Ahmed Gaïd Salah a affirmé mardi 28 mai « vouloir adopter la voie d’un dialogue sérieux, rationnel, constructif et clairvoyant, qui placerait l’Algérie au-dessus de toute considération ». Le chef d’état-major ne s’est pas prononcé sur la date de l’élection présidentielle, deux jours après l’annonce du dépôt de deux candidatures au Conseil constitutionnel.
Comme chaque semaine depuis la chute d’Abdelaziz Bouteflika, le chef d’état-major Ahmed Gaïd Salah s’est de nouveau exprimé mardi sur la situation politique de l’Algérie, lors d’une visite à Tamanrasset, en 6e région militaire (extrême sud). Dans ce discours très attendu, trois jours après la date limite de dépôt des candidatures pour l’élection présidentielle du 4 juillet, le nouvel homme fort de l’Algérie a affirmé que « la seule voie permettant de sortir de la crise que traverse notre pays est un dialogue qui place l’Algérie au-dessus de toute considération ».
« Le peuple algérien, dévoué à sa patrie, et conscient de l’importance d’aboutir rapidement à des issues adéquates à cette crise, ne veut plus revivre les expériences douloureuses antérieures dont il a subi les affres et souffert terriblement des répercussions, tout comme il n’oublie pas et ne veut pas oublier cette pénible période qu’il a vécue durant les années 1990 », a-t-il continué, en appelant à « tirer l’enseignement des expériences et des événements tragiques passés, où la raison était absente ».
Dimanche matin, la radio nationale a affirmé qu’« aucune candidature » n’a été déposée avant la date butoir de samedi soir, mais deux candidats ont finalement bien déposé leurs dossiers, annoncé le lendemain le Conseil constitutionnel. Il s’agit d’Abdelhakim Hamadi et de Hamid Touahri, méconnus des Algériens. Alors que le peuple demande depuis plusieurs semaines l’annulation du scrutin, le général Gaïd Salah a insisté à plusieurs reprise sur l’attachement de l’Armée nationale populaire (ANP) à la « voie constitutionnelle », appelant à « accélérer la création d’une instance indépendante pour l’organisation des élections ».
Le scrutin reporté ?
Ce mardi, celui qui est également vice-ministre de la Défense ne s’est pas exprimé sur l’échéance électorale du 4 juillet, se limitant à rappeler « la nécessité que toutes les parties fassent preuve de responsabilité à faire du dialogue la bouée de sauvetage de la patrie ». « Ce dialogue auquel les personnalités et les élites nationales, fidèles à la nation et à son intérêt suprême sacré, doivent participer […] pour évaluer les circonstances que vit le pays », a-t-il précisé, répétant qu’il n’avait « aucune ambition politique ».
La réflexion se dirige vers l’instauration d’une période de transition qui soit la plus courte possible
Si la date du 4 juillet n’a pas été évoquée par Ahmed Gaïd Salah, l’éditorial publié le même jour dans le quotidien d’État El Moujahid – qui donne généralement une bonne indication de la ligne officielle – certifie « qu’après la clôture du dépôt des dossiers de candidature au Conseil constitutionnel, et l’insistance de nombreuses parties pour le report des élections, le pays se trouve dans une nouvelle étape nécessitant l’amorce du dialogue pour faire en sorte que la crise ne puisse perdurer. C’est dans ce contexte que la réflexion se dirige vers l’instauration d’une période de transition qui soit la plus courte possible, durant laquelle il faudrait procéder à la création d’une commission indépendante de l’organisation du scrutin. »
Ce dialogue « si précieux pour l’avenir de la nation, mieux vaut l’engager le plus tôt possible », estimait déjà la veille le journal.
Quelle forme pour le « dialogue » ?
Alors que le mot « dialogue » revient depuis des mois, le pays demeure pour le moment dans une impasse. Le peuple refuse la feuille de route proposée par Gaïd Salah et réclame une transition politique prenant en compte la volonté des Algériens, appelant régulièrement le chef d’état-major à partir.
Intervenant dimanche 5 mai, quelques heures après la mise en détention du frère du président déchu Saïd Bouteflika, le président par intérim Abdelkader Bensalah avait déjà appelé à « un dialogue intelligent, constructif et de bonne foi ». Pourtant, même l’initiateur du congrès, prévu le 22 avril, ne s’y était pas rendu, tout comme les partis de l’alliance présidentielle et de l’opposition – qui réclament eux aussi le dialogue, sans forcément lui donner le même sens.
Contestée par le mouvement populaire, cette réunion, qui était censée bâtir la feuille de route de la transition, s’est finalement révélée un échec. L’idée de « s’asseoir autour d’une même table pour dialoguer et édifier une nouvelle Algérie » avait été avancée par l’ancien coordinateur de l’instance dirigeante du Front de libération nationale (FLN), Mouad Bouchareb, qui demandait fin mars « d’atteindre les objectifs escomptés » avant le départ d’Abdelaziz Bouteflika.