RÉACTIONS. La crainte est forte chez les opposants aux modifications législatives de ce 25 juin de voir celles-ci être plus liberticides qu’il n’y paraît.
Que les émeutes de mars 2021 se soient arrêtées ne signifie pas que la tension politique et sociale est retombée au Sénégal. L’illustration en est l’atmosphère dans laquelle est plongé le pays depuis cette semaine. En cause : le vote ce vendredi 25 juin par 70 députés contre 11, de deux projets de loi modifiant le Code pénal et le Code de la procédure pénale pour « renforcer la lutte contre le terrorisme ». L’article 279 du Code pénal avait été déjà voté par l’Assemblée nationale le 28 octobre 2016, mais les nouveautés concernent des dispositions sur « le blanchiment des capitaux, le financement du terrorisme et la piraterie maritime », ainsi que sur les peines encourues.
Gouvernement et opposition loin d’être sur la même longueur d’onde
Pour le gouvernement, il s’agit d’« élargir la palette des infractions de financement du terrorisme [et] de donner une vocation plus englobante de l’infraction d’association de malfaiteurs ». Dans un contexte sahélien trouble avec la montée du terrorisme dans les pays voisins, le Sénégal renforce depuis 2016 sa sécurité, notamment aux frontières. Si, pour l’heure, le pays n’a pas connu d’attaques djihadistes, plusieurs affaires liées au terrorisme ont été traitées ces dernières années.
Mais, pour l’opposition et les organisations de la société civile, les définitions d’« association de malfaiteurs » et celle d’« actes terroristes » ne seraient que prétexte pour limiter l’opposition en interdisant le droit de manifester. D’après le nouvel article, « tout regroupement, toute violence ou voies de fait, ou encore toute dégradation de biens appartenant à l’État ou intéressant la chose publique seraient désormais potentiellement constitutifs, soit du crime d’association de malfaiteurs soit du crime de terrorisme ». Les faits seront désormais passibles de la réclusion criminelle à perpétuité.
Vive opposition de la société civile
En réaction à ces lois jugées « liberticides », le M2D (Mouvement pour la défense de la démocratie), une coalition de partis et d’organisations de la société civile, avait appelé à manifester vendredi en marge du vote de la loi à l’Assemblée nationale. Improvisé au dernier moment, le vote ayant été annoncé dans l’urgence, la manifestation, qui a peu mobilisé, a été rapidement dispersée par l’important dispositif des forces de l’ordre déployées.
Une dizaine de militants du M2D et du Frapp (Front pour une révolution anti-impérialiste populaire et panafricain) ont été arrêtés avant d’être finalement libérés samedi 26 juin. Des échauffourées ont également eu lieu à l’université Cheikh-Anta-Diop. Des députés de l’opposition ont déclaré déposer dans les prochains jours un recours auprès du Conseil constitutionnel. Ils craignent en effet que ces textes, en réduisant l’opposition, ne visent en réalité qu’à faciliter à Macky Sall une troisième candidature pour les élections présidentielles de 2024.