Neuf mois après l’installation de ses Autorités, un coup de force est perpétré contre le Président de la transition. Les auteurs du putsch contre IBK, les membres de l’ex-Comité national pour le salut du peuple (CNSP), estiment que le Chef de l’État Bah N’Daw s’est éloigné de la Charte de la transition, loi fondamentale de cette période devant poser les jalons du Mali nouveau… Retour sur certains évènements majeurs qui ont marqué le pays depuis le 18 août 2020.
Après plusieurs mois de manifestations regroupant de nombreuses composantes des populations maliennes, à Bamako comme dans d’autres villes de l’intérieur et au sein de la Diaspora. Leur objectif était d’obtenir la fin d’une gouvernance caractérisée par, notamment, une dégradation continue de la situation politique, sécuritaire et socio-économique du pays, sous les coups répétés de la corruption, du népotisme, du gaspillage des maigres ressources financières de la Nation, de l’inaction et de l’absence de vision des principaux Responsables…
Le 30 mai 2020 : Face à la gronde sociale, des partis politiques de l’opposition et un mouvement de la société civile décident de faire front commun dont l’imam Mahmoud Dicko a été désigné comme autorité morale. Ils appellent à manifester pour réclamer la démission du Président IBK. Ils dénoncent l’impuissance du Pouvoir face à l’insécurité, le marasme économique et la décision de la Cour Constitutionnelle d’inverser les résultats des élections législatives.
Le 5 juin 2020, les Maliens battent les pavés par des milliers de contestataires du Gouvernement d’IBK.
Malgré l’instabilité, le Chef de l’État reconduit à la mi-juin son Premier Ministre Boubou Cissé et le charge de former un nouveau Gouvernement. IBK ouvre ensuite la porte à un Gouvernement d’union nationale. Malgré ces promesses, des milliers de Bamakois réclament à nouveau dans la rue la démission du Président, le 19 juin 2020.
Les 7 et 8 juillet 2020, le Président IBK indique qu’il pourrait nommer au Sénat des candidats aux législatives qui avaient été d’abord déclarés vainqueurs, puis donnés battus par la Cour Constitutionnelle. Le Chef de l’État ouvre alors la voie à un réexamen de la décision de la Cour Constitutionnelle sur les législatives.
Le 10 juillet 2020, une manifestation à l’appel du Mouvement du 5 juin, placée sous le signe de la “désobéissance civile”, dégénère en attaques contre les locaux de l’Assemblée Nationale et de la télévision nationale. S’ensuivent trois jours de troubles civils, les plus graves qu’ait connus Bamako depuis 2012. Manifestations soldées par des cas de morts par des tirs à balles réelles.
L’opposition évoque un bilan de 23 morts et plus de 150 blessés. Mais ? de son côté, le Premier Ministre, Boubou Cissé, indique 11 morts, alors que l’ONU avance le chiffre de 14 manifestants tués.
Pour tenter d’apaiser le climat, IBK annonce, le 11 juillet 2020, la « dissolution de fait » de la Cour Constitutionnelle.
Aggravation de la crise
Le 18 juillet 2020, le mouvement du 5 juin rejette un compromis proposé par la médiation de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), conduite par l’ancien Président nigérian, Goodluck Jonathan, qui prévoyait le maintien au pouvoir du Chef de l’État.
Le 21 juillet 2020, le M5 annonce une trêve dans son mot d’ordre de désobéissance civile, afin que la fête l’Aïd al-Adha se déroule dans le calme.
Le 27 juillet 2020, les Dirigeants de la CEDEAO appellent les Maliens à “l’union sacrée”. L’organisation menace des sanctions tous ceux qui s’opposeront à son plan de sortie de crise, qui prévoit toujours le maintien au pouvoir du Président Ibrahim Boubacar Kéïta, mais qui prône un Gouvernement d’union nationale et la tenue des législatives partielles.
Mais deux jours plus tard, le plan essuie un triple revers : l’opposition réclame à nouveau le départ du Président de la République et rejette la main tendue par le PM Boubou Cissé. Puis une trentaine de Députés dont l’élection est contestée, refusent, de leur côté, de démissionner comme le leur a demandé la médiation de la CEDEAO.
Le 12 août 2020, des centaines de milliers de personnes se rassemblent (à nouveau) à Bamako, réclamant la démission du Président IBK. Le lendemain, la contestation rejette une proposition de Goodluck Jonathan pour une rencontre avec le Président Kéïta et exige la libération des prisonniers.
Le 17 août 2020, le M5-RFP annonce des nouvelles manifestations dans la semaine pour réclamer le départ du Président, avec en point d’orgue l’occupation de la place de l’Indépendance.
