Depuis le début de l’intervention des forces françaises aux côtés du Mali pour lutter contre le terrorisme, le sentiment anti-français, dans notre pays, n’a jamais été aussi grand que ces derniers mois. En cause : le déplacement de la crise sécuritaire du nord vers le centre du pays, et la recrudescence des attaques dans cette partie, au vu et au su des partenaires français qui ont déployé d’importants moyens matériels et humains dans le septentrion malien, en particulier, et dans la zone du Sahel, en général.
Loin de se résorber, l’insécurité s’accroît dans le pays. Depuis le début de l’année 2019, les régions du centre ont enregistré pas moins de 500 morts dans des attaques terroristes, dont les plus tristes ont été enregistrées à Gafani, Yoro, Sobane Da, Ogossagou, Koulogon, Petaka, Bulli Kessi, Nantaga, Dogo, plaçant la France, mandatée à cet effet par l’ONU, à travers sa force Barkhane, dans une position délicate. En effet, l’intervention française, en 2013, n’a contribué qu’à disperser les djihadistes, à travers le Sahel.
Suite à une succession de massacres dans différentes localités du Centre, la présence française est mise à l’index par plusieurs organisations de la société civile. On se rappelle encore le meeting historique du 5 avril 2019, à Bamako, où des slogans hostiles à la France ont été scandés.
Ce samedi 25 mai 2019, des dizaines de jeunes ont dénoncé, à l’Esplanade de la Bourse du Travail, la politique française au Mali. Ils l’on accusé de complicité pour être un soutien de taille à des groupes armés dans le pays.
« France terroriste », « Mort à la France », « France complice », « Plus jamais la France au Mali », « France Dégage », étaient entre autres messages des manifestants.
« Nous sommes déterminés à jamais pour nous débarrasser de la France au Mali, et ça se fera ainsi. Nous sommes contre la politique française en Afrique. Nous ne sommes pas contre le peuple français. Nous apprécions ce peuple français. Fondamentalement, les peuples n’ont rien les uns contre les autres », a déclaré Ibrahim KEBE, chef de file de la contestation.
Comment comprendre une France qui débarque au Mali pour apporter son soutien dans la reconquête de l’intégrité territoriale du Mali et l’instauration de la paix qui, au lieu de s’associer aux forces nationales dans un commandement unifié avec des moyens mutualisés et une stratégie convenue, fait cavalier à part ? Le G5 Sahel mis en place pour contrer cette logique, peine à trouver ses capacités opérationnelles malgré les gros budgets annoncés, dont 80% peine à être mobilisés, à la date d’aujourd’hui.
Malgré la multiplication des attaques dans le Centre, la traque des auteurs de ces barbaries devient problématique pour une armée qui peine à occuper véritablement le terrain. Selon un rescapé des dernières attaques, dans les localités de Ganfani et Yoro ayant fait 38 victimes, les assaillants disposent d’un important réseau d’informateurs locaux qui rend leur traque difficile, affirme: ‘’une patrouille se met en route: ils sont informés. Des forains prennent des cars pour les foires: ils sont au courant. Des enfants prennent le chemin de l’école ou des champs: on leur dit tout. Ils suivent tous les trajets de nos militaires et mettent des mines partout», a-t-il expliqué.
Selon un adage de la place, ‘’ceux qui viennent te tomber dessus sont aussi renseignés sur tes habitudes, ils connaissent tes informateurs ’’.
Les pays du Sahel, notamment le Burkina, le Niger et le Mali sont ainsi fréquemment pris à partie par ces terroristes sans foi ni loi. Ce qui inquiète dans ces zones en proie à la violence, c’est que depuis deux ans, les habitants n’arrivent plus à travailler et les outils de production sont les cibles des assaillants, les bœufs de labour, les greniers détruits et incendiés. Malgré les appels au calme et autres assurances des autorités, les populations dont la survie est devenue problématique, sont en train de vider la zone.
Face à la recrudescence de la violence, l’Association malienne des droits de l’homme (AMDH) interpelle, dans une déclaration, les autorités et leur demande d’agir vite. Peut-il en être autrement ? Malgré un Plan de sécurisation intégré des régions du centre (PSIRC) élaboré en 2018 qui a permis de doubler presque les effectifs des FAMa sur le terrain, les attaques sont loin de faiblir. D’où, l’inquiétude de Me Moctar MARIKO qui dénonce l’absence de l’État dans la zone et l’impunité des auteurs des attaques qui favorisent le cycle de violence.
« Chacun s’est armé pour se protéger. Les milices sont en train de suppléer la carence de l’État. En ce sens, je veux parler de l’absence des administrations maliennes, l’absence des forces de sécurité du Mali dans cette zone pour protéger les populations. Et c’est un laisser-aller total », a-t-il fait constater.
Moctar Mariko pointe aussi les d’amalgames.
« À chaque fois qu’il y a une violence quelque part, quand il y a une communauté, on a aussi tendance à les instrumentaliser les uns contre les autres. Il y a un amalgame et une confusion totale au centre du Mali. Et les gens ont aussi ce sentiment de frustration parce que pour toutes ces violences, il n’y a jamais eu de poursuites. Et comme il n’y a pas d’ouverture sérieuse d’enquête, les gens se sont dit : il faut mieux s’armer et se défendre parce qu’on ne sait pas quand la justice viendra à notre secours ».
Au regard de la forte présence de forces étrangères (plus de 4 000 éléments de Barkane et 13 000 de la MINUSMA), comparées au niveau des massacres des populations au Nord comme au Centre, le commun des Maliens a l’impression d’un Mali trahi par ceux qu’il considère comme ses partenaires.