Selon les Nations unies, plus de 90 % des quelque 5 millions d’habitants de cette région en guerre ont besoin d’une aide alimentaire d’urgence.
Jeudi 10 juin, à la veille d’un sommet des dirigeants du G7 au Royaume-Uni, les Etats-Unis et l’Union européenne (UE) ont lancé un appel pressant à l’action contre un début de famine provoqué par le conflit dans la région éthiopienne du Tigré.
« La famine est peut-être déjà en cours dans certaines zones, menaçant la vie de centaines de milliers de personnes. C’est inadmissible », a lancé l’ambassadrice américaine aux Nations unies, Linda Thomas-Greenfield, lors d’une visioconférence internationale organisée par les Etats-Unis et l’UE. « Pour éviter une catastrophe humanitaire, l’ensemble de la communauté internationale doit agir directement et indirectement, rapidement et avec vigueur », a soutenu Janez Lenarcic, le commissaire européen chargé de la gestion des crises.
L’ambassadrice américaine a déploré l’incapacité du Conseil de sécurité des Nations unies (ONU) à organiser une réunion publique pour mettre fin à la crise. Une réunion à huis clos est prévue le 15 juin. « Nous assistons à un cauchemar humanitaire […] Nous ne pouvons pas laisser l’Ethiopie mourir de faim. Nous devons agir maintenant », a déclaré Mme Thomas-Greenfield, dénonçant une urgence « provoquée par l’homme ».
Le premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, lauréat du prix Nobel de la paix 2019, a envoyé l’armée fédérale au Tigré en novembre 2020 pour arrêter et désarmer les dirigeants du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), parti à l’époque au pouvoir dans cette région du nord du pays et qui défiait le gouvernement central. Il avait alors promis une opération militaire courte, mais les combats se poursuivent et de nombreux rapports font état d’atrocités, notamment le recours généralisé au viol.
« Nous avons besoin que tout le monde se mobilise »
Les Nations unies ont déclaré que plus de 90 % des plus de 5 millions de personnes vivant au Tigré avaient besoin d’une aide alimentaire d’urgence et ont lancé un appel pour obtenir plus de 200 millions de dollars (environ 165 millions d’euros) afin d’intensifier leur réponse. « La famine sévit maintenant dans le Tigré », a déclaré Mark Lowcock, chef des opérations humanitaires des Nations unies : « Nous avons vraiment besoin que tout le monde se mobilise. » Par ailleurs, « quelque 30 000 enfants souffrant d’une sévère malnutrition courent un grand risque de mourir », a ajouté James Elder, porte-parole de l’Unicef.
Les Etats-Unis ont annoncé un financement supplémentaire de 181 millions de dollars pour « fournir des denrées alimentaires vitales, des produits agricoles, de l’eau potable, des abris, des soins de santé et des services essentiels » aux personnes dans le besoin au Tigré. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a pour sa part évoqué mercredi une aide de 250 millions d’euros « pour lutter contre la faim », dont 50 millions d’euros spécialement alloués au Sahel et à l’Afrique de l’Est. Mais l’acheminement de l’aide est bloqué par les belligérants.
La directrice de l’Agence américaine pour le développement international (Usaid), Samantha Power, a accusé les alliés militaires de l’Ethiopie d’avoir « brûlé et pillé des semences et du matériel agricole et abattu des bœufs pour s’assurer que les champs restent en jachère, tant ils sont déterminés à éliminer les moyens de subsistance ». « Ces mêmes forces ont menacé, intimidé, détenu et même tué des travailleurs humanitaires qui tentaient de nourrir les personnes affamées, a-t-elle ajouté. Nous savons ce qui se passe au Tigré, malgré la nature complexe du conflit et les tentatives du gouvernement éthiopien de le cacher. Cela impose de faire tout ce que nous pouvons pour y mettre fin. »
Les Etats-Unis ont décidé d’imposer des restrictions de visas à des responsables érythréens et éthiopiens accusés d’avoir attisé le conflit. Washington a par ailleurs annoncé des restrictions « à grande échelle » en matière d’assistance économique et sécuritaire à l’Ethiopie. Quant à l’UE, elle a gelé depuis décembre le versement de quelque 90 millions d’euros d’aide budgétaire à l’Ethiopie.