Le mardi 18 août 2020, une mutinerie de soldats à Kati se transforme en un coup d’État. Les militaires qui ont pris le pouvoir poussent le Président Ibrahim Boubacar Kéïta à la démission. Dans une allocution retransmise par la télévision publique (ORTM), le porte-parole des militaires, le Colonel-major Ismaël Wagué, Chef d’état-major adjoint de l’Armée de l’air, a assuré ne pas vouloir garder le pouvoir. Les militaires promettent d’organiser des élections générales “dans des délais raisonnables” afin de “permettre au Mali de se doter d’Institutions fortes”.
Le 19 août, entouré de militaires armés, le Colonel Assimi Goïta se présente comme le Chef de la junte. « Le Mali se trouve dans une situation de crise socio-politique, sécuritaire. Nous n’avons plus le droit à l’erreur. Nous, en faisant cette intervention, hier, nous avons mis le pays au-dessus (de tout), le Mali d’abord », affirmait-il.
De son côté, la coalition d’oppositions à IBK, le M5-RFP, se félicite du coup d’État militaire, estimant qu’il venait de “parachever” sa lutte pour obtenir le départ du Président de la République. Elle se déclare prête à élaborer avec la junte une transition politique.
Une transition de 18 mois
Le 12 septembre 2020, le Chef de la junte, le Colonel Assimi Goïta, s’engage à instituer un Gouvernement pour rétablir un pouvoir civil dans les 18 mois, après l’adoption d’une “charte” de transition.
Dans le détail, cette “charte” indique que le Chef de l’État par intérim peut être un civil ou un militaire et fixe à 18 mois la durée de la période de transition, qui devra être suivie d’élections, déclare Moussa Camara, porte-parole des discussions en cours. Le Président par intérim sera désigné par des électeurs choisis par la junte, ajoute-t-il à l’issue de trois jours de négociations.
Le Mouvement du 5 Juin ayant mené la contestation contre le Président Ibrahim Boubacar Kéïta, rejette cette charte de transition. La coalition, composée d’opposants politiques, de chefs religieux et de membres de la société civile, dénonce “la volonté d’accaparement et de confiscation du pouvoir au profit” des militaires.
Le 25 septembre 2020, le Président de la transition du Mali, Bah N’Daw, et le Vice-président, Assimi Goïta, Chef de la junte qui a renversé l’ex-chef d’État Ibrahim Boubacar Kéïta, ont prêté serment.
Le 5 octobre 2020, le nouveau Gouvernement est formé avec 25 membres dans lequel les militaires obtiennent les clés. Moctar Ouane, un Diplomate de carrière, y est nommé Premier Ministre.
Au moins quatre ministères stratégiques (la Défense, la Sécurité, l’Administration Territoriale et la Réconciliation nationale) sont confiés à des Colonels.
Le lendemain, la CEDEAO décide la levée des sanctions imposées au Mali après le coup d’État afin de “soutenir” la transition censée ramener les civils au pouvoir.
Le 15 avril 2021, les Autorités de la transition dévoilent le calendrier électoral : les premiers tours de la présidentielle et des législatives sont fixés au 27 février 2022, et d’éventuels seconds tours respectivement les 13 et 20 mars. Ce double scrutin s’inscrit “dans le cadre du strict respect de la durée de la transition, c’est-à-dire 18 mois”, souligne le Ministre de l’Administration Territoriale, le Lieutenant-colonel Abdoulaye Maïga.
La présidentielle et les législatives seront précédées, le 31 octobre 2021, par un référendum qui doit permettre à une révision de la Constitution, longtemps promise mais jamais concrétisée. Des élections régionales et locales sont également prévues pour le 26 décembre 2021.
Le 24 mai dernier, le Président, Bah N’Daw, et le Premier Ministre, Moctar Ouane, sont arrêtés et conduits à Kati, quelques heures à peine après avoir formé un nouveau Gouvernement. Confronté à une forte contestation, Moctar Ouane avait présenté sa démission, le 14 mai, et de son Gouvernement.
Le tombeur du régime d’Ibrahim Boubacar Kéïta a reproché au Président de former un nouveau Gouvernement sans le consulter bien qu’il soit chargé de la Défense et de la Sécurité. «Une telle démarche témoigne d’une volonté manifeste du Président de la transition et du Premier Ministre d’aller vers une violation de la charte de transition (…) ou d’une intention avérée de sabotage de la transition ».
Assimi Goïta a assuré, le mardi dernier, s’être vu « dans l’obligation d’agir » et de « placer hors de leurs prérogatives le Président et le Premier Ministre ainsi que toutes les personnes impliquées dans la situation ».
« Le processus de transition suivra son cours normal et les élections prévues se tiendront courant 2022 », a déclaré le Colonel Assimi Goïta dans une déclaration lue à la télévision publique par un de ses proches collaborateurs en uniformes.