La France a condamné l’« attaque » d’un poste frontalier, dimanche, en territoire tchadien, réitérant son « ferme attachement à la stabilité » du pays. Le Tchad dénonce un « crime de guerre ».
Le Tchad a accusé l’armée centrafricaine d’avoir tué, dimanche 30 mai, six de ses soldats, dont cinq « enlevés et ensuite exécutés », en lien avec l’attaque d’un poste frontalier en territoire tchadien. Ce « crime de guerre d’une gravité extrême et cette attaque meurtrière préméditée, planifiée et opérée à l’intérieur du Tchad (…) ne sauraient rester impunis », a affirmé, lundi, le ministre des affaires étrangères tchadien, Chérif Mahamat Zene, dans un communiqué.
« Le Tchad prend à témoin la communauté internationale, notamment la Minusca [la Mission de maintien de la paix des Nations unies en Centrafrique, qui y dispose de 12 000 casques bleus], l’Union africaine [UA] et la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (Ceeac) de cette grave agression dont il est la cible », ajoute le communiqué.
Les explications de Bangui
De son côté, la République centrafricaine, dans un communiqué du ministre de la communication et porte-parole du gouvernement, Maxime Ange Kazagui, « déplore les pertes en vies humaines et les blessés au sein des armées tchadienne et centrafricaine ». Elle accuse les rebelles centrafricains que ses soldats « poursuivaient » d’en être responsables.
Bangui ne nie à aucun moment explicitement avoir pénétré en territoire tchadien, se bornant à situer les affrontements « à la frontière centrafricano-tchadienne » et ne fait pas référence à une quelconque « exécution », ni pour l’admettre ni pour la nier. Il « réaffirme » cependant sa volonté de raffermir les relations « entre les deux peuples frères » et propose au Tchad « une mission d’enquête conjointe » sur ces heurts.
La France a condamné « fermement l’attaque du poste avancé tchadien ». « Elle rappelle son ferme attachement à la stabilité et l’intégrité territoriale du Tchad et de tous les Etats de la région », a ajouté la porte-parole du ministère français des affaires étrangères.
Plus tôt dans la journée, des sources onusiennes, sous le couvert de l’anonymat, ont confirmé que des affrontements avaient eu lieu dimanche sur le marché de Mini, une localité tchadienne près de la frontière. Ces affrontements ont opposé des militaires centrafricains appuyés par leurs alliés paramilitaires russes, d’un côté, à des rebelles centrafricains ainsi que des soldats tchadiens, de l’autre.
Selon deux hauts responsables des services de sécurité tchadiens, qui ont requis l’anonymat, les soldats centrafricains poursuivaient au-delà de leurs frontières des combattants du Groupe 3R (pour « retour, réclamation et réhabilitation ») ou de l’Unité pour la paix en Centrafrique (UPC).
Un pays-clé dans la guerre contre les djihadistes
Les 3R et l’UPC sont deux des plus puissants groupes armés du pays. Ils contrôlaient deux tiers de la Centrafrique avant de se lancer mi-décembre, à la tête d’une coalition, dans une rébellion pour renverser le régime du président Touadéra, réélu le 27 décembre. Ces deux groupes, majoritairement composés de Peuls, ont, depuis, perdu de larges pans de territoire qu’ils contrôlaient. L’armée centrafricaine a reçu le renfort de paramilitaires russes du groupe de sécurité privé Wagner, dépêchés par Moscou.
La région où se sont déroulés les affrontements de dimanche, aux confins du Tchad, de la Centrafrique et du Cameroun, est une zone de transit et un bastion des 3R côté centrafricain, mais ces derniers se sont dispersés dans la campagne face à l’offensive de l’armée et des Russes. Certains se sont réfugiés vers la frontière tchadienne, selon des sources sécuritaires à Bangui.
Côté tchadien, une junte militaire dirigée par un fils du président tchadien Idriss Déby Itno lui a succédé le 20 avril. Selon N’Djamena, l’ancien chef de l’Etat a été tué au front en avril alors qu’il menait lui-même une offensive contre des rebelles venus de Libye. M. Déby dirigeait le Tchad d’une main de fer depuis trente ans.
La junte a immédiatement dissous le gouvernement et le Parlement, abrogé la Constitution, tout en promettant des élections « libres et démocratiques » au terme d’une période de dix-huit mois renouvelable une fois. Le général Mahamat Idriss Déby s’est autoproclamé « président de la République » à la tête d’un Conseil militaire de transition (CMT).
La communauté internationale, et notamment la France, s’est largement abstenue de condamner ce que l’opposition a dénoncé comme un « coup d’Etat » . Le Tchad, dont l’armée est la plus puissante de la région, est vu comme le pays-clé dans la guerre menée contre les djihadistes au Sahel, une guerre dans laquelle la France est en première ligne. Elle a apporté son soutien à la transition militaire au Tchad, tout en « réclamant le retour rapide à des institutions démocratiquement élues ». Sous la pression internationale, la junte a nommé un gouvernement civil, mais le CMT conserve l’essentiel du pouvoir exécutif.