final, au ton sensiblement moins polémique, les chefs d’État du G5 Sahel ont affirmé avoir « pris note » de la décision du président français de « transformer le dispositif militaire français déployé au Sahel ». Une décision qui « s’inscrit dans le cadre des discussions conduites depuis le sommet de Pau, en janvier 2020, et poursuivies lors du sommet de N’Djamena, en février 2021″, précise le communiqué.