Les villages se trouvent à la limite entre le Nord-Kivu et l’Ituri. Les rebelles ougandais des Forces démocratiques alliées, un groupe armé meurtrier, sévissent dans cette région, mais l’identité des assaillants n’est pas encore connue.
Le bilan s’alourdit en République démocratique du Congo (RDC). Ce sont au moins 50 personnes qui ont été tuées dans la nuit du dimanche 30 au lundi 31 mai dans l’attaque de deux villages du nord-est du pays, selon un nouveau bilan du Baromètre sécuritaire du Kivu (ou KST, pour Kivu Security Tracker). Ces experts ont recensé 28 civils morts à Boga et 22 à Tchabi, deux villages du territoire d’Irumu, dans la province de l’Ituri.
Les assaillants ont pris pour cible le site de déplacés de Rubingo, non loin du centre de Boga, selon ces sources, qui précisent que les corps étaient encore en train d’être recensés. Parmi les victimes de l’attaque de Tchabi se trouve la femme du responsable de la chefferie de Banyali-Tchabi, a annoncé par ailleurs le KST.
Un responsable de la société civile locale a attribué ces tueries aux rebelles ougandais des Forces démocratiques alliées (ADF, Allied Democratic Forces). La région est cependant aussi marquée par de forts antagonismes entre ethnies. Selon deux responsables locaux cités par l’Agence France-Presse, « il est difficile d’attribuer ces attaques aux ADF », étant donné que d’autres conflits à caractère ethnique couvent dans la zone, notamment entre les Nyali et les Banyabwisha. Ces derniers sont des Hutu congolais d’origines rwandaises.
« Groupe terroriste »
Les deux villages attaqués, distants d’environ dix kilomètres, sont à la limite entre le Nord-Kivu et l’Ituri, dans une zone, frontalière avec l’Ouganda, où les ADF sont réputés actifs. D’après ces deux responsables, le site de déplacés de Rubingo attaqué abrite des Nyali, tandis qu’un autre site situé à environ 400 mètres, occupé majoritairement par les Banyabwisha, a été épargné ; ce qui alimente localement les spéculations sur l’identité des assaillants. L’armée a confirmé les attaques, sans plus de détails.
Province aurifère à la frontière avec l’Ouganda et le Soudan du Sud, l’Ituri a longtemps été une région troublée par les violences et les massacres au cours des trois dernières décennies. Entre 1999 et 2003, un conflit communautaire avait fait des dizaines de milliers de morts. Des membres des communautés Lendu et Hema s’étaient entretués par milices interposées jusqu’à l’intervention, en 2003, de la Force européenne Artémis, sous commandement français.
Après quelques années d’accalmie, la province a renoué avec les violences depuis décembre 2017, mais plus au nord, dans le territoire de Djugu, avant de toucher aussi les territoires d’Irumu, Mahagi et Aru, dans l’est de la province.
Une grande partie de ces violences, qui ont fait plus de 1 000 morts et des milliers des déplacés, est imputée aux membres d’un groupe Maï Maï appelé la Coopérative pour le développement du Congo (Codeco). Aujourd’hui scindée en plusieurs factions rivales, la Codeco prétend défendre les intérêts des Lendu.
Quant aux ADF, ils ont multiplié ces derniers mois leurs attaques meurtrières plus au sud, dans la province du Nord-Kivu, mais des massacres leur ont également été attribués en Ituri, dans des zones limitrophes du Nord-Kivu. A l’origine rebelles musulmans ougandais installés en RDC depuis 1995 où ils ont fait souche, les ADF sont de loin le plus meurtrier des 122 groupes armés recensés dans l’Est congolais par le KST. Le 11 mars, les Etats-Unis ont placé les ADF parmi les « groupes terroristes » affiliés aux djihadistes de l’organisation Etat islamique.