En République démocratique du Congo, les noms des gouverneurs militaires du Nord-Kivu et de l’Ituri sont enfin connus. Ils devraient prendre leur fonction jeudi 6 mai, date du début de l’état de siège décrété par le président Félix Tshisekedi. Au cours d’une conférence de presse, les porte-parole du gouvernement, de l’armée et de la police ont expliqué et rassuré sur les conditions de cet état de siège qui inquiète parfois la population.
Le chef de l’État a décidé de faire confiance à deux anciens rebelles pour diriger pendant un mois ces deux provinces meurtries par des massacres, alors qu’au cours d’une conférence de presse, les porte-parole du gouvernement, de l’armée et de la police ont expliqué et rassuré sur les conditions de cet état de siège décrété il y a quelques jours.
Le gouverneur militaire du Nord-Kivu, c’est le général Luboya Nkashama, l’ancien patron de la première zone de défense, qui inclut, entre autres, Kinshasa. Il a été également le commandant de la 13e région militaire de l’Équateur. Cet officier, originaire de l’espace Kasaï, est un ancien de la rébellion du RCD Goma, proche du Rwanda, qui a un temps administré cette province, ce qui est d’ores et déjà pointé par certaines organisations de la société civile. Le général Luboya Nkashama est, comme prévu, secondé par un officier de police : le commissaire divisionnaire Alonga Boni Benjamin.
En Ituri, c’est un ancien rebelle aussi qui est nommé, mais il est issu de la rébellion du MLC de l’ancien vice-président et allié de Félix Tshisekedi, Jean-Pierre Bemba, considéré comme proche de l’Ouganda. Le général Constant Ndima Kongba a été commandant de la 3e zone de défense, qui couvre les deux Kivu, le Maniema et la Tshopo. Il était jusque-là le chef d’état-major général adjoint chargé de l’administration et de la logistique. Son vice-gouverneur est le commissaire divisionnaire Ekuka Lipopo, il a notamment assuré la coordination du groupe technique pour la sécurisation des élections.
Des officiers de police et de l’armée vont prendre le contrôle de tous les échelons administratifs dans ces provinces à partir de jeudi, d’autres nominations sont donc attendues.
Une conférence de presse pour rassurer et expliquer
Les porte-parole du gouvernement, des forces armées et la police ont cherché à rassurer en répondant aux questions de la presse, pendant plus d’une heure, au siège de la radio et télévision nationale. Le nouveau ministre de la Communication, Patrick Muyaya, a commencé par rassurer sur le respect des lois et des droits fondamentaux, le droit à la vie, à la liberté de penser. Le porte-parole de la police, le colonel Mwanamputu a, lui, insisté sur le caractère transitoire de ces mesures et l’évaluation faite à l’issue des 30 premiers jours par le Parlement qui doit décider ou non de l’opportunité d’un renouvellement.
À la question de savoir, au vu de la faiblesse des effectifs et de moyens et de l’ampleur des tâches à accomplir, dans quelle mesure ces autorités issues de l’armée et de la police seront capables de gérer les problèmes du quotidien, y compris dans le domaine judiciaire, le porte-parole du gouvernement a reconnu qu’il pourrait y avoir des perturbations, mais il a insisté sur le caractère exceptionnel de ces mesures et sur l’enjeu : restaurer la paix. Interrogé sur le risque d’abus ou même sur la présence d’officiers accusés de crimes graves dans ces provinces, le porte-parole de l’armée, le général Kasonga a, lui, insisté sur le fait qu’il ne fallait pas blâmer toute l’armée pour les abus de quelques-uns, il a aussi évoqué certaines accusations infondées et le travail de la justice militaire dans la lutte contre l’impunité.
Un état de siège différemment accueilli
Certains expriment leur satisfaction pour la perspective d’un retour de la paix dans la région. La population a trop souffert, estime Jean Bamanisa, le gouverneur civil de l’Ituri écarté pour laisser place à l’administration militaire. « Nous avons eu plus de 1,6 million de personnes déplacées, plus de 250 000 personnes dans les camps de réfugiés et des groupes armés qui occupent des espaces » et imposent leur loi, rappelle Jean Bamanisa.
Pour David Ung’Yertho, un notable de l’Ituri, les craintes portent sur le comportement des militaires. « Tous ces militaires et ces officiers étaient dans des bandes criminelles… que l’on suspecte d’avoir eu des contacts avec les pays voisins. Il fallait d’abord commencer par identifier et extraire les infiltrés », regrette David Ung’Yertho.
Une autre frange de la population pense qu’il s’agit là des fondements de la balkanisation du pays, comme Gilbert Kambale de la société civile de Beni. Ceux qui sont sceptiques quant au succès de cette opération pensent qu’elle « prépare le lit de la balkanisation », selon lui.
Côté Lamuka, Martin Fayulu et Adolphe Muzito espèrent, pour leur part, que l’état de siège n’est pas une « manœuvre politique pour museler les citoyens congolais et accueillir massivement des populations étrangères dans la partie Est de la RDC ».