Le président déchu Omar el-Béchir a été inculpé pour « le meurtre de manifestants » pendant les protestations contre son régime, a indiqué lundi le Procureur général soudanais. Dans le même temps, les discussions sur le futur Conseil de transition ont progressé et des violences ont éclaté à Khartoum, faisant cinq morts dans la capitale.
« Omar el-Béchir et d’autres (personnalités) ont été inculpés pour incitation et participation au meurtre de manifestants », selon un communiqué du Procureur. L’inculpation de l’ancien président, actuellement emprisonné à Khartoum, fait suite à une plainte déposée pour la mort d’un médecin durant des protestations à Burri, un quartier de l’est de Khartoum, selon la même source.
Dans son communiqué, le Procureur général a recommandé l’ »accélération des enquêtes sur les meurtres d’autres manifestants ». Le Soudan est en proie depuis le 19 décembre à un mouvement de contestation inédit ayant poussé à la destitution le 11 avril par l’armée du président Béchir qui dirigeait le pays d’une main de fer depuis près de trois décennies.
Selon une association de médecins proche de la coordination des protestataires, l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC), 90 personnes ont été tuées par les forces de l’ordre depuis le début des manifestations le 19 décembre. Les autorités parlent quant à elles d’un bilan de 65 morts.
Omar el-Béchir fait l’objet de mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale, pour des accusations de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis dans le cadre du conflit au Darfour, ouest du Soudan. Fin avril, le Conseil militaire de transition, au pouvoir depuis la destitution du président Béchir avait refusé de l’extrader, laissant cette éventuelle décision à un futur gouvernement civil.
Le Conseil de transition prend forme
Alors que la justice poursuit son travail dans le dossier de l’ancien président, les discussions autour de la formation du futur conseil de transition ont continué lundi. Les représentants de la contestation populaire au Soudan et les généraux au pouvoir ont annoncé lundi être parvenus à s’entendre sur des structures de transition exigées par les manifestants, sur fond de regain de tensions à Khartoum.
Cet accord a été annoncé quelques heures seulement après la reprise de discussions jugées cruciales pour l’avenir du pays.
« Au cours de la réunion d’aujourd’hui, nous nous sommes mis d’accord sur la structure des organes (de transition) et leurs prérogatives », a déclaré à l’AFP un porte-parole des protestataires, Taha Osman. Ces organes sont un « Conseil souverain, un cabinet et une assemblée législative », a-t-il précisé. « Les discussions de demain (mardi) vont porter sur la durée de la période de transition et la composition du (nouveau) conseil » et des deux autres organes, a-t-il ajouté.
Le porte-parole du Conseil militaire, le général Chamsedddine Kabbachi a confirmé les termes de l’accord. « Nous nous sommes entendus sur la formation des entités de la transition aux niveaux souverain, exécutif et législatif », a-t-il déclaré à la presse. « Demain, nous allons discuter des pourcentages de représentation (au sein de ces organes) et de la durée de la transition », a-t-il dit.
Jusqu’ici, les deux parties divergeaient notamment sur la composition d’un Conseil souverain appelé à remplacer le Conseil militaire qui a pris le pouvoir après l’éviction d’Omar el-Béchir. L’Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance de la contestation, veut qu’il soit dominé par les civils tandis que l’armée cherche à ce qu’il comprenne une majorité de militaires. Les généraux souhaitent une période de transition de deux ans tandis que les protestataires veulent que cette période s’étende sur quatre ans. Les militaires voulaient en outre garder la Charia (loi islamique) comme source de la législation pendant la période de transition.
La tension monte à Khartoum
Les progrès dans les négociations sur le transfert du pouvoir par les militaires intervient alors que la tension est montée dans la capitale Khartoum. Trois manifestants de plus ont été tués par balles lundi soir à Khartoum, ce qui porte à cinq le bilan des morts au cours d’incidents dans la capitale soudanaise, selon des sources médicales et militaires.
Depuis dimanche soir, des manifestants bloquent une grande artère de la capitale, la rue du Nil, après avoir accusé les militaires d’avoir fermé un pont menant à leur sit-in permanent devant le QG de l’armée. Lundi, des heurts ont eu lieu entre forces de l’ordre et manifestants, selon le Comité des médecins, proche de l’ALC. Les paramilitaires de la Force de soutien rapide (RSF) ont dispersé à coups de bâton des manifestants dans plusieurs endroits de Khartoum et démantelé des barricades, selon ce comité.
Dès dimanche, le Conseil militaire a jugé « totalement inacceptable » le blocage de la rue du Nil. « Cela crée du chaos et rend la vie difficile pour les citoyens », avait-t-il déclaré dans un communiqué. Mais il a démenti des affirmations sur les réseaux sociaux selon lesquelles les forces de sécurité avaient l’intention de disperser le sit-in principal qui se maintient devant le QG de l’armée depuis le 6 avril. « Nous assurons que cela est totalement faux », avait indiqué le Conseil militaire.