Paris est passé de la menace aux actes au Mali. A la suite du coup d’Etat du 24 mai, qui a porté au pouvoir le colonel Assimi Goïta, la France a décidé de suspendre « à titre conservatoire et temporaire » sa coopération militaire bilatérale avec ce pays du Sahel, a confirmé au Monde, jeudi 3 juin, le ministère des armées. Une décision qui entraîne un arrêt sine die des opérations conjointes menées par les militaires de la force française « Barkhane » avec les Forces armées maliennes (FAMa).
Cette annonce intervient alors que le Mali a connu, le 24 mai, son deuxième coup d’Etat en à peine neuf mois. Ce jour-là, le président de transition, Bah N’Daw, et son premier ministre, Moctar Ouane, ont été arrêtés puis contraints à la démission par les hommes du colonel Goïta, déjà auteurs du putsch du 18 août 2020, qui avait renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta, dit « IBK ».
La décision française de suspendre sa coopération militaire avec le Mali entraîne aussi l’arrêt des activités de formations menées par les Français auprès des militaires et des forces de sécurité maliennes.
« Ces décisions seront réévaluées dans les jours à venir au regard des réponses qui seront fournies par les autorités maliennes », faisait-on savoir, jeudi soir, au ministère des armées.
L’armée malienne se voit ainsi coupée de deux de ses principaux soutiens : la France et les Etats-Unis. Au lendemain du putsch, les Américains avaient en effet annoncé la suspension de leur assistance aux forces maliennes.
« Plus de légitimité démocratique »
Depuis 2014, quelque 5 000 hommes de l’opération française « Barkhane » sont déployés au Sahel, particulièrement dans le nord du Mali, pour combattre les groupes djihadistes qui y sévissent, affilés à Al-Qaida et à l’organisation Etat islamique (EI). Mais Emmanuel Macron avait laissé entendre, le 30 mai, lors d’un entretien au Journal du dimanche, qu’il ne resterait pas « aux côtés d’un pays où il n’y a plus de légitimité démocratique ». En ligne de mire, aussi, du président français : le profil des nouvelles autorités maliennes, qu’il craint plus ouvertes à « l’islamisme radical ». « Si cela va dans ce sens, je me retirerai », avait assuré M. Macron.
Les militaires maliens qui ont repris le pouvoir se savaient sous la menace de sanctions françaises. Au lendemain de l’arrestation de l’exécutif malien, Paris avait menacé de prendre des « sanctions ciblées » contre les putschistes si le processus de transition ne reprenait pas son « cours normal ».
Depuis, MM. N’Daw et Ouane, bien que libérés par la junte, n’ont pas été réinstallés dans leurs fonctions. C’est le colonel Goïta lui-même qui s’est installé comme président de la transition. Il doit prêter serment lundi 7 juin, à Bamako, avant de désigner son futur premier ministre.
Le Mali avait déjà été suspendu, il y a quelques jours, des instances sous-régionales – Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) – et de l’Union africaine (l’UA) à la suite de ce nouveau coup de force.
La Cedeao réclamait notamment la nomination d’un premier ministre qui ne soit pas un militaire mais un civil et le respect de la date prévue pour l’élection présidentielle au Mali, fixée au 27 février 2022.
« Des exigences et des lignes rouges ont été posées par la Cedeao et par l’UA pour clarifier le cadre de la transition politique au Mali. Il revient aux autorités maliennes d’y répondre rapidement », affirmait-on au ministère des armées, jeudi en début de soirée.