Dans sa petite maison à Pemba, dans le nord du Mozambique, Atija Camacho vivait à l’étroit avec son mari et leurs dix enfants. Aujourd’hui, ils sont quarante. Il faut bien accueillir les malheureux forcés de fuir les violences jihadistes.
Les groupes armés qui terrorisent la province du Cabo Delgado ont multiplié les attaques depuis un an. Et Atija, dont le modeste trois-pièces jouxte la plage de Paquitequete où les réfugiés continuent d’affluer, n’a pas hésité longtemps.
“J’en ai vu qui dormaient là, en plein air, j’ai eu de la peine pour eux”, confie d’une voix fluette cette femme de 35 ans à l’AFP.
Un jour sur deux, ils arrivent par dizaines sur des bateaux de pêche branlants. Ils n’ont rien, ou quelques affaires nouées dans un drap.
Plus de 700.000 personnes ont tout quitté, depuis le début des violences fin 2017. Et plus de 80% d’entre eux ont été accueillis par des proches, des amis ou des inconnus, selon les agences humanitaires.
A Pemba, beaucoup passent d’abord plusieurs nuits sur la plage, sous des abris de fortune. Le temps de retrouver des proches ou que le gouvernement les déplacent vers de camps de transit.
A quelques mètres de la maison d’Atija, une de ses “invitées”, Awa Njane, 19 ans, sur un tabouret, prépare le repas au-dessus d’un feu.
Elle a fui en octobre Quissanga, à une centaine de km, quand son père, capturé par les groupes armés, a été décapité. Elle ne sait pas où est son mari, ni sa mère.
Elle reste infiniment reconnaissante que sa “nouvelle mère” lui ait offert un abri, à elle et son bébé d’un mois à l’époque, après avoir dormi une semaine sur le sable.
Grillant de petites sardines, certainement pas assez pour nourrir les 43 bouches de la maisonnée, elle reconnaît que c’est “très difficile de trouver à manger”.
- “Ça craque de partout” –
“La faim augmente dans la province”, confirme à l’AFP Pierre Lucas du Programme alimentaire mondial (PAM). Les déplacés “ont besoin d’aide urgente, tout de suite et dans les mois à venir”. Mais aussi les familles qui les hébergent, “de plus en plus sous pression”.
Atija a bricolé trois pièces supplémentaires, mais ce n’est pas suffisant. “Ils dorment partout, même là”, dit-elle en montrant une véranda de 40 m2 en tôle et bambou enduit de boue.
L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) reçoit des rescapés traumatisés mais offre aussi un soutien psychologique aux familles d’accueil qui ont du mal à faire face.
“Elles ont des ressources très limitées mais partagent ce qu’elles ont, avec beaucoup d’humanité”, note Derya Ferhat de l’OIM.
Manuel Fontaine, chef des opérations d’urgence pour l’Unicef, a noté aussi cette générosité saisissante de “gens qui ont très peu”.
“Dans une maison où je suis passé, ils dorment dans le jardin, la cour. Quand il pleut, les pluies ici sont impressionnantes, tout le monde rentre” mais il n’y a pas de place au sol pour s’allonger. “Alors personne ne dort”, racontait-il en avril à l’AFP.
La Croix-Rouge, qui ½uvre pour agrandir et moderniser les centres de santé, a récemment bâti une nouvelle aile d’un dispensaire sommaire dans un township voisin.
“Les structures existantes craquent de partout”, note Raoul Bittel, chef des opérations du CICR à Pemba.
“Elles n’étaient déjà pas suffisantes pour la population, donc avec l’afflux des réfugiés, ça devient un vrai défi”, dit Emilio Mashant, son responsable santé.
Les autorités de la province pauvre n’ont pas répondu aux sollicitations de l’AFP.
Le chercheur mozambicain Adriano Nuvunga attribue le nombre considérable de personnes vivant dans des familles d’accueil à un “Etat défaillant”.
Cela “alimente le désespoir parmi les déplacés”, les rendant ainsi vulnérables au recrutement dans les rangs des extrémistes, redoute-t-il.