Les autorités algériennes ont réprimé vendredi les marches hebdomadaires du mouvement prodémocratie du Hirak à Alger et dans plusieurs villes du pays, procédant à des centaines d’interpellations pour la deuxième semaine consécutive, selon des défenseurs des droits humains.
Le bras de fer continue. Les autorités algériennes ont réprimé, vendredi 21 mai, les marches hebdomadaires du Hirak dans la capitale, Alger, mais aussi dans plusieurs villes du pays. Les forces de sécurité ont ainsi arrêté des centaines de personnes pour la deuxième semaine consécutive, selon des défenseurs des droits de l’Homme, alors que la campagne des législatives vient de s’ouvrir.
“Marche empêchée et réprimée à Alger et à Annaba, affrontements à Bouira, des arrestations dans plusieurs wilayas” – les préfectures algériennes –, a déclaré à l’AFP Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH).
Des rassemblements ont quand même eu lieu à Béjaïa et à Tizi Ouzou, grandes villes de Kabylie (nord-est), malgré des arrestations, a précisé Saïd Salhi. “Selon un premier décompte en début de soirée, près de 500 personnes ont été interpellées dans une quinzaine de wilayas”, en majorité à Alger, a-t-il poursuivi.
La plupart des personnes arrêtées recouvrent généralement la liberté en fin de journée, avec leurs téléphones confisqués. Elles attendent ensuite d’être convoquées devant la justice, où certaines écopent de peines de prison ferme.
“Alger devenue bleu police”
Dans la capitale, la marche des hirakistes a de nouveau été neutralisée dès son début par un impressionnant déploiement policier, ont constaté des journalistes de l’AFP.
Depuis le matin, policiers en uniforme ou en civil avaient envahi les endroits névralgiques de la ville, bloquant les grandes artères et encerclant les mosquées d’où partent habituellement les cortèges de manifestants.
Des policiers en civil ont procédé à des contrôles d’identité des passants.
“Rues et ruelles coupées avec des véhicules de police, policiers en tenues ou en civil avec des brassards aux alentours de Bab El Oued”, quartier populaire et bastion du Hirak, a témoigné Lyes, qui n’a pas voulu donner son nom de famille.
“Pour ce 118e vendredi, ‘Alger la Blanche’ (surnom de la capitale, NDLR) est devenue bleu police”, a ironisé ce quadragénaire, faisant référence au nombre de semaines écoulées – 118 – depuis la naissance du Hirak, le 22 février 2019.
À la sortie de la mosquée Errahma, dans le centre-ville de la capitale, des fidèles ont été incités à rejoindre en ordre leurs domiciles sans marcher au milieu de la rue.
À la fin de la prière du vendredi, une centaine de personnes ont brièvement manifesté devant la plage Rmila de Bab El Oued, profitant pendant quelques instants de l’absence de policiers, qui n’ont pas tardé à les pourchasser, selon un journaliste de l’AFP.
Une couverture médiatique compliquée
Reporters et photographes indépendants sont privés d’accréditation et ne peuvent pas couvrir normalement les marches du Hirak. Deux journalistes ont été brièvement appréhendés, selon Saïd Salhi. En outre, des coupures d’Internet ont entravé la couverture des médias dans certaines villes.
Le bouclage d’Alger survient au lendemain de l’ouverture de la campagne pour les élections législatives du 12 juin.
Malgré deux échecs cinglants – la présidentielle de 2019 et le référendum constitutionnel de 2020, marqués par une abstention record –, le régime, dont l’armée est le pilier, est déterminé à imposer sa “feuille de route” électorale en dépit de son rejet par le Hirak et par l’opposition laïque et de gauche.
Pour ce faire, le ministère de l’Intérieur a décidé d’obliger les organisateurs des marches du Hirak – mouvement pacifique et sans véritable leadership – à “déclarer” au préalable les manifestations auprès des autorités, ce qui revient de facto à les interdire.
Au moins 133 personnes sont actuellement incarcérées pour des faits en lien avec le Hirak et/ou les libertés individuelles, selon le site Algerian Detainees.
Né en février 2019 du rejet massif d’un cinquième mandat du président Abdelaziz Bouteflika, qui a démissionné en avril de la même année, le Hirak réclame un changement radical du “système” politique en place depuis l’indépendance (1962).