Au Cameroun, « il y a urgence » à accroître l’aide humanitaire et à la financer, a déclaré lundi le secrétaire général adjoint de l’ONU pour les Affaires humanitaires Mark Lowcock, lors d’une réunion informelle inédite du Conseil de sécurité sur ce pays.
« Un Camerounais sur six a besoin d’aide humanitaire, de protection », soit 4,3 millions de personnes, notamment des enfants et des femmes, a-t-il dit lors de cette session organisée par les Etats-Unis en dépit de l’opposition de Yaoundé et des membres africains du Conseil. « Huit régions sur les dix du pays sont touchées par la crise humanitaire », a-t-il ajouté.
La situation humanitaire au Cameroun « n’est pas une menace pour la paix et la sécurité internationales » et « elle doit être gérée par le gouvernement camerounais », a ainsi affirmé Anatolio Ndong Mba, ambassadeur de Guinée équatoriale, membre non permanent du Conseil. Il s’exprimait aussi au nom des deux autres pays africains de cette instance, l’Afrique du Sud et la Côte d’Ivoire.
« Ce sont les Africains qui doivent régler les problèmes africains », a-t-il ajouté, en évoquant plusieurs organisations régionales africaines. « Pour autant que les autorités camerounaises le souhaitent », a-t-il précisé.
Il s’agit de la première réunion du Conseil de sécurité sur ce dossier alors que les grandes puissances avaient privilégié jusqu’alors les pressions bilatérales sur le président Paul Biya pour inverser le cours des choses.
500 000 déplacés internes
La crise a débuté en 2016 avec des revendications pour davantage de représentativité anglophone dans ce pays à majorité francophone, avec un retour au fédéralisme. Une minorité de contestataires réclamait l’indépendance et la proclamation d’un nouvel État, l’Ambazonie.
Face à l’intransigeance de Yaoundé et à la répression des manifestations pacifiques, le conflit s’est durci. Fin 2017, une partie des séparatistes a pris les armes et des combats les opposent depuis à l’armée.
Aujourd’hui, « 500 000 personnes sont des déplacés internes, la plupart restant cachées dans des forêts » et « plus de 600 000 enfants sont privés d’éducation » dans les régions anglophones du nord et du sud concernées, a précisé Mark Lowcock.
« Spectre d’une crise humanitaire »
Face à la dégradation de la situation humanitaire, « nous avons besoin d’une riposte plus globale », notamment de financement international, a-t-il souligné. Les besoins sont de 300 millions de dollars mais seulement 38 millions ont été mis à disposition, a indiqué le responsable de l’ONU. Selon le centre d’analyses géopolitiques International Crisis Group, en vingt mois le conflit a fait 1850 morts. Le Nigeria accueille 35 000 réfugiés, pour la plupart des femmes et des enfants, selon l’ONU.
Dans un communiqué, le ministère camerounais des Relations extérieures a tenté de relativiser l’importance de la réunion de l’ONU, précisant qu’il ne s’agit que d’un « échange de vues » n’engageant « en rien » le Conseil de sécurité de l’ONU. Si le communiqué salue « l’intérêt que de nombreux pays portent à la situation humanitaire au Cameroun », le ministère camerounais critique aussi « l’obsession de certains pays et autres acteurs à agiter et exagérer le spectre d’une crise humanitaire » au Cameroun « dans le vain espoir de susciter une intervention dite humanitaire ».