Les langues continuent de se délier par rapport à la nouvelle équipe gouvernementale dirigée par Dr Boubou Cissé. Dans l’esprit initial, il semble que dans la formation de ce gouvernement, la volonté était de satisfaire tout le monde. Ainsi, c’est l’un des gouvernements les plus étoffés que le Mali ait jamais eus avec 38 ministres, dont 17 entrants. L’on constate que ni les éléments des mouvements encore moins les acteurs de la Société civile n’y ont été invités.
Ainsi, la part belle a été accordée aux politiciens. Bien que certains estiment que c’est tout à fait normal, dans la mesure où l’accord qui a prévalu à la mise en place de ce document est d’abord politique. Même s’ils étaient présents dans la salle lors de la signature de ce document, le 1er mai dernier, les représentants des groupes armés et les acteurs de la Société civile n’étaient là que pour combler les vides. D’ailleurs, ils n’ont même pas apposé leurs initiales au bas de ce document. Alors qu’ils étaient nombreux à indiquer que, pour faire face aux crises que le pays connait, il fallait un gouvernement inclusif. Hélas, cela n’a pas été le cas.
Pourtant, c’est la première fois, en six ans de régime IBK, que les groupes armés ont été invités à proposer des noms et à transmettre leurs CV aux autorités. Selon nos sources, la CMA a proposé trois noms, dont Altanata Ag Ebalagh, qui n’est autre que le N°2 du MNLA au Comité de Suivi de l’Accord (CSA), un cadre de l’Organisation pour la Coopération Islamique (OCI) pour le HCUA et Mohamed Ould Mahmoud dit ‘‘Madou » pour le MAA.
La Plateforme aussi a proposé quelques noms même si elle ne faisait pas de son entrée au gouvernement une condition pour bien participer au retour de la paix. Il nous revient que les autorités ont voulu prendre un nom dans chaque regroupement et nommer d’autres comme conseillers techniques dans des ministères. Finalement, on s’est encore retrouvé avec un gouvernement sans représentant des groupes armés.
A en croire nos sources, si ces derniers sont allés jusqu’à proposer des noms c’est bien à cause de la Communauté internationale, notamment la médiation, qui voyait en leur participation au gouvernement un moyen d’aller plus vite dans l’application de l’Accord puisqu’ils seront désormais comptables de la gestion.
Ainsi, beaucoup croyaient en un scénario à la centrafricaine, où le gouvernement actuel de ce pays, fruit de l’Accord dit de Khartoum, compte pas moins de 12 ministres issus de l’ex-rébellion et qui occupent des portefeuilles stratégiques. Pour le moment, en tout cas, cette recette semble prendre puisque ce pays, même s’il est toujours fragile, continue sa marche vers la réconciliation véritable. Alors pourquoi ne pas expérimenter le même modèle au Mali ?
Si les groupes armés sont frustrés par leur non-participation au gouvernement, le sentiment est également partagé par des acteurs de la Société civile. Ainsi, aucune des deux organisations faitières de la Société civile, à savoir le Conseil National de la Société Civile du Mali et la Coalition Citoyenne de la Société civile (CNSC) pour la Paix et la Réconciliation Nationale (CCSC/PURN) ne compte de représentant dans ce gouvernement.
Cette frustration a été exprimée par le président du Conseil Supérieur de la Diaspora Malienne (CSDM), en charge des questions migratoires au sein du Conseil National de la Société Civile. Selon lui, les autorités n’ont même pas daigné envoyer une copie de l’accord à son organisation. Il craint que les réformes, qui seront mises en œuvre, ne prennent pas en compte les aspirations véritables de la diaspora, qui a aussi son mot à dire dans la gestion du pays.
D’autant que l’une des revendications phares de celle-ci était de mentionner dans la future mouture de la Constitution une disposition permettant aux Maliens de l’extérieur de bénéficier de sièges à l’Assemblée nationale. Comme c’est le cas avec le modèle actuel au Sénégal où l’on compte près de 15 députés représentant la diaspora au sein de l’hémicycle. Alors que ce pays s’est tout simplement inspiré de la Politique Nationale de Migration (PONAM) pour mettre en œuvre cette réforme.
En tout état de cause, ce nouveau gouvernement dit de mission n’aura pas droit à l’erreur encore moins à un délai de grâce. Il devra faire ses preuves très rapidement pour montrer sa capacité de prendre en charge les attentes des Maliens.