Choguel Maiga, 63 ans, est nommé lundi Premier ministre du Mali par le colonel Assimi Goita. L’annonce est faite un peu avant 14 h 00 GMT à la télévision nationale du Mali.
Le natif de Tabango dans le cercle d’Ansongo, région de Gao, est une des figures majeures du Mouvement du M5-RFP de l’Imam Mahmoud Dicko dont il était le président du comité stratégique.
Lors des soulèvements populaires contre IBK qui ont précédé le coup d’Etat d’août 2020, il était un des leaders de la contestation.
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Ingénieur formé à Moscou
Ingénieur, diplômé de l’Institut des télécommunications de Moscou en 1983 comme ingénieur des télécommunications spécialisé satellite et faisceaux, le nouveau Premier ministre du Mali est également titulaire d’un doctorat d’Etat en télécommunications obtenu en 1988.
Auparavant il avait fait ses études supérieures à Bamako, la capitale malienne où il obtient son bac en 1973.
A son retour de la Russie, M. Maiga intègre la Société des télécommunications du Mali (SOTELMA) en tant qu’ingénieur.
Jeune leader pro-Moussa Traoré
Le Premier ministre du Mali est un ancien membre de l’Union nationale des jeunes du Mali, une association fondée par Moussa Traoré. Quelques années plus tard, il devient en 1997 président du Mouvement patriotique pour le renouveau (MPR).
2002 est l’année de son baptême de feu durant laquelle il se présente à la présidentielle remportée au 2nd tour par Amadou Toumani Touré qu’il soutient avec ses 2,73 %.
Ancien directeur général de l’Autorité malienne de régulation des télécommunications et des postes (AMRTP), il devient plus tard ministre de l’Industrie et du Commerce de 2002 à 2007 et enfin ministre de l’Economie numérique, de l’Information, de la Communication, porte-parole du gouvernement.
Critique de la junte et du CNT
En tant que président du comité stratégique du M5-RFP, Choguel Maiga critiquait en 2020 la mise en place du Conseil national de la transition que le mouvement avait boycottée.
« Ce conseil a été installé dans l’illégalité totale en violant les décrets qui instituent le Conseil national de transition », dénonçait le leader du Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD), un mouvement membre du M5RFP en décembre 2020.
Pourtant quelques jours après le putsch, il annonçait le soutien des forces vives aux militaires en annoçant que le mouvement de contestation est disposé à «accompagner» la junte dans le processus de transition devant rendre le pouvoir aux civils.
Analyse
Interview avec Mouhamed Maïga, Consultant sur les questions territoriales et Directeur général du Cabinet Ali Ber.
N’est-ce pas risqué par la junte de nommer quelqu’un qui est issu d’un mouvement aussi populaire que le M5 comme Premier ministre ?
Je pense que les militaires ont compris quelque chose, c’est-à-dire que les forces politiques présentes ne sont pas négligeables. On ne peut pas négliger ce qui est important. Il faut rappeler qu’avant que les militaires ne prennent le pouvoir, avec le coup d’Etat contre l’ancien régime d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), c’est d’abord le M5 RFP avec des personnalités comme Choguel Kokalla Maïga, comme Mountaga Tall, comme l’Imam Mahmoud Dicko, qui ont fait vaciller le régime d’IBK et derrière les militaires sont venus clôturer la chose. Mais le M5 a été laissé sur la touche pour des problématiques internes parce que le mouvement n’est pas aussi compact et aussi homogène en termes d’actions qu’on pourrait l’imaginer. Ce qui fait qu’avec l’ancien gouvernement de la transition, on n’a pas pu trouver un deal réel pour les inscrire dans l’attelage. Maintenant la balle revient et aujourd’hui sur la scène politique, le M5 RFP a existé et a été un contre-pouvoir très important, pendant le premier gouvernement de la transition. Aujourd’hui, avec le second gouvernement de la transition on ne peut pas les négliger même s’il y a d’autres acteurs notamment les acteurs de l’accord d’Alger qui sont là et qui ont dit qu’ils ne soutiendraient pas ce deuxième gouvernement s’ils n’ont pas certaines garanties concernant l’application et notamment le référendum. Donc, Choguel n’est pas forcément l’homme de l’accord.
La nomination de Choguel est-elle approuvée par le M5 ?
On peut imaginer que ça n’a pas été facile de désigner Choguel comme Premier ministre de la transition. Mais je pense que Choguel Kokalla Maïga a été constant dans le leadership au sein du mouvement. Ce qui est important. Il a été plus visible, il a tenu des propos, on l’a toujours vu pendant les conférences de presse. Maintenant, on a bien vu que certaines personnalités auraient voulu en fait être sélectionnées par leurs collègues à la place de Choguel mais je pense qu’il y a une règle d’évidence qui s’est posée au final. Pourquoi aller chercher quelqu’un d’autre alors que le leadership est déjà posé par quelqu’un ? Je pense ça s’est inscrit dans une continuité, c’est lui qui a représenté le mouvement pendant tout ce temps. Pourquoi le laisser sur la touche ? Peut-être que c’est lui qui a les meilleurs outils pour pouvoir y aller et mieux représenter le M5. Je pense que le consensus a aussi été validé par l’Imam Mahmoud Dicko parce qu’il a été consulté ces derniers temps, dans le cadre justement de cette perspective de nomination d’un leader du M5 à la Primature au Mali.
Sa nomination peut-elle être perçue comme une victoire pour le M5 ?
Une victoire ? Je pense que oui mais encore cela reste nuancée jusqu’aux résultats parce que le M5 a porté cette réputation de mouvement hétéroclite. On a bien vu que Mme Sy Kadiatou Sow qui est aussi une des leaders importants du mouvement et aussi Modibo Sidibé qui après la réunion après ce second coup d’Etat ont fait des déclarations parallèles qui ne vont pas dans le sens du camp de Choguel Kokalla Maïga. Donc, on peut comprendre que la victoire, on verra le résultat déjà avec la constitution du gouvernement. Si après la constitution du Gouvernement, le M5 reste un mouvement intégré, on pourra dire que c’est une première victoire qui est remportée. Après je pense que les résultats sur le temps vont peut-être donner une victoire ou pas au M5.
En acceptant cette nomination, Choguel Maïga renonce-t-il par-là à une ambition présidentielle ?
Techniquement, je pense que oui et je pense qu’il a dû prendre ces derniers heures et ces derniers jours pour bien réfléchir à cela parce que je ne vois pas en l’état comment il pourrait se présenter à la présidentielle. Puisque selon la Charte de la transition, c’est quasiment impossible. Donc, je pense qu’il y a eu certainement un deal en interne, il y a eu aussi un parti pris, une volonté, une responsabilité assumée de la part de Choguel Kokalla Maïga d’assumer cette fonction. Je pense que c’est sur des actes très patriotiques, parce qu’il abandonne cette possibilité même d’être le candidat supporté par le M5 qui est allié à la présidentielle.